Il faut en convenir, entre les mouvements nationalistes du Printemps des peuples du XIXe s, la thèse pangermaniste qui fit flores jusque dans les années 40 et les revendications régionalistes de part et d'autre de la frontière franco-belge, le mouvement "identitaire" flamand est un phénomène mal connu du grand public et porte atteinte à ceux qui revendique leur identité flamande sur un plan historique ou culturel. Un dossier à lire avec un intéret réel...
Dossier publié en 1986 par
l'association Teraege Toegaen B. P. 2 59630 BOURBOURG
Introduction
Ce dossier est le résultat d'une
réunion publique organisée par l'association Teraere Toegaen à la mairie de
Wormhout en 1984. Afin de permettre leur publication, les diverses
interventions ont été remaniées, complétées et actualisées. "La Flandre
dévoyée" ne présente qu'une face de la revendication flamande, celle des
mouvements d'extème droite. Il nous semble nécessaire de faire tomber le masque
des ces mouvements afin que personne ne puisse être trompé ou manipulé.
Il sera désormais clair que les
personnes qui collaborent avec ces mouvements ne pourront plus prétexter
l'inconscience ou la méconnaissance de ce qu'ils proposent. L'histoire nous
montre que beaucoup de gens ne deviennent conscients des dangers de l'extrême
droite qu'après avoir fait "un bout de chemin" avec elle. L'un des
objectifs de ce dossier est de leur éviter cette expérience douloureuse qui se
traduit concrètement par l'écoeurement et le rejet de toute position
revendicative pour la Flandre et ses habitants.
Les personnes sensibilisées aux
problèmes de la Flandre doivent savoir que des mouvements différents existent.
Les uns tournés vers le passé, d'autres, tel Tegaere Toegaen, tournés vers
l'avenir.
Tout n'est donc pas perdu pour la
revendication flamande démocratique.
Sources du "régionalisme" d'extrême droite (jusqu'en
1945)
Liutprand de Crémone,
collaborateur de l'empereur Otton écrivait, au lendemain de la fondation du "Premier Reich" (962) : « Nous autres
les Lombards, Saxons, Francs, Lotharingiens,
Bavarois, Souabes, Burgondes, nous avons un tel mépris pour les Romains que lorsque nous cherchons à
exprimer notre colère, nous ne trouvons pas
de terme plus injurieux pour insulter nos ennemis que celui de Romains; ce
mot désigne pour nous tout ce qui
est ignoble, lâche, sordide, obscène...».
On trouve également dans Le Lion
de Flandre (novembre 1942) : « Nous
méprisons tellement les Romans que l'invective la plus grosse que nous employons envers nos ennemis, lorsque
nous sommes en colère, n'est autre que Roman.
»
Comment à mille ans d'intervalle
a-t-on exhumé cette citation ?
Cette rapide analyse essaiera de
montrer l'origine et l'évolution d'un certain type de "régionalisme" d'extrême-droite encore présent de nos
jours. Liuprand de Crémone
manifestait l'importance et la conscience d'appartenir à une même communauté linguistique face à la
latinité. C'est l'époque où naquit l'idée de la supériorité de l'élément germanique et de la langue germanique.
C'est celle aussi où l'on va jusqu'à
dire qu'Adam parlait allemand.
Pendant plusieurs siècles, la
langue devient de plus en plus synonyme de race.
Et six siècles plus tard, la
prétendue supériorité raciale devient l'un des éléments moteurs du nationalisme allemand. Luther participe à ce mouvement.
Dans "A la noblesse
chrétienne de la nation allemande" (1520), il oppose les Allemands d'avec les Romains, les
Latins. Les peuples germaniques sont décrits comme virils et les peuples latins comme efféminés, c'est l'époque
du culte de la puissance. Le
luthéranisme devient la religion "nationale", l'allemand (grâce à la Bible de Luther) devient la langue
nationale.
Dans la seconde moitié du XVIe
siècle, ce sont les Pays-Bas, riches et indépendants, qui deviennent le
principal centre du culte de la langue germanique.
En même temps que la constitution
des Pays-Bas, c'est la naissance du nationalisme néerlandais et le début de la
constitution d'une langue nationale débarrassée de se liens avec l'allemand, le
néerlandais, que l'on commence à appeler de ce nom et plus bas allemand.
Le culte de la langue nationale
était au Pays-Bas, au temps de leur splendeur, une affaire sérieuse. C'est
ainsi que l'on voit Hugo Grotius, dans un poème consacré à la Linga Germanica,
louer celle-ci de ne pas avoir été imposée par un vainqueur à des populations
soumises (comme le latin) et d'être restée pure de toute contamination étrangère.
(On peut rapprocher ceci de ce qui est dit dans "Le néerlandais" de
O. Vandeputte et J. Fermaut (1981) : « A l'inverse, jusqu'au XXe siècle, les
dialectes de Flandre ont vécu morcelés et dominés par une culture étrangère ; ces
dialectes ont subi la contamination de cette langue et voie de conséquence le
néerlandais standard de Belgique continue de pâtir de cette influence
abâtardisante »). L'eugénisme linguistique est très lié à l'eugénisme racial.
Quelques auteurs allemands au XVIIe siècle célébraient déjà la pureté de la
"race germanique", accusaient les moeurs chrétiennes d'avoir porté
atteinte à cette pureté ou suggéraient même des mesures légales pour la
restaurer. Une fureur purificatrice commença bientôt à se dépenser pour la
protection de la langue maternelle, aussi bien en allemagne qu'aux Pays-Bas.
C'est aussi au XVIIe siècle que
l'on voit apparaître pour la première fois les noms des vieilles divinités
germaniques : Woder, Freya et Ostara (Cf paganisme de la Nouvelle Droite) Le
poète Klopstock devint le grand popularisateur de la mythologie ancestrale
(1766- 1768). Klopstock faisait aussi la différence entre deux sortes
d'étrangers nonallemands : les "Ausländer" de souche welche (non-aryenne)
et les "Altfrancken " de souche germanique. C'est le signe de
naissance du pan-germanisme. Les jeunes romantiques allemands, commencent à célébrer
la mission universitaire allemande, une élection qui implique le sentiment d'une
communauté d'origine, mais qui se veut d'abord foncièrement pacifique. C'est en
1803 que se situe le début de l'idée d'un grand empire allemand et de la lutte
de la Germanie pour regagner les territoires de l'Ouest conquis par Louis XIV. Konstantin
Franz, sous le gouvernement de Bismarck oppose la notion française centralisatrice
au fédéralisme pan-allemand. On émet l'idée de créer un état tampon dans le
Nord de la France sous la domination allemande. Le XIXe siècle est la période
du grand développement technique et scientifique. En particulier en biologie,
en ethnologie, en linguistique et en psychologie. « Le vieux fond romantique,
anciennes tendances historicistes, l'ancienne théorie de l'origine inconsciente
de la nation, le thème des forces vivantes - ces forces qui sont l'âme
populaire - trouvent ainsi une légitimation scientifique. On voit alors réapparaître,
modernisés et adaptés aux impératifs de la société de masses, habillés d'une
terminologie nouvelle et nourris des dernières découverte scientifiques, les principes
de la subordination de l'individu à la collectivité et de l'intégrité du corps
national » (Zeev Sternhell, la droite révolutionnaire. Les origines françaises
du fascisme 1885-1914). Ce sont les déviances de toutes ces sciences qui, conjuguées,
permettront au mythe aryen de prendre naissance. Le grand propagateur du mythe
indo-germain ou aryen fut Jakob Grimm (Histoire de la langue allemande, 1848).
Il est à noter que Grimm ne se servait ni du terme aryen, ni de celui
d'indo-germain, à Germain il préférait Deutsche, pour désigner les allemands,
dans lesquels il englobait les Francs, les Burgondes et les Langobards.
La germanomanie qui naît en
Allemagne en 1780 s'étend en France dans le deuxième quart du XIXe siècle. La
génération de 1850 est celle de Darwin, Gobineau et Wagner. Les influences de
Grimm et de Darwin sont particulièrement importantes. Darwin est celui à qui
l'on doit la théorie évolutionniste reprise par Spencer, créateur de l'idée de
"survie du plus fort" et Gobineau a écrit en 1856 "l'Essai sur
l'inégalité des races humaines". Zeev Sternhell écrit de Gobineau : « sa
science n'était pour lui qu'un moyen de satisfaire sa haine de la démocratie et
de la Révolution ». Le 10 avril 1853 naît à Dunkerque le Comité Flamand de
France. Plusieurs facteurs peuvent décrire le climat de cette naissance :
- La naissance du mouvement
flamand de Belgique (Henri Conscience publie "Le Lion de Flandre" en
1838, Jan Frans Willems, "père du mouvement flamand" meurt en 1846),
- La cassure du XIXe siècle, par
le développement de l'agriculture et de l'industrie. C'est la disparition d'un
monde rural et la naissance d'un monde industriel donc de l'urbanisation, ce
qui entraîne une perte des "racines". Tout ceci crée une vogue pour le
patrimoine historique et la langue flamande,
- En 1833, c'est l'interdiction
du flamand dans l'enseignement, celui-ci étant considéré (parce qu'utilisé
comme tel par le clergé) comme la langue du conservatisme opposé à la
République,
- L'influence intellectuelle de
Grimm et Darwin. « La révolution darwinienne imprègne profondément l'atmosphère
intellectuelle de la seconde moitié du siècle, elle nourrit des formes de
nationalisme et d'impérialisme très diverses, mais se caractérisent toutes par
leur brutalité et leur agressivité, leur culte de la vitalité, leur goût de la
force et cela va de soi, leur profonde aversion de la démocratie » (Zeev
Sternhell) Ce jugement serait trop sévère en ce qui concerne le Comité Flamand
de France qui entrerait plutôt dans le courant légitimiste, anti-laïciste,
catholique et anti-républicain. La brutalité et l'agressivité n'ont jamais été
à l'ordre du jour du CFF. Mais il est vrai que la quasi totalité de ses membres
étaient de la tendance contre-révolutionnaire. Mais le CFF a toujours eu une
attitude extrêmement méfiante face au pangermanisme. « Le Comité Flamand du
XIXe siècle et du début du XXe siècle ne regroupait guère que des
conservateurs, représentants de la bourgeoisie conservatrice, clergé réactionnaire,
qui, dans la plupart des cas, supportaient à contre-coeur la République… Il va
de soi que le radicalisme et le socialisme y sont totalement absents, mais même
la démocratie chrétienne, le catholicisme libéral et républicain y sont rejetés
par une grande majorité » (Éric Defoort, Une châtelaine flamande, p. 25)
Dans ses statuts, le Comité
Flamand ne s'intéresse qu'à la langue : « pour eux, la langue était quelque
chose de saint… » (M. Nuyttens, PBF, p 96). L'idée pan-germaniste se développe
pendant tout le XIXe siècle et jusqu'à la première guerre mondiale. A la suite
de la guerre de 1870, certains (Treitschke) proposaient de rattacher la Flandre
française à la Belgique. Fritz Bley (1897) écrit : « Le poing allemand a cinq
doigts : les Flamands, les Boers, les Hollandais, les Hauts-Allemands et les
Bas-Allemands mais le poing allemand peut se serrer et frapper quand la colère
le fait frémir. Et où il passe, l'herbe ne repousse plus. »
Cette citation peut être
rapprochée de celle que reprend Pascal Ory dans "Les collaborateurs
(1940-1945)", tirée d'une publication du Vlaamsch Verbond de Jean-Marie
Gantois : « Francs, Flamands, Frisons sont des prénoms, Germains est le nom de
famille » En 1955, Gantois écrivait encore :
« Franc, Saxon et
Frison
Ne sont que des
prénoms,
C'est Thiois le nom de
famille »
De Zuidelijkste
Nederlanden, p. 274
Remarquez la substitution du
terme "Germain" par "Thiois". À une autre époque, un autre
vocabulaire, mais toujours la même idée.) Au début du XXe siècle, la Ligue
Pan-Germaniste défend le caractère germanique de toutes les minorités
ethniques. Karl Lamprecht en 1913, lance pour la première fois l'idée d'un état
thiois.
