lundi 28 mai 2018

Ronarc'h, plus jeune amiral de France


 La demi-brigade des fusiliers-marins avait été composée en toute hâte à Paris avec des marins sans affectation à la mer. La flotte, bien que conséquente, avait trop d'hommes à disposition pour tous les embarquer. C'est donc à peine formés comme des fantassins que l'Etat-Major les envoya sur le front des Flandres, au terrain d'aviation de saint-Pol-sur-mer pour les diriger ensuite sur le front belge. Direction Dixmude où ils se couvrent rapidement de gloire. Ronarc'h, alors plus jeune amiral de France, voit son nom connu dans toute la France. Rapide retour sur la manière dont Charles Le Goffic présente ses antécédents en 1916...

In Charles Le Goffic « Dixmude, un chapitre de l’histoire des Fusiliers-marins (7 octobre – 10 novembre 1914) », Librairie Plon, Paris, 1916, 271 pages, pp 36-39

L’amiral Ronarc’h était Breton (« Pierre Ronarc’h, né à Quimper en 1865, entré à l’Ecole Navale en 1880 (à quinze ans et demi) ; prend part comme enseigne à l’affaire des Grandes-Comores, où il est blessé, lieutenant de vaisseau à vingt-quatre ans, décoré à vingt-cinq. Aide de camp de l’amiral Courrejolles pendant la guerre de Chine (1900-1901), commandant le détachement français de la colonne Seymour, est le seul à ramener son détachement. Nommé capitaine de frégate, commandant en second le Duguay-Trouin, vaisseau des aspirants. Capitaine de vaisseau à quarante-deux ans, reçoit le commandement supérieur des flottilles de contre-torpilleurs, torpilleurs et sous-marins de la 1ere armée navale, poste créé à ce moment, très lourd, à tel point qu’à son départ le commandement fut partagé entre deux capitaines de vaisseau. Promu amiral en juin 1914 et, presque aussitôt, appelé à former la brigade des fusiliers-marins (corresp. Part.) ) : son nom, guttural et puissant équivaut à un certificat d’origine. Et l’homme se révèle exactement tel qu’on l’imagine d’après son nom et qu’on sait de sa race : physiquement, sur un corps ramassé, trapu, large d’épaules, une tête rude, volontaire, aux plans accusés, très fine cependant, même imperceptiblement ironique, avec ces yeux des Celtes, un peu voilés, qui semblent toujours regarder très loin ou en dedans ; au moral, et en suivant l’expression d’un de ses officiers, « un ajonc de falaise, une de ces plantes de grand vent et de terre pauvre qui s’incrustent aux fissures de granit et qu’on n’en arrache plus, l’opiniâtreté bretonne dans toute sa force, mais une opiniâtreté calme, réfléchie, extrêmement sobre de manifestations extérieures et qui concentre sur son objectif toutes les ressources d’un esprit merveilleusement apte à trier des éléments les plus ingrats » (Docteur I.G…, corresp.  part). Il est assez remarquable que tous les grands chefs de cette guerre soient des méditatifs, des taciturnes : l’opposition ne sait jamais autant accusée entre l’action et la parole. Par ailleurs on a fait observer qu’il était peut-être dans la destinée de l’amiral Ronarc’h,  - marin « très distingué » pourtant puisque c’est son commandement des flottilles de la Méditerranée qui lui a valu ses étoiles et qu’il est l’inventeur d’un drague-mines adopté par la marine anglaise, - de combattre surtout « comme un soldat de la Guerre » : lieutenant de vaisseau et adjudant-major du commandant de Marolles, il fait partie de la colonne Seymour envoyée au secours des légations européennes que les Boxers assiègent dans Pékin. La colonne, trop faible, bien que composée de marins des quatre divisions navales européennes stationnées dans les eaux chinoises, est obligée de se replier en toute hâte vers la côte. C’est presque une déroute, au cours de laquelle les détachements des divisions alliées perdent un grand nombre d’hommes et toute leur artillerie de débarquement. Seul de la colonne, le détachement français ramena la sienne. Les galons de frégate récompensèrent l’auteur de cette belle manœuvre stratégique : il avait trente-sept ans ; promu le 23 mars 1902, il était l’officier le plus jeune de son grade. A quarante-neuf ans, avec sa moustache grisonnante et son « bouc à l’américaine », c’est aujourd’hui le cadet de nos amiraux.

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