La demi-brigade des fusiliers-marins avait été composée en toute hâte à Paris avec des marins sans affectation à la mer. La flotte, bien que conséquente, avait trop d'hommes à disposition pour tous les embarquer. C'est donc à peine formés comme des fantassins que l'Etat-Major les envoya sur le front des Flandres, au terrain d'aviation de saint-Pol-sur-mer pour les diriger ensuite sur le front belge. Direction Dixmude où ils se couvrent rapidement de gloire. Ronarc'h, alors plus jeune amiral de France, voit son nom connu dans toute la France. Rapide retour sur la manière dont Charles Le Goffic présente ses antécédents en 1916...
In Charles Le Goffic « Dixmude,
un chapitre de l’histoire des Fusiliers-marins (7 octobre – 10 novembre 1914) »,
Librairie Plon, Paris, 1916, 271 pages, pp 36-39
L’amiral Ronarc’h était Breton (« Pierre
Ronarc’h, né à Quimper en 1865, entré à l’Ecole Navale en 1880 (à quinze ans et
demi) ; prend part comme enseigne à l’affaire des Grandes-Comores, où il
est blessé, lieutenant de vaisseau à vingt-quatre ans, décoré à vingt-cinq. Aide
de camp de l’amiral Courrejolles pendant la guerre de Chine (1900-1901),
commandant le détachement français de la colonne Seymour, est le seul à ramener
son détachement. Nommé capitaine de frégate, commandant en second le Duguay-Trouin, vaisseau des aspirants.
Capitaine de vaisseau à quarante-deux ans, reçoit le commandement supérieur des
flottilles de contre-torpilleurs, torpilleurs et sous-marins de la 1ere armée
navale, poste créé à ce moment, très lourd, à tel point qu’à son départ le
commandement fut partagé entre deux capitaines de vaisseau. Promu amiral en
juin 1914 et, presque aussitôt, appelé à former la brigade des fusiliers-marins
(corresp. Part.) ) : son nom, guttural et puissant équivaut à un
certificat d’origine. Et l’homme se révèle exactement tel qu’on l’imagine d’après
son nom et qu’on sait de sa race : physiquement, sur un corps ramassé,
trapu, large d’épaules, une tête rude, volontaire, aux plans accusés, très fine
cependant, même imperceptiblement ironique, avec ces yeux des Celtes, un peu voilés,
qui semblent toujours regarder très loin ou en dedans ; au moral, et en
suivant l’expression d’un de ses officiers, « un ajonc de falaise, une de
ces plantes de grand vent et de terre pauvre qui s’incrustent aux fissures de
granit et qu’on n’en arrache plus, l’opiniâtreté bretonne dans toute sa force, mais
une opiniâtreté calme, réfléchie, extrêmement sobre de manifestations extérieures
et qui concentre sur son objectif toutes les ressources d’un esprit
merveilleusement apte à trier des éléments les plus ingrats » (Docteur I.G…,
corresp. part). Il est assez remarquable
que tous les grands chefs de cette guerre soient des méditatifs, des taciturnes :
l’opposition ne sait jamais autant accusée entre l’action et la parole. Par
ailleurs on a fait observer qu’il était peut-être dans la destinée de l’amiral
Ronarc’h, - marin « très distingué »
pourtant puisque c’est son commandement des flottilles de la Méditerranée qui
lui a valu ses étoiles et qu’il est l’inventeur d’un drague-mines adopté par la
marine anglaise, - de combattre surtout « comme un soldat de la Guerre » :
lieutenant de vaisseau et adjudant-major du commandant de Marolles, il fait
partie de la colonne Seymour envoyée au secours des légations européennes que
les Boxers assiègent dans Pékin. La colonne, trop faible, bien que composée de
marins des quatre divisions navales européennes stationnées dans les eaux
chinoises, est obligée de se replier en toute hâte vers la côte. C’est presque
une déroute, au cours de laquelle les détachements des divisions alliées
perdent un grand nombre d’hommes et toute leur artillerie de débarquement. Seul
de la colonne, le détachement français ramena la sienne. Les galons de frégate
récompensèrent l’auteur de cette belle manœuvre stratégique : il avait
trente-sept ans ; promu le 23 mars 1902, il était l’officier le plus jeune
de son grade. A quarante-neuf ans, avec sa moustache grisonnante et son « bouc
à l’américaine », c’est aujourd’hui le cadet de nos amiraux.