Après la première guerre
mondiale, le national-socialisme abandonne le pangermanisme pour opposer la
notion française d'Etat-Nation à celle allemande d'Etat- Peuple. La
géopolitique est alors animée par les "lois" de la race, du sang et
de la terre. Un avatar régionaliste directement maurrassien est la Revue des
Flandres qui paraît en 1906-1907. Dans cette revue, on se déclare contre les idées
du Siècle des Lumière et la Révolution. C'est une sorte de synthèse d'anti-rationalisme,
de racisme et de nationalisme. Il fallait « faire la pathologie de la race,
examiner les tares de la société contemporaine et les causes profondes des
décadences européennes, combattre la dépravation de moeurs et l'actuelle
veulerie des masses…» Le président d'honneur en était Barrès et les liens existaient
avec l'Action Française et avec Drumont, auteur plus tard de l'ouvrage raciste
: "La France Juive".
Dans ce mouvement, le
régionalisme est l'instrument nécessaire pour une renaissance du peuple
français, pour "mettre un terme aux conséquences lamentables de la
Révolution de 1789". C'est un régionalisme où l'on défend la langue
française, où l'on a des réactions anti-flamingantes vis à vis des problèmes
linguistiques en Belgique. Ainsi en 1906 : « Eux aussi commencent à proclamer
dans leurs journaux que les Flamands et les Hollandais sont des Bas-Allemands
et que ces deux pays ainsi que la Flandre Française, l'Artois et la Suisse
devraient faire partie du grand Empire Allemand ». C'est une réaction
nationaliste et impérialiste à une autre mouvement nationaliste et impérialiste.
On réagit en écrivant : « A rebours pourquoi ne proclamerions nous pas que ce
sont les Flandres belges et la Wallonie belge qui devraient faire partie d'une France
fédéraliste ? »
Parmi les membres de la rédaction
on trouve en 1906 : Auguste Angellier, J. K. Huysmans, E. Verhaeren ainsi que
Camille Looten (président du Comité Flamand de France). Celui-ci disparaît de
la rédaction en 1907. Les liens du régionalisme de cette époque avec
l'extrême-droite française maurassienne ne sont pas rares. Ainsi le Chanoine
Lecroart, fondateur du premier Cercle d'Etude Flamand en 1919 (en réaction
après la séparation de l'Eglise et de l'Etat en 1905) et fondateur de "De Vlaemsche
Stemme van Vrankryk (1923-1926) ainsi que en 1923 de l'Union des Cercles
Flamand de France (Président d'Honneur : Camille Looten, Président : Jean- Marie
Gantois), participe-t-il le 25 Novembre 1925 à la Journée régionaliste et familiale
où le régionalisme et un certain catholicisme réactionnaire y allaient la main dans
la main et où la grande majorité des interventions furent dirigées contre la politique
laïciste du gouvernement Herriot.
Là encore, les organisateurs,
Achille Glorieux et Jules Van den Driessche (avocat à Tourcoing) avaient des
liens ouverts avec Maurras et l'Action Française. En outre, Achille Glorieux,
industriel roubaisien, aida financièrement le courant régionaliste dans le Nord
de la France après la première guerre mondiale. Lui qui milite dans le
mouvement pour les familles nombreuses, participe également aux congrès annuels
du Vlaamsch Verbond van Frankrijk créé en 1926. Il permet même à Gantois, par
son aide financière à se rendre au 15ème congrès de Bleun Brug (dirigé par
l'Abbé Perrot, exécuté par des résistants à la fin de la deuxième guerre mondiale)
du 8 au 10 septembre 1925 à Guingamp.
Comment peut-il y avoir
convergence entre "régionalistes" et
"contre-révolutionnaire" ? Un point commun, c'est le côté
réactionnaire, un autre peut être éclairé par ces citations de Barrès : «il
n'y a de justice absolue qu'à l'intérieur de la même espèce » « je me révolte
si la loi n'est pas la loi de ma race», dit Barrès qui prêche ainsi pour une
sorte de nouveau tribalisme. L"espèce" et la "tribu" n'étant
pas la même pour les uns et pour les autres.
C'est en 1926 que l'Union des
Cercles Flamands de France devient le Vlaamsch Verbond van Frankrijk à la suite
des contacts que Gantois et ses seconds, Marcel Janssen et Justin Blanckaert
entretiennent avec les flamingants de Belgique à partir de 1925. Ceux-ci ainsi
que Gantois, n'espéraient pas grand chose du Comité Flamand de France
"trop peu activiste, trop suranné et trop peuplé de vieux amoureux de
l'Histoire". Dans des lettres de 1926, 1927 et 1928, Camille Looten, Président
du Comité Flamand de France ne cache pas qu'il aida à la création du Vlaamsch
Verbond.
En 1933, Vital Celen exprime sa conviction que la Flandre (au sens
large) doit former une entité avec la Flandre belge et les Pays-Bas (ce qui
était aussi l'avis de Gantois). Entre 1934 et 1935, des tentatives ont lieu
pour aider financièrement le Vlaamsch Verbond par les flamingants de Belgique,
mais les organismes qui devaient le faire n'ont jamais réussi à décoller :
Michiel de Swaensfonds et Zannekin genootschap (une dizaine de membres). En
1935, selon Léo Pleyern, l'Allemagne devait libérer les minorités opprimées qui
en Flandre comme en Alsace-Lorraine luttaient au nom de leur
"Germanité". En 1937, Fred Moyse, agent de l'Abwehr, supervise de
Paris la Revue Peuples et Frontières, éditée à Rennes, à laquelle collabore
Gantois et qui est dévolue au combat pour les "peuples opprimés d'Europe
occidentale", avec une particulière prédilection pourceux dont
l'oppresseur s'appelle la France et le Royaume-Uni. « L'appareil subversif nazi
a joué son rôle dans le développement, à la veille de la guerre, de
l'information mutuelle et de la solidarité politique entre tant de mouvement aux
objectifs analogues et à l'ennemi commun. En 1927, Robert Ernst, animateur de l'Organisation
des Alsaciens-Lorrains du Reich, avait réussi à susciter autour des séparatistes
alsaciens un Comité des Minorités Nationales de France, où la Flandre côtoyait
la Corse, "cette province", dira un journal séparatiste flamand (Le
Lion de Flandre, sept. 1941), "qui a choisi une tête de nègre pour son
blason", la Bretagne, la Catalogne". » (P. Ory) Herman von Bothmer
élargit la notion de Flandre jusqu'à la Somme en 1940. Là où vit "un
peuple germanique qui, malgré une forte francisation et une appartenance depuis
trois siècles à un pays latin a su préserver ses propres particularités".
Les Nazis aspiraient à constituer un grand état néerlandais à la solde de
"l'Empire germanique de la nation Allemande". Hitler (1939) : «
L'époque de petits Etats est maintenant passée, je vais forger à l'Ouest une
union d'Etats vassaux avec la Hollande, la Flandre et le Nord de la France».
La Somme devait servir de
frontière naturelle entre les pays germaniques et latins. cette revendication
entre en concordance avec celle du Nationaal Socialistisch Bund aux Pays-Bas,
du Vlaamsch Nationaal Verbond en Belgique et du Vlaamsch Verbond van Frankrijk
en France. Le Vlaamsch Verbond entretenait d'alleurs des liens avec le Vlaamsch
Nationaal Verbond depuis 1933, qui lui-même de son côté tissait des liens avec
l'Allemagne nazie.
Le Nord-Pas de Calais devint
donc, après l'armistice de 1940, "zône interdite" et fut rattaché au
comandement militaire de Bruxelles. L'objectif était d'abord de mettre la main
sur une région industrialisée afin d'affaiblir la France, de créer un état face
à l'Angleterre et enfin il y avait une motivation ethnique. Ces ambitions
d'annexion échouèrent pour diverses raisons. D'abord, les Allemands devaient
éviter de s'aliéner un gouvernement qui leur était favorable, le gouvernement
de Vichy, il craignaient ensuite la réaction de la population qui risquait de
se tourner massivement vers De Gaulle et enfin ils furent plutôt échaudés par cette
même politique en Flandre belge. Début décembre 1940, Gantois est reçu à l'OFK
(Oberfeld Commandantur) 670 à Lille, où il remet une lettre à Hitler au nom des
"Flamands de France", qui est un serment d'allégeance sans équivoque.
Ainsi on peut y lire : « Fürher, Nous, Flamands de la France du Nord, qui avons
pu suivre de loin seulement, mais avec sympathie, la lutte du Reich allemand,
pour son unité raciale …` … vous, Adolphe Hitler, êtes devenu, par votre action
et votre combat, en cette période décisive de l'histoire mondiale, le Führer de
tous les Germains.
… Notre travail appartient à la
nouvelle Germanie, notre génération va au peuple allemand, notre confiance et
notre amour à vous, Adolphe Hitler. » Ainsi qu'un dossier qui affirme en
conclusion : "Nous sommes des Bas-Allemands et nous voulons faire retour
au Reich".
Peu après, le Vlaamsch Verbond
reprenait ses activités, avec l'appui financier des Allemands. Mais, Gantois
n'est pas satisfait des arrangements auxquels il est arrivé avec des allemands
qui n'ont pris au sérieux, ni lui, ni son mouvement, trop peu représentatif des
sentiments des habitants du Nord-Pas de Calais. Alors, il se tourne vers la
Propagandastaffel et les SS, jouant sur les dissensions entre l'Abwher et la SS.
Mais après diverses péripéties, une décision définitive est prise, le VVF se limitera
à une action "culturelle" avec l'aide financière des Allemands. Les
journaux De Torrewachter et Le Lion des Flandre reparaissent donc avec la
bénédiction des Allemands.
Le 8 octobre 1941, est lancé par
André Cauvin, ami de Gantois et membre du VVF, le quotidien : La Vie du Nord
qui tire à 40.000 exemplaires. Dans Le Lion de Flandre, on retrouve l'idéologie
du XIXe siècle qui a été développée plus haut et qui est aussi celle des Nazis
:
- inégalité des races humaines,
- supériorité de l'élément germanique
- rejet des notions de classes
pour celle de peuple, ethnie, race,
- rejet de l'individualisme…
On peut, entre autres, y lire des
textes de Brassilach et Drieux La Rochelle. Une des thèse du VVF était: « Celle
de l'"indifférence" de Vichy pour le Nord » qui « sert d'amorce à des
insultes de tonalité raciste: la France est méridionale, enjuivée, plus
attentive au "nègre" et au "bicot" qu'au Libre Flamand.
Face à la stérilité du baroque et du classicisme, des "grécolâtres"
et des "latinolâtre", parmi lesquels Maurras, on exalte la vitalité
des peuples babares, du Saint-Empire, de l'Art gothique, on s'annexe l'abbé
Lemire et jusqu'à Roger Salengro, on célèbre le "futur rôle économique des
Flandres dans l'Europe nouvelle", promesse d'une deuxième âge d'or flamand
». (Pascal Ory) Mais Eric Defoort ajoute (Une Châtelaine flamande, p. 64) : «
Ces jugements négatifs sur Maurras sont d'une inspiration exlusivement nationale
flamingante. Ils ne visent en aucune manière tout le bagage idéologique contre-révolutionnaire
de l'Action Française, que la plume des flamingants du Verbond laisse
rigoureusement intact ». Parcourons un peu plus loin les déclarations de Gantois,
le leader incontesté du VVF. Pour qui sait lire entre les lignes ou bien a en
main les documents dans lesquels Gantois s'exprime librement, il est difficile
de placer ce personnage ailleurs qu'à l'extrême droite. Et ceci dès bien avant
la collaboration ouverte avec l'Allemagne nazie. Ainsi l'anti-individualisme et
la nécessité de la sujétion de l'individu à la collectivité sont présents déjà
au moins depuis 1930, date à laquelle l'extrait suivant est écrit : « Le
principe de l'indépendance absolue de l'individu, dégagé de toute sujétion,
libre de toute contrainte, maître de lui et son seul maître, a progressivement déroulé
ses conséquences logiques… Le XIXe siècle, dont toute la "stupidité" consista
à récolter les fruits semés aux siècles précédents, poursuivit l'oeuvre funeste
en instaurant le libéralisme économique à côté du libéralisme doctrinal. La
laïcisation intégrale dont nous sommes témoins auourd'hui n'est que le terme de
cette implacable évolution…». (cité par E. Defoort, Une châtelaine flamande, p
64)
Quant au racisme accompagné
d'anticommunisme, cet extrait de 1939 est tout à fait révélateur : « L'invasion
métèque est une horreur. On prend des décrets-lois qui empêchent toute critique
contre les Juifs, les Arabes, les Levantins, les Nègres contrôlent les
ressources suspectes de la presse - qui interdisent la distribution de publications
de provenance et d'inspiration étrangère… Mais les Espagnols marxistes, les
Juifs allemands, autrichiens, tchèques, et les "démocrates" italiens,
etc… font la loi chez nous. mais personne ne s'inquiète des ressources de L'Humanité
et de la comptabilité des innombrables organisations communistes. Mais personne
ne se soucie de la propagande russe et moscovite qui déferle chez nous » (E.
Defoort, p 73)
Le séparatisme, lui, fait son
apparition publique dans les circonstances que Gantois pense favorables de
l'occupation : « Le vainqueur allemand doit continuer sur sa lancée et détacher
définitivement de la France cette partie historiquement germanique, pour
l'incorporer dans un ensemble thiois, qui à son tour prendra finalement sa
place au sein d'un monde germanqiue réorganisé » (cité par E. Defoort, p 89) Cette
proposition va exactement dans le sens de ce que souhaitait le VNV en Flandre
belge et qui était encouragé par les Allemands. Cette "partie
historiquement germanique" à laquelle Gantois fait référence, ce n'est pas
la Flandre française de langue flamande, ce n'est pas même l'ensemble du département
du Nord. Cette région comprend le Nord, le Pas-de-Calais et même une partie de
la Picardie jusqu'à la Somme. Rien de moins. Mais on a vu qu'il suit en cela certaines
idées qui courraient en Allemagne avant guerre. Mais pour pouvoir passer de la
Flandre française de langue flamande aux "Pays-Bas français" il
fallait trouver une autre justification que la langue flamande. Voilà donc
pourquoi Gantois s'est lancé sur la piste ethniste. Toutes ces populations ne
font donc pour lui qu'une seule ethnie, une seule "race". Mais des
positions racistes, Gantois les exprimait déjà bien avant guerre. En prenant bien
sûr certaines précautions de langage ou même en se dissimulant derrière un pseudonyme
(une pratique qu'il utilisera fréquemment). Ainsi en 1936, il écrit un livre sous
le titre évocateur : "Le règne de la race" qu'il signe du nom
d'Arnold Decleene. « Gantois y affirme ouvertement que "la théorie de
supériorité de la race aryenne dans l'ordre humain est l'évidence même…"» (E.
Defoort, p 81)
A la panoplie idéologique,
l'affirmation bien connue de n'être "ni à droite, ni à gauche", si
commune dans les mouvements de droite et d'extrême-droite, n'est pas absente. «
Notre mouvement de renaissance régionaliste ne se place "ni à droite, ni à
gauche, ni même au centre, mais en dehors et au-dessus de tous les
partis". A cet égard le Verbond s'apparente à tant de mouvements
régionalistes et nationalistes à l'intérieur de l'hexagone de
l'entre-deux-guerres avec leurs : "ni rouge, ni blanc, breton seulement",
Monarchie ? République ? Catalogne !", et ainsi de suite. Ils se désintéressent,
en principe, des clivages politiques qui ne concerne que l'Etat Central, et
affirment qu'ils représentent toutes les classes et toutes les tendances, et qu'ils
sont l'expression d'un peuple tout entier plutôt que d'une organisation. Mais
de fait, ils se classent objectivement à droite car, promouvoir l'idée d'un
"Front national" implique le rejet de l'idéologie de gauche, qui, par
le moyen de l'antagonisme des classes veut briser cette "union sacrée du peuple"
à l'avantage d'un "Front populaire"… Cette absence totale des partis
va de pair avec la présence non moins totale, envahissante, de l'idéologie
"réactionnaire" de la droite traditionnelle française des années
trente. En ce sens, le Verbond n'est ni à gauche, ni au centre, ni en dehors,
ni au dessus, mais bel et bien à droite » (E. Defoort, p 60). Mais le mouvement
qui a fait abondamment référence à la position "ni droite, ni gauche",
c'est le fascisme. Ce fascisme auquel les idées de Gantois ressemblent beaucoup,
alliance des classes sociales, rejet aussi bien du libéralisme que du marxisme,
la démocratie origine de tous les maux… Zeev Sternhell dans "Ni droite, ni
gauche, l'idéologie fasciste en France" (p 240) cite l'explication du
slogan que fait Pierre Andrieu, intellectuel fasciste : « En disant ni droite,
nous renions l'alliance déclarée des partis de droite et du capitalisme pour
mieux souvegarder les valeurs spirituelles dont les gens de droite sont les
faux gardiens. En disant ni gauche, nous renions l'alliance sournoise des partis
de gauche et du capitalisme et les fausses valeurs spirituelles (démocratie, individualisme)
qu'ils défendent ». Le nom de membres du VVF maintenant disparus font
périodiquement leur réapparition, même actuellement. Ainsi :
- Marcel Janssen (1903-1963)
écrivit sous seize speudonymes différents. Prêtre, vice-président du VVF,
secrétaire à la rédaction du Torrewachter (journal du VVF) et trésorier du
Davidsfonds dont Camille Looten (Comité Flamand de France) était le président.
Arrêté en 1946 et condamné à 10 ans d'indignité nationale et d'interdiction de
séjour dans le département du Nord.
- Justin Blanckaert (? 1942)
président du VVF
- Pierre Blanckaert (1896-1944),
président du VVF de 1942 à 1944
- Nicolas Bourgeois (1897-1982)
se rendit avec Gantois à l'OFK 670 de Lille pour y rencontrer les Allemands en
décembre 1940. Juriste, ancien élève de l'E.N.S. Par la suite, dans les années
récentes, membre du comité de parrainage de la revue "Nouvelle Ecole"
du GRECE (mouvement fondateur de la Nouvelle Droite). Il écrivit en 1927
"Le Fédéralisme et la Paix".
Quelle est l'importance du Vlaamsch
Verbond pendant l'occupation ? Le Lion de Flandre (avant-guerre) 180 abonnés)
n'en a guère plus de 300 en France en février 1944, presque autant en Belgique
et aux Pays-Bas. En 1943, le mouvement Zannekin-Arbeidsgemeenschap voor
Vlaanderen, groupement nazi de Flandre belge se charge de placer des
abonnements au Lion de Flandre dont il est le correspondant dans ce pays. Jean-Marie
Gantois a d'ailleurs fait en janvier 1942 une série de conférences en Belgique
à la demande de ce mouvment. l'Institut Flamand créé à Lille annonce 8.000
inscriptions mais on ne dépasse jamais le nombre de 50 auditeurs aux
conférences. À l’exception de quelques curés de campagne, le recrutement du VVF
est très urbain et même, en fait, limité à la conurbation lilloise. Les professions
libérales et les intellectuels formés par les facultés catholiques l'emportent
sur les commerçants et les artisans. Les jeunes du mouvement organisent
d'anodines veillées folkloriques mais vont aussi se recueillir sur la tombe de
Joris van Severen, selon les uns éxécuté par les Français, selon les autres
assassiné par des soldats saoûls en 1940 à Abbeville, où ils peuvent tout à
loisir saluer à l'hitlérienne et scander des slogans anti-français. La seule
conférence qu'ils organiseront sera faite sur le thème : "Pourquoi nous sommes
racistes".
En 1943, les plus activistes font
scission et entrent dans le SS (camps d'Anvers et Marquette en Ostrevent) et la
NSKK (Corps motorisé national-socialiste), car en 1943 « L'idée avait alors
germé dans les milieux SS, de confier le maintien de l'ordre à l'arrière du
front, à une formation d'Allgemeine SS qui regrouperait, en un seul corps, la
Légion Wallonne cantonnée dans les mines, la Brigade NSKK en garnison à Haubourdin
et les volontaires des partis collaborateurs » (E. Dejonghe, p 57
En septembre 1944, Gantois, avec
une douzaine de ses amis, est arrêté et transféré à la prison de Loos. Le
procès du Vlaamsch Verbond s'ouvre à Lille en décembre 1946. Gantois n'est
condamné qu'à cinq ans de réclusion grâce (selon Jacques Fermaut du Cercle
Michel de Zwaen dans une interview sur radio Uylenspiegel) aux faux témoignages
de prêtres. Le Groupe de Recherche et d'Étude sur la Civilisation Européenne.
Fondé en 1968 par Alain de Benoist (ex Jeune Nation, MNP et Fédération des
Etudiants Nationalistes), il regroupe des intellectuels de la Nouvelle Droite :
Dominique Venner (ex de Jeune Nation, OAS, Europe Action, MNP, …) Jean Claude
Valla (ex Europe Action, FEN, MNP, rédac chef du "Figaro-Magazine"),
Jean Mabire (ex d'Action Française, collaborateur de "Minute" et
"National Hebdo", auteur d'ouvrages de réhabilitation des Waffen SS)
et Jean Claude Rivière (prof de grammaire en fac à Nantes, membre du jury qui a
attribué "très bien" à la thèse négationniste d'Henri Roques). C'est
une sorte de laboratoire des théories de l'extrême droite. On prône les valeurs
indo-européennes (anti-sémitisme, anti-christianisme, paganisme, sélection
naturelle, apologie de la force) par opposition au libéralisme, marxisme, cosmopolitisme…
Le GRECE est ethno-différencialiste (chacun chez soi), tout comme la secte
Nouvelle Acropole. Il publie "Nouvelle Ecole" et
"Eléments", dans lesquels on trouve des articles de Roland Gaucher,
collabo en 40, élu FN en 92 en Franche Comté, ou Frantz Altheim, ancien
collaborateur d'Himmler, tout autant que des textes d'auteurs communistes
décédés comme Souvarine ou Gramsci. Le GRECE joue sur les ambiguïtés et se
déclare prêt à voter PC pour barrer la route au libéralisme puis à mener le
combat anti-communiste. Il se veut indépendant de toute structure politique et
n'hésite parfois pas à critiquer le FN alors même que nombre de ses membres y
sont aussi. (source). Joris van Severen (1894-1940) fonde en 1931 le Verdinaso
qui s'affiche antidémocratique et qui veut la restauration d'un Etat bourguignon
qui comprendrait la Belgique et les Pays-Bas. Le Verdinaso est considéré comme
le groupe fascisant type dans la Belgique de l'entre deux guerres
La transition : la longue marche des héritiers (1945-1977)
En décembre 1946, c'est
l'ouverture à Lille du procès Gantois. Ce qui devait constituer l'épilogue d'un
mauvais roman n'en aura en fait clos qu'un chapitre. En effet, ce procès, grâce
entre autres, aux faux témoignages de deux prêtres, se termine par une sorte de
victoire morale de Gantois sur le Ministère Public. L'abbé s'en tire avec 5 ans
de réclusion alors que le procureur avait demandé la peine de mort. Ce jugement
ne pourra donc en aucune façon porter un coup d'arrêt au nationalisme
flamingant en France. Au contraire, bien plus tard, certains se serviront de la
faible condamnation de Gantois pour tenter de le réhabiliter. Mais, pour l'instant,
ce procès a quand même fait du bruit en Flandre et le régionalisme flamand va
en subir les conséquences. En effet, pendant deux décennies, faute
d'alternative, c'est Gantois qui a symbolisé les
régionalisme et, pour les gens du peuple, en condamnant Gantois c'est un peu le
régionalisme flamand que l'on condamne. Il sera, dès lors, très difficile de
défendre l'identité flamande. C'était sans compter avec l'appui venu de la
Belgique. En 1948 nait le Komitee voor Frans-Vlaanderen (KFV) ou Comité pour la
Flandre Française, à Waregem (Belgique). Parmi les fondateurs et les pionniers
de ce mouvement, on trouve Luc Verbeke, André Demedts, Vital Celen (grand ami
de Gantois et grand propagandiste du VVF en Belgique pendant les années
trente).
A ses débuts le KFV veut se
distancer du mouvement flamand de France trop politisé ("verpolitiekte
Frans-Vlaams beweging") et fonde beaucoup d'espoirs sur la renaissance
d'une conscience identitaire autour du Chanoine Deswarte et noue des contacts
avec un professeur français marxiste chrétien, Pierre Bertheloot, né à Bergues
en 1912. Le KFV se fixe comme rôle d'aider et de soutenir (en particulier financièrement)
les initiatives régionalistes en Flandre Française. Dans quel but ? Certains
n'en savent rien (ou font semblant), mais il y a l'"oncle Vital"… Simultanément,
après la guerre, en France, les anciens du Vlaamsch Verbond se sont groupés en
Vlaamse Vrienden in Frankrijk (VVF) et seront rejoints par Gantois. Les VVF ne
semblent pas avoir fait beaucoup parler d'eux, du moins en Flandre car ils
étaient connus au Conseil de l'Europe. En effet, dans un rapport très officiel
sur les "problèmes d'éducation et de culture posés par les langues
minoritaires et les dialectes en Europe" présenté par M. Cirici Pellicer en
1980 au Conseil de l'Europe à Strasbourg, on trouvera la phrase suivante : « En
1974, la Vlaamse Vrienden in Frankrijk a pu obtenir du gouvernement français l'enseignement
du flamand comme deuxième langue, une co-officialité pour les documents publics
et une certaine place dans la radiodiffusion ». Une suite d'inepties qui
abasourdit. La propagande, la tendance à se faire plaisir et la vérité font
mauvais ménage.
En Avril 1952, les Vlaamse
Vrienden in Frankrijk, groupés autour de Jean Klaas de St-Omer publient la
revue Notre Flandre. « Cette initiative est l'oeuvre presque exclusive de
flamingants de Belgique. On retrouve parmi eux des instituteurs et des écrivains
catholiques, des prêtres et quelques représentants de la classe moyenne, groupés,
à partir de 1948, en un "Comité pour la Flandre Française-Komitee voor Frans-Vlaanderen".
Mais il y a aussi un petit groupe de nationalistes flamands, pour la plupart
anciens collaborateurs, qui furent, durant la guerre, en Flandre belge les propagandistes
infatigables du Verbond et de son abbé Gantois » (E. Defoort, une châlelaine
flamande, p 114). Gantois collabore très vite à cette revue, à la demande de
ses animateurs. Il hésite d'autant moins qu'il n'attendait que cela pour faire
se rentrée. De plus, comme il l'écrit lui-même, « Notre Flandre s'inscrit dans
la ligne du Lion de Flandre » (E. Defoort, p 115). Assez vite, Vital Celen fait
s'intéresser le KFV à ce petit groupe et le fait ainsi insensiblement évoluer
dans une "direction plus ferme" malgré la prudence de certains
membres du Comité. En 1952, Gantois écrit à ce propos à Klaas : « Laissez moi
vous conseiller la prudence à l'égard de Demedts qui n'y connaît pas grand-chose.
Le seul homme de format là-haut (à Waregem) ayant compris notre question est
l'"oncle Vital" » Mais la tentative de Gantois et de Celen de faire
évoluer le KFV vers une ligne plus radicale ne va pas sans heurts et en 1956,
dans une de ses nombreuses correspondances, Gantois traite le KFV de
"Waregem onnozelaars" (les abrutis de Waregem). Dans les années
soixante, Notre Flandre se transforme en Nouvelle Flandre dont le sous titre
est : "Revue de la section fédéraliste des Pays-Bas Français". Le
fédéralisme était déjà présent dans Notre Flandre. Mais pourquoi donc ce mouvement
s'engage-t-il sur cette voie ? « La présence de Gantois et d'autres
collaborateurs des années 1940-1944 parmi les fédéralistes n'a rien d'étonnant.
Ce fédéralisme européen est une belle occasion pour faire leur rentrée en scène
après qu'ils en ont été chassés honteusement. Il leur suffit de supprimer des
passages et de déplacer des accents dans un certain discours européen qu'ils
tenaient avec conviction dès 1941 !… Et puis, ce n'est pas tous les jours que
se présente à eux, dans cette France d'entre 1945 et 1954, un cadre aussi respectable
que ce fédéralisme européen pour faire coup double : en plaidant pour le démantèlement
de l'Etat-nation - bien sûr pour le plus grand bien de l'Europe – ils prennent
une belle revanche sur ce même État qui, lors de l'épuration, les avait condamnés
à "l'indignité nationale"… Chez beaucoup de régionalistes français d'entre
1919 et 1945, le fédéralisme européen après la deuxième guerre mondiale, c'est
"le chien de leur chienne" qu'ils réservent à la France » (E.
Defoort, une châtelaine flamande, p 111-112)
De plus le fédéralisme
d'après-guerre est divisé en deux courants, l'un de gauche, l'autre de droite particulièrement
important en France. « Parallèlement à la naissance de groupes de gauche, issue
de la Résistance, sont nés différents mouvements fédéralistes dont les
principaux thèmes sont : régionalisme, revalorisation des municipalités, retour
à un certain corporatisme économique, lutte contre le communisme, combat pour
le renouveau spirituel de la France, etc.… Dans sa philippique de novembre 1948
contre le fédéralisme européen en France, Jean-Marie Domenach, directeur de la
revue Esprit, lui reproche de se situer trop à droite ; trop de cercles fédéralistes
remontent à l'Action Française et servent d'instrument à un anti-communisme
farouche » (E. Defoort, p 111)
Il n'est donc pas étonnant que
Gantois et ses amis se situent à l'intérieur d'un tel courant dont les idées sont
pour le moins fascisantes. Un peu après c'est la parution de la revue Le
Courrier Lillois, organe des étudiants fédéralistes (des facultés catholiques)
où certains ont fait leurs premières armes. En 1971, ces groupes fédéralistes
se fondent dans le Cercle Michel de Swaen. Ce cercle se donne pour objectifs «
l'illustration de la personnalité de la Flandre Française et la promotion des
valeurs culturelles flamandes et de la langue néerlandaise, forme littéraire du
flamand ». L'action de ce cercle consistera surtout à lancer des cours de
néerlandais où se font les adhésions. Cependant, très rapidement, bon nombre
d'adhérents le quitte, comprenant où ils ont mis les pieds. Ce groupe est le
produit de l'alliance des deux courants, la Nouvelle Droite, issue du maurrassisme
et le catholicisme traditionaliste.
Le Cercle Michel de Swaen
connaîtra vers le milieu des années 1970 une seconde hémorragie qui le laissera
exsangue. De jeunes adhérents en mal de militantisme activiste l'estimeront
trop peu actif. Ne pouvant dissimuler leur impatience, ils n'hésiteront pas à
rejoindre les courants de centre gauche pour fonder un mouvement plus dynamique
sous couvert de progressisme. Une devise empruntée au syndicalisme, après
transformation, servira de thème de ralliement "Vivre, décider et
travailler en Flandre". Plus d'un se laissera séduire… L'association
Menchen Lyk Wyder, étude d'un certain "régionalisme" contemporain :
de la nouvelle gauche à la Nouvelle Droite
La troisième partie de ce dossier
sera l'illustration concrète des évolutions décrites dans les premières partie
de ce dossier. Elle portera sur l'association Menchen Lyk Wyder, mouvement qui,
après avoir réuni les conditions et les chances d'un succès non négligeable,
meurt pour donner naissance à un parti nationaliste flamand. Certes, elle n'est
pas seule engagée dans cette aventure puisque l'y accompagne le Cercle Michel
de Swaen, mais l'ancienneté de la mise en sommeil de cette dernière, sa
faiblesse numérique, le rend peu significatif du mouvement des idées régionalistes
de la seconde moitié des années 70. Menchen Lyk Wyder symbolise et résume
toutes les tendances, les vicissitudes, les ambiguïtés des mouvements régionalistes
de droite. A ce titre, elle constitue un échantillon parfaitement représentatif
et donc une base de travail correcte.
Outre l'objet de l'observation,
il convient de préciser la méthode selon laquelle elle a été menée. Afin
d'exclure autant que faire se peut, les inspirations subjectives, il s'agira de
faire s'exprimer les "acteurs" eux-mêmes ; aussi l'analyse se fondera-t-elle
sur des éléments concrets, écrit : les bulletins intérieurs de Menchen Lyk
Wyder, ses communiqués de presse, les reproductions de discours formeront sa
base essentielle. Enfin, pour démontrer la mécanique idéologique qui fera
basculer un mouvement aux accents progressistes dans les mouvances extrêmes de
la droite européenne, la démarche s'organisera autour de deux thèmes : le passage
de la nouvelle gauche à la Nouvelle Droite, puis la gestation et la naissance du
parti flamand nationaliste et ethniste.
I - De la "nouvelle gauche" à la Nouvelle Droite, un passage
réussi.
a) Les origines, les activités et la mise en sommeil de l'association
Menchen Lyk Wyder
b) L'itinéraire idéologique : du "droit à la différence" au
"devoir de différence"
* un mouvement régionaliste
"progressiste"
* l'Université Populaire Flamande
de novembre 1979 : quelques propos malencontreux …
* été 1980 : quelques
représentants de la Nouvelle Droite entrent au Conseil d'Administration
* le combat en faveur de Radio
Uylenspiegel
* l'élection présidentielle du 10
mai 1981 : un nouveau contexte et de nouveaux troubles
* décembre 1981 : la 4ème et
dernière Université Populaire Flamande, les ambiguïtés s'estompent
* juillet 1982 : le discours
d'Esquelbecq
II - La gestation et la naissance du Parti flamand nationaliste et
ethniste.
a) La création d'un parti politique, un objectif sous-jacent habilement
dissimulé.
* quelques obstacles qu'il
convient d'écarter…
* novembre 1982 : le parti "nouveau"
est annoncé…
* mars 1983 : les élections
municipales : le parti n'est pas encore prêt mais il s'exprime déjà
b) La naissance d'un parti flamand nationaliste et ethniste : vers un
nouvel extrémisme flamand ?
* l'héritage du régionalisme
traditionnel
* l'apport de la Nouvelle Droite
I - De la "nouvelle gauche" à la Nouvelle Droite, un passage
réussi.
Avant d'écrire l'évolution
idéologique de Menchen Lyk Wyder, il convient de replacer ses origines et ses
activités dans leur contexte historique et social.
a) Les origines, les activités et la mise en sommeil de l'association
Menchen Lyk Wyder
Conçue vers le milieu des années
1970, l'association sera créée fin 1977 par la rencontre entre quelques
militants régionalistes qui avaient recueilli un relatif et inattendu succès
lors d'élections locales et des élus socialistes. Ces derniers apporteront
l'aide logistique, les appuis politiques ; ainsi, le siège du mouvement sera fixé
au Centre Socio-Educatif d'Hazebrouck qui abritera nombre de ses activités publiques
: telles les Universités Populaires Flamandes qui seront les moments forts du
régionalisme de l'époque. Leur caractère dans l'ensemble positif et leur retentissement
joueront un rôle indéniable dans la prise de conscience régionaliste. Les
soutiens politiques rendront possible l'obtention de certaines subventions. Le
contexte de cette création est déterminée par la crise économique qui sourd depuis
1970 et se trouve brutalement accélérée et surtout révélée par la crise pétrolière
des années 1973-1974. Une crise idéologique, une crise de conscience s'en suit
: les certitudes des années soixante s'effondrent. A titre d'exemple peut être évoquée
la fin de la guerre du Viet-Nam (1975) qui avait mobilisé une génération de militants,
les régimes qui suivront cette victoire terniront le symbole et ce sera bientôt
l'époque des "nouveaux" philosophes, du repli sur soi, du retour à la
terre et aux valeurs ancestrales qui favoriseront la montée de thèmes tels que
"retrouver ses racines". plus localement, les souvenirs des
"errements" du mouvement flamand lors de la deuxième guerre mondiale
s'estompent : une génération nouvelle de la petite bourgeoisie intellectuelle
redécouvre, sans complexe apparent la culture flamande, voire la réalité
économique et sociale de la Flandre et son histoire. Ainsi, une thèse universitaire
est-elle soutenue à cette époque, en l'Hôtel de ville de Bailleul sur le thème
"Le mouvement iconoclaste en Flandre" (Mlle Plouvier).
L'esprit des Gueux sera
d'ailleurs souvent invoqué par d'autres pour justifier les retournements
idéologiques sur la base de déclarations de foi libertaires ou anarchisantes. L'origine
sociale des militants se retrouve dans la nouvelle petite bourgeoisie souvent issue
de la paysannerie et déracinée dans le milieu urbain ; comment ne pas y voir la
source de certaines nostalgies : retour au passé, aux ancêtres, à la Nature,
voire au paganisme ! ?
L'association Menchen Lyk Wyder
puisera ses effectifs de militants et d'adhérents dans ces groupes sociaux. Ses
membres se recrutent parmi les étudiants, les fonctionnaires, les animateurs
sociaux, la "nouvelle classe ouvrière" (techniciens, informaticiens…)
mis très peu dans la classe ouvrière (au sens classique). Cette composition
sociale prédisposera à une relative proximité idéologique du centre gauche
(notamment Parti Socialiste) qui serahabilement exploitée;
L'origine militante doit être
recherchée au sein du Cercle Michel de Swaen par lequel beaucoup de militants
sont passés. Cette association qui s'affirme clairement de droite sinon
d'extrême-droite les déçoit par son manque d'activité. Elle aura surtout constitué
une structure de passage assurant officiellement et de facto la continuité entre
le mouvement flamand d'avant-guerre et les mouvements flamands de droite modernes.
Cette fonction étant remplie, le Cercle s'avère inutile voire gênant, la droite
nationale au pouvoir manifeste une profonde hostilité envers les mouvements régionalistes,
il convient donc de rechercher d'autres alliances.
Forte de ce contexte, Menchen Lyk
Wyder rassemblera très vite des atouts considérables qu'elle gâchera par la
suite irrémédiablement. Elle attirera de nombreux adhérents et sera reconnue
par les élus locaux ; elle commencera même à être considérée comme
interlocuteur aux niveaux départemental, régional et national. Sous son égide
de nombreuses activités prennent essor : Collectif Chants de Flandre,
Commission Habitat-Cadre de Vie (qui accomplira un travail très sérieux), cours
officieux de flamand, organisation de quatre Universités Populaires Flamandes
qui rassembleront toutes les associations, le soutien à une lutte exemplaire :
celle de Radio Uylenspiegel, authentique combat progressiste. Auparavant, le
mouvement était intervenu sur le terrain économique (projet de fermeture de la
laiterie d'Hazebrouck). Dans l'éditorial du Bulletin Intérieur n°7 (janvier
1980), son président pouvait à juste titre triompher : « Une année laborieuse-
la seconde de l'existence de notre association- vient de se terminer, et celle
qui commence s'annonce déjà porteuse de nombreux espoirs pour notre Flandre »
En fait, l'année qui suivra, sera
essentiellement marquée par la lutte en faveur de Radio Uylenspiegel qui se
conclura par un procès avorté pour cause de situation politique. Menchen Lyk
Wyder a donc à ce moment amassé un important capital de sympathie, et pourtant,
elle abordera une phase semi-léthargique dont il convient de rapprocher le
début avec l'accession de la gauche au pouvoir. La quatrième Université
Flamande de décembre 1981 sera le dernier sursaut. Ses activités seront soit
abandonnée, soit livrées à elles-mêmes, soit encore mise en sommeil.
A partir de 1982, elle ne
procédera plus que par actes de présence, les Universités Flamandes ne seront
plus organisées, les commissions disparaissent ou prennent leur autonomie
(Radio Uylenspiegel, Commission Habitat-Cadre de vie, création indépendante du
Centre Culturel de Flandre…). La plupart de ses militants, faute de désavouer
publiquement l'évolution idéologique qui sera décrite, la quitte subrepticement.
L'Assemblée Générale de décembre 1982 semble avoir été la dernière.
b) L'évolution idéologique : du droit à la différence au devoir de
différence
Beaucoup de causes pourraient
être évoquées pour expliquer la brutale déliquescence du mouvement: lassitude des
militants, absence d'objectifs et de perspectives alors que l'avènement de la
gauche au pouvoir supprime bon nombre des verrous opposés au régionalisme,
retombée d'un effet de mode, le régionalisme ne serait plus un thème
"porteur"… Aucune d'entre elles ne saurait être convaincante pour qui
connaît la suite des événements. La cause profonde réside dans le retournement
idéologique auquel assistent sceptiques et impuissants des militants sincères
et convaincus.
A l'origine, afin de se
positionner en mouvement régionaliste progressiste, autogestionnaire, Menchen
Lyk Wyder se donne un sous-titre : "Vivre, décider et travailler en
Flandre" emprunté à la CFDT et aux mouvements régionalistes de gauche. Un
tract de présentation diffusé dans la période 78/79 y fait allusion sous les vocables
d'autogestionnaire" et de "progressiste". Le sens de ce terme ne
sera clairement révélé que 5 ans plus tard : « Menchen Lyk Wyder est un endroit
privilégié et original où, sous une profession de foi progressiste des gens de
tous bords, droite et gauche, écologistes et productivistes, folkloristes et
nationalistes, chrétiens et libres-penseurs… se retrouvent dès que le mot
FLANDRE est prononcé. » B.I. n°12 page 2 al. 3
Ce langage savamment ambigu,
l'accueil et l'appui prodigué par des élus municipaux de gauche rassuraient
ceux qui par ailleurs se méfiaient de la tradition conservatrice ou réactionnaire
des mouvements flamands. Quelques signes inquiétants marqueront cependant
l'Université Flamande de novembre 1979. L'invité d'honneur sera le professeur
GOBART, universitaire, enseignant dans la région parisienne, théoricien de la
Nouvelle Droite, auteur d'un ouvrage "La Guerre Culturelle", publié
aux Éditions Copernic, officine de cette mouvance extrémiste. Au cours de la
même manifestation un ouvrier dunkerquois tiendra des propos scandaleusement
racistes pour revendiquer la priorité d'emploi pour les les travailleurs
flamands, sans s'attirer aucune remontrance ni désaveu de la part des
organisateurs. Bien au contraire, il bénéficiera d'un assentiment chaleureux lors
de la parution, quelques semaines plus tard, du bulletin intérieur de l'association
: « Est-il réactionnaire cet ouvrier dunkerquois qui réclamait lors de l'Université
de novembre une priorité d'emploi pour les travailleurs flamands en Flandre ?
Être pour le respect de toutes
les races, de toutes les ethnies, de toutes les cultures, mais à commencer par
les nôtres, est-ce réactionnaire ? Ceux qui le pensent, veulent nous maintenir
dans le masochisme et la culpabilité, c'est à dire dans l'aliénation coloniale.
» B.I. n°7 page 5 (janv. 80)
Pour que cette proclamation digne
de l'ancienne droite soit parée du vernis nécessaire, il lui fallait la
consécration de la nouvelle (droite). L'éminent professeur Gobart y pourvoit :«
Tant qu'un chômeur restera un flamand, il pourra résister et reconstruire son
destin, tandis qu'un chômeur sans ethnie n'est plus qu'un pion qu'on déplace ou
qu'on jette…» Cité dans le B.I. n°7 page5
Au début de l'été 1980 est
organisé l'Assemblé Générale de l'Association, à Saint Jans Cappel, Au sein du
nouveau conseil d'administration la Nouvelle Droite sera physiquement
représentée. Ces évolutions seront cependant masquées par la lutte en faveur de
Radio Uylenspiegel. Ce combat démocratique et progressiste sera pris en charge
par Menchen Lyk Wyder avec de rares moments d'hésitation. Inscrite dans le
mouvement général de l'époque pour les radios libres (privées ou locales…), la
lutte vise deux objectifs : la reconnaissance d'un droit d'expression mais
aussi etsurtout la reconnaissance de la langue flamande par les autorités. En
raison de son caractère illégal elle défrayera les chroniques et occultera
quelque peu les autres activités. Ainsi, une certaine ambiguïté sera maintenue
: MLW ne menait-elle pas un combat profondément démocratique contre le Monopole
d'État ? Un certain nombre d'élus de gauche apporteront leur soutien : la
Municipalité d'Hazebrouck, le président de la Communauté Urbaine de Dunkerque…
Le Conseil Municipal de Bailleul adoptera une motion dans laquelle il associera
Radio Uylenspiegel et Radio Quinquin (CGT) :
« Le droit à l'utilisation des
mass média radio-télévision est une des garanties nécessaires et essentielles
de la démocratie. La naissance des radios dits "pirates" qu'elles soient
syndicales ou simplement culturelles est la preuve même de l'irréalité de ce
droit à l'information. Poursuivre et saisir Radio Quinquin et Radio
Uylenspiegel pour ne citer qu'elles… constitue une atteinte grave à la liberté
l'expression garantie par la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. »
janv. 81. Cité dans le B.I. n°9 (avril 1981)
Les circonstances provoquent
ainsi un malentendu, Menchen Lyk Wyder est considéré comme un mouvement de
gauche ce qui ne manque pas d'ailleurs de gêner certains de ses responsables. L'élection
présidentielle du 10 mais 1981, permettra, pour la première fois en France, la
constitution d'un gouvernement de gauche unie ; ce changement de pouvoir sans précédent,
soulèvera des espoirs immenses. En Flandre, cet événement remplira une fonction
de révélateur. Radio Uylenspiegel légalisé ne jouera plus son rôle d'écran et
de caution, les inculpations sont levées, les associations flamandes seront même
reçues par les autorités de FR3. Les conditions pour un travail constructif et efficace
semblent réunies.
Ce sera en fait le début d'une
période assez trouble. Le président sera en but à des provocations qui
paraîtront montées par des éléments néo-nazis de la région dunkerquoise (l'un
d'entre eux ne serait autre que l'intervenant raciste de la troisième Université
Flamande cité plus haut). Cette affaire complexe et confuse paraît résulter de
la déception éprouvée par les intéressés à l'égard de l'association. Le
président de Menchen Lyk Wyder est désigné comme militant néo-nazi sur des
affiches faussement signées par un comité international anti-nazi. Assez
curieusement cette campagne d'intoxication déclenchera un scénario révélateur,
un peu à la manière des situationnistes italiens. La colère parfaitement légitime
et justifiée du président (d'autres militants seront d'ailleurs victimes de
cette campagne malsaine) l'incite à se dévoiler : « Mes états de services de
franc-tireur sur le terrain à côté des démocrates concrets et réalistes ne sont
d'ailleurs pas incompatibles avec mon leitmotiv : - priorité à la Flandre et
aux Flamands en Flandre ! Leitmotiv très éloigné bien sûr de ceux des
idéologies et des gauchistes salonnards parisiens que j'exècre ! » B.I. n°10
(octobre 81) page 3.
Dans le même texte émergent les
thèmes ethnistes : « Si aux yeux de certains, le fait -non choisi- d'être
blanc, européen, défenseur d'une culture désignée par les savants et les
historiens de "germanique", de n'en ressentir aucune culpabilité ; si
le fait d'avoir des racines et de les cultiver pour qu'elles portent des
fruits, si le fait d'être contre l'indifférenciation et l'uniformisation des
hommes et des peuples, d'être sceptique vis à vis du christianisme, du
marxisme, du freudisme, de rejeter le mondialisme, de préférer le pot'je
vleesch au couscous… Si tout cela est aussi "nazi" alors oui, je dois
probablement en être un ou alors ce sont nos fouille merde antinazis qui
souffrent de confusion mentale » B.I. n°10 (octobre 81) page 4 al. 3. Une
remarque incidente s'impose sous la forme d'une interrogation ; pourquoi les choix
culinaires s'effectueraient-ils précisément par rapport aux plats d'Afrique du
Nord? La conclusion serait hasardeuse si ce type de comparaison n'était pas renouvelé
dans l'avenir comme nous le verrons. Ignorant qui étaient les véritables auteurs
de la provocation (ce n'est qu'ultérieurement qu'ils seront découverts) le président
de Menchen Lyk Wyder se risque à des supputations et désigne l'ennemi : le
freudo-marxisme et le mondialisme. « L'inquisition en 1981 s'appelle
"TERRORISME INTELLECTUEL" c’est-à-dire sectarisme et intolérance.
Cette nouvelle secte possède ses vicaires et ses prélats de
l'"anti-nazisme" de patronage, fait la chasse aux sorcières, c'est à
dire aux citoyens qui rejettent l'idéologie dominante, impose une nouvelle
sémantique idéologique à base de freudo-marxisme de bazar assaisonné de
mondialisme, et désigne du doigt à la vengeance populacière ceux qui osent
penser différemment des chapelles de l'intelligence. Écrasons cette "néo-canaille"
cléricale qui prétend nous salir et nous neutraliser. Pas de Khomeiny chez nous
! Au pays d'Uylenspiegel en Flandre il n'y a pas de place pour la haine,
qu'elle soithaine de classe ou haine de race. Nous nous mettrons en travers de
toute provocation dans ce sens.… et arborons s sans complexe notre "étoile
jaune" : le VLAEMSCHE LEEUW ! Une dernière citation "ne persécutez
jamais un homme pour une opinion qu'il n'a pas, vous la lui donneriez.» B.I.
n°10 octobre 81 page 4 al 6 et 7 Article signé par le président de Menchen Lyk Wyder
Il apparaît en outre que les
idées et les thèmes exposés dans le bulletin intérieur de l'association
intéressent les milieux d'extrême-droite : « Pour ne pas être en reste, et après
enquête, j'ai également décidé de déposer une plainte contre une officine nazie
qui sévit dans la région de Valenciennes et qui s'est permis de publier dans sa
revue "Kultura", véritable torchon haineux rédigé par des
psychopathes nostalgiques d'Hitler et de Mussolini et des fétichistes amateurs
de croix en tous genres, gammées, celtiques …etc.… un article que j'avais rédigé
et publié dans la bulletin MLW n°7 de janvier 80 » (voir citation plus haut).
B.I. n°10 page 5 Cette possibilité de récupération allait-elle inciter à la réflexion
et l'autocritique, à une autre formulation ? Il n'en sera rien. Dans le même
texte, sera livrée l'une des premières attaques contre le nouveau pouvoir de
gauche ; dans une recherche effrénée d'explications, une hypothèse farfelue
mais signifiante sera émise : « J'espère que vous avez pardonné la violence de
ces lignes dictées par l'émotion et la colère. Avant d'officialiser ma plainte,
je voudrais vous livrer quelques réflexions qu'on m'a soufflées : "et si
tout cela n'était qu'un coup monté par le Pouvoir pour déconsidérer les
éléments réputés durs et incorruptibles du Mouvement flamand ? » B.I. n°10 page
6 Empêtrée dans des provocations, faut-il le répéter, au plus haut point
odieuses et condamnables, Menchen Lyk Wyder ne tirera pas les conclusions qui
s'imposent, les suggestions formulées par certains pour éviter de donner prise à
de telles interprétations et manipulations ne seront pas entendues. Pourquoi ? L'évolution
idéologique, au contraire, se précisera encore à l'occasion de la quatrième et
dernière Université Flamande au cours de laquelle fut élaboré le "Manifeste
des Flamands de France". exposant les motifs de cette démarche, le rédacteur
du bulletin intérieur se croit obligé d'affirmer : « On subira longtemps encore
les marques indélébiles de l'aménagement du littoral tant dans l'environnement
que dans la nouvelle composante ethno-culturelle de notre région. Un bilan
accablant pour l'avenir de notre Peuple en que Peuple Flamand. » B.I. n°10 page
10 al. 8 et 9 La présentation du projet de manifeste sera aussi l'occasion de
négocier un virage politique. Le manifeste-"catalogue" de revendications
culturelles sera compris comme un moyen de tester le nouveau pouvoir politique
afin de marquer des points d'oppositions voire de conflits. Dans son discours
d'introduction à la quatrième Université Flamande le responsable de l'association
Menchen Lyk Wyder tient à préciser un de ses principes personnels : pour l'élaboration
de ce document, la primauté doit être donnée au culturel ; de fait, un volet
économique sur lequel avait sérieusement travaillé une commission sera écarté à
la demande, rapidement satisfaite, du Comité Flamand de France. Ainsi la revendication
culturelle pourraitelle parfaitement s'inscrire dans les perspectives chères
aux partisans de la "guerre culturelle". Le pouvoir de gauche est en
outre sévèrement prévenu : « Nous ne serions pas flamands si nous ne restions
pas méfiants et sceptiques devant toute promesse venue de Paris, quelles soient
les bonnes raisons qui les enrobent. Mais nous serions aussi inconséquents qi
nous n'agrippions pas les rares perches que l'on nous tend !
Le manifeste vient à point nommé
pour faire connaître à nos gouvernants et à nos élus ce que veulent les
Flamands de France, et pour prouver notre cohésion et notre bonne volonté. Après
avoir tendu une première joue à l'ancien régime, nous acceptons de tendre la seconde
aux vainqueurs du 10 mai… mais nous n'avons pas de troisième joue ! » B.I. n°11
janv. 82 page 1. Cette prévention n'apparaîtrait que très naturelle de la part
d'un mouvement culturel soucieux de son indépendance pour qui ignorerait la
suite des événements et ne connaîtrait pas le contenu du discours d'Esquelbecq,
point d'orgue de l'expression de la nouvelle idéologie "régionaliste"
flamande. Le "discours" d'Esquelbecq sera prononcé par le président
de MLW le 11 juillet 1982 dans le cadre d'une fête annuelle qui peut être considérée
sans risque d'exagération comme flamingante. Objet de la méfiance et souvent de
l'hostilité de la population locale, cette manifestation rassemble des militants
de différents mouvements et officines belges d'une part et les représentants
d'un certain nombre d'associations flamandes de France. L'exercice consiste
pour ces dernières à exposer leurs bilans d'activités et à recueillir les
satisfecits de leurs homologues d'outre-frontière. Il ne saurait être question
de reproduire l'intégralité de ce discours, le lecteur est invité à se reporter
au KFV-Mededelingen n°3 de décembre 1982 page 25. Pour des raisons pratiques ne
seront retranscrits que les passages les plus révélateurs des nouveaux principes
énoncés par le chef de l'association MLW : « Après épuisement de toutes les
démarches flamandes, le manifeste constitue un cri d'alarme, un SOS adressé au pouvoir
central. Qu'il soit rouge ou blanc, celui-ci reste le "Pouvoir Central
Français", étranger, voire hostile à notre sensibilité, à notre mentalité,
à nos caractéristiques ethno-culturelles, à nos intérêts économiques propres…
et contre la nocivité duquel nous devons nous prémunir. Il était temps de
rappeler que nous étions des Flamands et non de vulgaires
"Nord-Pas-de-Calaisistes", des Flamands et non des hexagons du Nord. Quitte
à blesser quelques oreilles françaises de Flandre, j'affirme que la Flandre,
son peuple et sa culture principalement dans le Westhoek mais aussi dans l'agglomération
lilloise, connaissent un lent et inexorable génocide par assimilation (ailleurs
on parlerait de "russification" pour décrire le même phénomène), un génocide
de substitution par lequel, des implantations massives de populations importées
et étrangères compensent pour le plus grand intérêt du Grand Capital et de la
francisation, les populations flamandes vouées à l'exil ou au mélange ethnique et
racial (c.à.d. dans les deux cas la disparition).
C'est le devoir d'un
peuple de se protéger contre les situations qui menacent son existence physique
et spirituelle. La Flandre c'est ce qu'il y a de mieux pour nous Flamands.
C'est la dernière chose qui nous reste, et pour laquelle il est du devoir de chacun
de se mobiliser et de se battre. Le devoir de différence doit prendre le pas
sur le "droit à la différence" (que personne ne nous refuse). La
haine de soi, le reniement de son peuple, de sa mémoire, de ses mythes, la soumission
aux modes mondialises et uniformisatrices, doivent être pourchassés et combattus
sans faiblesse et sans crainte du terrorisme verbal des "biens
pensants"…
… ils (les Flamands)
affirment exister en tant que Peuple.
… ils affirment avoir
le droit de penser en tant que peuple… »
En rapprochant le
contenu de ce texte de ce qui est exposé dans la première partie de ce dossier,
on en mesure toutes les implications et il est facile d'y déceler les idées
force de la Nouvelle Droite :
- L'ethnisme,
- L'opposition au Grand
Capital désigné comme responsable du mélange racial,
- Le thème du
ré-enracinement,
- La notion de
"haine de soi",
- Les mythes
ancestraux,
- L'obsession du
nivellement,
- Le culte de la
différence, résurgence et réactivation de l'inégalitarisme). Chacun peut
apprécier le chemin parcouru depuis l'époque de l'association progressiste
autogestionnaire qui sagement revendiquait le droit à la différence jusqu'à
devenir un mouvement qui l'érige en devoir.
Un cycle a été accompli, le
régionalisme conservateur ou réactionnaire déconsidéré.
Après la seconde guerre mondiale,
culpabilisé -à bon droit- peut grâce à la régénérescence idéologique dispensée
par la Nouvelle Droite et au terrain imprudemment offert par la gauche
insuffisamment vigilante, relever la tête. La voie est désormais ouvert : les
bases du parti nationaliste flamand peuvent être jetées.
Pour décrire cette évolution de
manière complète, il faut souligner qu'elle s'est déroulée suivant trois
cheminement parallèles :
- L'axe idéologique, qui vient
d'être décrit : de la nouvelle gauche, nos protagonistes sont habilement passés
à la Nouvelle Droite grâce à quelques concepts charnières qui ont facilité le
basculement,
- L'axe linguistique, de la
défense du "vlaemsch" on passe à la promotion de la langue
néerlandaise en utilisant au besoin des astuces telles que la création de comités
fantômes pour la défense du "flamand néerlandais" (sic)
- L'axe de la définition
territoriale, le Westhoek seul évoqué dans les premiers temps est devenu trop
étroit, il a donc fallu développer de nouvelles frontières à la mesure des
ambitions affichées : les Pays-Bas Français.
II - La gestation et la création du parti flamand nationaliste et
ethniste.
La création du parti ne résulte
pas d'une décision saugrenue et impromptue résultant de la génération spontanée
; bien que dissimulé, le projet était envisagé et pensé de longue date. Le
recul du temps facilité le repérage et la mise ne évidence des signes annonciateurs.
Il convient également de s'interroger sur la définition de ce mouvement et sur
ses perspectives. L'implantation peut être jugée faible et laborieuse, un an
après sa fondation, en dépit de toutes ses tentatives de récupération, il
compte à peine 30 membres. Enfermé dans l'impasse nationaliste le PFF (Parti
Fédéraliste Flamand) vit une contradiction fondamentale qui pourrait l'inciter
à l'interroger dans les termes suivants : comment sortir d'une voie sans issue en
pratiquant la fuite en avant . Résultat inéluctable de la dérive idéologique précédemment
décrite le parti est amené à radicaliser ses principes.
a) La création d'un parti politique : un objectif sous-jacent habilement
dissimulé.
Avant de pouvoir annoncer la
formation du parti, ses promoteurs rencontreront quelques résistances de la
part de certains militants qui tenteront vainement de rectifier l'évolution. Les
premières tentatives d'opposition se manifesteront à l'occasion d'une polémique
déclenchée en novembre 1982 par une initiative de la direction de la
briqueterie HEEM d'Herzeele. Cette dernière, dans la cadre d'une action de
promotion, et par l'entremise d'une association "Herzeele en Flandre"
avait proposé de mettre à la disposition des élèves des écoles publiques des
briques de terre à modeler et de les inviter à réaliser des crèches. Le produit
de leur vente devait revenir à des associations d'handicapés. Le chef
d'entreprise commet une erreur de procédure en omettant de soumettre son projet
à l'Inspection Départementale de l'Éducation Nationale ; celle-ci est amenée à
refuser compte tenu du thème choisi et de l'obligation de neutralité à laquelle
est soumis l'Enseignement Public. La rédaction du Journal des Flandres prend
fait et cause pour cette initiative suivie par l'association Menchen Lyk Wyder
qui fait publier un communiqué dans lequel son président ne manque pas de
surenchérir. Pour appuyer sa démonstration, il se croit tenu d'évoquer la
présence de jeunes musulmans dans les écoles de Flandre maritime : « Quel
empressement à bénir de la main gauche, "la diversité des confessions représentées
dans le dunkerquois" (sic) et de la main droite à rayer Herzeele de la Flandre
et à refuser le "droit à la différence" du peuple flamand qui a de
ses mains arraché ce littoral à la mer pour que les petits musulmans, entre
autres, puissent s'y établir afin d'y apprendre la langue française ! Le
centralisme c'est la dictature du fonctionnariat. Ce n'est ni une affaire de
gauche ni une affaire de droite, c'est une affaire de démocratie. » Publié dans
le Journal des Flandres, édition de Bergues n° 2128 (26 novembre 1982) page 11 Le
lendemain de cette publication, un communiqué de désolidarisation est diffusé
sur Radio Uylenspiegel mais il provoquera une réaction particulièrement
violente de la part du président de Menchen Lyk Wyder. Une réunion
extraordinaire du collectif de la radio sera provoquée et se tiendra dans une atmosphère
plus qu'orageuse le 6 décembre 1982. Il en ressortira que la contradiction des
thèmes "douteux" de l'association n'est plus autorisée. Force est bien
de souligner que dans leur ensemble, les "militants" flamands font, à
cette occasion, corps autour de leur "chef". Une autre gêne pour la
formation du futur parti est constituée par les différentes activités au sein
de l'association. Il importe de s'en débarrasser ou tout au moins de les délaisser
car elles sont généralement les oeuvres de militants sincères attachés aux
principes d'origine du mouvement. Peuvent être cités comme exemples : la commission
habitat-cadre de vie animée par Raymond Dendiével, le collectif Chants de
Flandre par Martial Waeghemacker, Radio Uylenspiegel (celle des débuts) par Pascal
Vanbremeersch ; l'authenticité de ces militants est hors de doute. Le Centre Culturel
de Flandre d'Hazebrouck pourrait aussi être évoqué puisque sa paternité est revendiquée
par le responsable de l'association. Rien ne sera fait pour rassembler et coordonner
ces activités, bien au contraire, leurs partitions ou leurs prises d'autonomie
seront encouragées : « Soulignons que Menchen Lyk Wyder n'est pas une fin en
soi ! Notre vocation est de susciter, de provoquer des débats, d'inciter au
civisme flamand, de réveiller, d'agacer… mille fois tant mieux si les
nombreuses actions lancées par nous prennent leur autonomie : commission
habitat, Centre Culturel Flamand, Radio Uylenspiegel…
Nous voilà les mains et l'esprit
libres pour lancer autre chose, faire exploser le débat des idées et l'arracher
des mains d'idéologues qu'on connaît hélas trop bien. » B.I. n°13 (1er
trimestre 1983) page 1. Rien ne sera entrepris pour rassembler les activités,
tâche de synthèse à laquelle s'astreignent tous les dirigeants d'associations,
bien au contraire les provocations et querelles seront multipliées pour inciter
aux réflexes centrifuges. En novembre 1982, l'association est suffisamment
inerte, son tissu militant est assez exsangue pour qu'il puisse être songé à la
création du parti. Pour se rassurer ses promoteurs ont recours à un mythe qui a
la vie dure, celui du phénix renaissant de ses cendres. Le débat préparatoire à
l'assemblée générale de décembre 1982 se résumera à la préparation d'une
alternative dont les deux termes sont proposés et définis par une seule et même
personne, le président: « Aussi, notre prochaine assemblée générale sera-t-elle
l'occasion de clarifier les choses :
1° Menchen Lyk Wyder doit-elle
continuer à jouer le rôle de "pompe à finance" pour des activités qui
échappent à son contrôle ou au contraire doit-elle préserver son originalité et
sa cohésion…
2° Menchen Lyk Wyder est un
endroit privilégié et original où, sou une profession de foi progressiste des
gens de tous bords, droite et gauche, écologistes et productivistes,
folkloristes et nationalistes, chrétiens et libres penseurs… se retrouvent dès
que le mot Flandre est prononcé…
……
C'est la seconde alternative qui
vous sera proposée :
- Une orientation
"communautaire" flamande, soucieuse des intérêts prioritaires flamands
(culturels, socio-économiques…). Intérêts qui ne sont pas nécessairement les mêmes
que ceux dictés hier comme aujourd'hui de Paris ou de Lille !
- Ou une orientation appuyée sur
d'autres priorités idéologiques ou politiques (marxistes-léninistes,
mondialistes…)
N.B. : il existe également une
troisième orientation, actuellement en gestation : celle de la création d'un
parti politique défendant les intérêts strictement flamands… mais cette
orientation est extérieure à MLW et parfaitement compatible avec le maintien et
l'existence de celle-ci. Ces différentes options, et d'autres, vous seront
proposées… » B.I. n° 12 (novembre 82) page 2. La stratégie idéologique , en
deux temps, transparaît clairement : en découdre avec la gauche, puis fonder le
parti. Au cours de cette assemblée, le futur président et le futur trésorier du
parti flamand seront élus au Conseil d'Administration. Les gêneurs sont
écartés, les pions sont avancés, tout paraît au point pour que naisse le parti
; en fait il ne sera pas prêt pour les élections municipales de mars 1983 et
c'est encore MLW qui doit prendre position :
« Pour un vote flamand. Depuis
plusieurs années, une prise de conscience flamande se développe en Flandre
Française et particulièrement au Westhoeck :
- prise de conscience d'un
patrimoine historique et culturel riche et menacé de disparition
- prise de conscience
d'appartenir à une ethnie Nord-Européenne "différente" des autres
ethnies de l'Hexagone
- prise de conscience d'intérêts
sociaux et économiques particuliers à la Communauté flamande, et différents des
intérêts parisiens chez nous.
…
La défense prioritaire des
intérêts flamands en Flandre, notamment en matière de création d'emplois et
d'implantations industrielles, qui doivent profiter à la population flamande…
Motion votée à l'unanimité du
Conseil d'Administration de MLW réuni le 10/02/83 à Boeschepe. » Journal des
Flandres.
Simultanément, paraît le numéro
13 du bulletin intérieur de l'association particulièrement violent et
annonciateur des principaux thèmes du parti : le dénigrement des acquis de la
gauche, l'ostracisme et le racisme "anti-sud".
- Le dénigrement des acquis de la
gauche en Flandre : « Nos "conquêtes" sont bien maigres, jugez-en:
- Un magazine flamand sur FR3 (13
mn tous les 2 mois)
- La création d'un poste
d'enseignement de flamand à l'École Normale de Lille.
Et rappelons que si Radio
Uylenspiegel a été finalement reconnue c'est d'avantage en tant que "radio
libre" qu'en tant que radio flamande » B.I. n°13 page 2 al.3
- L'ostracisme : « A Arques
(Artois) la rue de Flandre disparaissant à jamais pour s'appeler désormais… rue
Mendès-France. … A quand le béguinage Waldeck-Rochet ou l'école maternelle Ben
Barka ? » B.I. n°13 page 2
- Le racisme "anti-sud sera
illustré par la conclusion de cet article vindicatif : « Mais s'il nous faut
faire un bilan d'ensemble des mauvaises actions perpétrées sur notre sol
flamand, il nous faut hélas constater l'effarante continuité du reniement, de l'inculture
et de l'incurie typiquement "du sud" qui nous gangrènent. » B.I. n°13
page 3 al. 1 La plupart des obsessions de la nouvelle et de l'ancienne droite s'y
retrouvent : réenracinement, refus de la division droite-gauche, le rejet des
populations immigrées.
Le thème du réenracinement prend
toute sa dimension conservatrice voire réactionnaire : « Tout effort pour
revaloriser nos valeurs ancestrales, réactiver nos mythes séculaires (assises
profondes et européennes de notre identité), maintenir notre cohésion et notre
homogénéité ethnoculturelle sera haineusement condamnée par les dévots
"mondialistes", sous couvert bien sûr de "progressisme"
("progressisme" pour qui ?). A croire quelle fin du fin du
"progressisme" est la haine de soi et des siens, au profit d'un amour
abstrait et béat pour l'humanité ! » B.I. n°13 page 3. La manipulation de la
notion de progressisme pourra utilement être rapproché de l'usage qui en était
fait à l'origine du mouvement.
Pour expliquer le refus du
clivage droite-gauche, il es fait recours à l'insulte : « Bien sûr, quelques
hémiplégiques encartés (espèces d'handicapés qui ne fonctionnent qu'avec un
seul de leurs deux hémisphères cérébraux : le droit et le gauche) se sont empressés
de nous estampiller et de nous ranger dans un tiroir (selon l'hémiplégie, un
tiroir de droite ou un tiroir de gauche). Peu importe ! » B.I. n°13 page 6. Le lecteur
distingue difficilement qui est plus atteint par ce "diagnostic"
insultant : les personnes handicapées ou celles qui se sont engagées pour un
idéal politique ? Pour justifier la plus lancinante de ses obsessions, le
président de Menschen Lyk Wyder s'appuiera sur une citation malhonnêtement
extraite de son contexte et empruntée à P. Mauroy : « "En 2015, la
population maghrébine de Roubaix dépassera la population locale"
(Interview de P. Mauroy au Figaro le 13/3) Il n'y a aucune volonté
"raciste" dans l'évocation de cette situation dont nous connaissons
les véritables responsables… Comment faire face au formidable mélange
"africano-flamand" aveuglément programmé par une Droite cupide et
irresponsable, et idéologiquement encouragée par une gauche missionnaire et
culpabilisée ? Ce problème explosif créé de toutes pièces, et pas par nous,
n'est qu'une des manifestations de la francisation à outrance proche de son
terme (cf. : la russification des Pays Baltes)…» B.I. n°13 page 6
Cette analyse et ces principes
constitueront la trame d'un opuscule publié en 1985 et intitulé "Dossier
immigration". Il conviendra enfin de rapprocher avec les thèmes évoqués
dans la première partie de ce dossier, une virulente critique de ce qui est dénommé
la "gestion latine" de la Flandre.
« Souvent derrière un conformisme
hexagonal de façade, très nombreux sont les Flamands qui n'attendent plus grand
chose de la gestion latine de leurs affaires, et qui lorgnent avec envie et
dépit sur la prospérité de la Flandre du Nord et des Pays- Bas dont nous sommes
historiquement frustrés. » B.I. n°13 page 7
b) la naissance d'un parti flamand nationaliste et ethniste. Vers un nouvel
extrémisme flamand ?
Hormis un dossier sur
l'immigration, force est de constater que le parti nationaliste flamand ne se
révèle pas très productif en matière de documentation ; celle-ci se résume à
une plate-forme politique diffusée sur les ondes de Radio-Uylenspiegel en février
1984 et une plaquette de présentation. Mais ces textes sont trop habiles pour être
révélateurs et la dissimulation sera évidente pour qui connaît l'origine de ce mouvement
politique, oeuvre commune de deux associations : le Cercle Michel de Swaen et
l'association Menschen Lyk Wyder ou plus exactement addition de leurs reliquats
respectifs.
D'emblée, il convient d'observer
la pratique de la récupération puisque sous un prétexte de description de la
genèse du "réveil" flamand, référence est faite à toutes les
activités, aux groupes musicaux, à toutes les associations (y compris Tegaere Toegaen
!). Bien entendu le "lion" flamand ne manque pas d'asséner quelques
coups de griffes mesquins : « Depuis cette date, le vlaemsch a fait une entrée
discrète dans l'enseignement public, grâce à quelques enseignants très proches
du pouvoir actuel et regroupés dans l'association Tegaere Toegaen, qui ne cache
pas ses attaches socialo-communistes ni ses orientations marxistes-léninistes.
» Lettre de présentation page 2 § 11
Le parti se présente ainsi comme
une sorte de fédérateur de l'ensemble de ces activités (cf § 15 page 2) même de
celles qui sont promues par des adversaires idéologiques. Le contenu idéologique
des documents de base du parti , peut être décrit comme la résultante de deux
apports principaux : l'héritage de la droite traditionnelle et de l'ancien
mouvement flamand d'une part, et la pénétration idéologique de la
"Nouvelle Droite" d'autre part.
1 - L'héritage du régionalisme traditionnel.
- La filiation avec le mouvement
flamand d'avant-guerre est affirmée et revendiquée sans ambage : le parti se
classe du côté des "persécutés" de l'après-guerre : « Après la chasse
aux sorcières de l'après-guerre, contre tous ceux qui prétendaient conserver et
développer la culture flamande, culture germanique donc "nazie" (!)
on aurait pu croire celle-ci définitivement subjuguée et assimilée. » §5 page 1
Les auteurs ne craignent pas de situer la renaissance du mouvement flamand au moment
de la parution de la "Nouvelle Flandre" du Dr Jan Klaas (§8 page 1).
Le président d'honneur est désigné en considération de son travail opiniâtre
pendant la "traversée du désert".
Le Conseil d'Administration du
parti réhabilité celui qu'E. Coornaert désignait comme le "triste
gantois" et qui n'est désormais plus accusé que de simples maladresses : «Le
jacobinisme français et ses relais locaux ont surabondamment culpabilisé les consciences
flamandes avec le souvenir du Vlaamsch Verbond de Jean-Marie Gantois (en fait,
surtout maladroit)…» §6 page 1
- Le fédéralisme, notion ambiguë
s'il en est, est remise au goût du jour pour valoir programme politique.
L'histoire de la pensée politique des anciens courants pangermanistesa
clairement démontré le sens réel et la portée de cette notion. Sinon, comment
comprendre que la définition juridique de l'organisation de certains appareils
d'état (états confédéraux, états fédéraux …) puisse servir de programme politique
? Les références hypocrites et trop habiles à Proudhon et aux anarchistes n'y
changent rien.
- Les positions anti-françaises
ne font pas défaut : « C'est ainsi que le poison de l'intolérance et des
divisions françaises s'inocule mortellement au sein de la communauté flamande
et de ses défenseurs.» §17 page 2. La source de tous les maux de la Flandre se
trouvent Paris (siège du pouvoir central) ou la "gestion latine" de
ses affaires. Ces thèmes sont fortement exprimés par certains artistes qui
gravitent dans les milieux proches du parti.
- Du régionalisme flamand ancien,
le parti hérite une irrésistible propension à considérer la Belgique et les
Pays-Bas comme des modèles économiques et sociaux : « La réappropriation de la
Flandre par le génie flamand qui fait merveille à Antwerpen, Brugge, Gent. est
un objectif à atteindre chez nous, et constitue la seule alternative pour que
notre région retrouve une prospérité perdue. » §27 page 3. Cette vision
mythique conduit nos prosélytes à méconnaître la crise du capitalisme que
traversent ces états à l'instar de tous les autres états du monde occidental :
la Belgique a connu une progression de son taux de chômage la plus forte
d'Europe, la crise a amené le gouvernement des Pays-Bas a réduire les salaires
de son secteur public… En réalité, ces invocations relèvent d'un besoin de faire
référence à un âge d'or de la Flandre comme si l'Histoire pouvait opérer une
marche arrière. Il s'agit aussi et surtout d'une référence aux mythes ancestraux
tant revendiqués par la Nouvelle Droite dont il importe de recenser l'apport.
2 - L'apport intellectuel et idéologique de la Nouvelle Droite;
- L'apparentement à la Nouvelle
Droite est de prime abord révélé par la méthode du camouflage, du
trompe-l'oeil, l'usage constant de l'ambiguïté de langage et le souci de se
faire cautionner. Ainsi le président du parti, qui s'exprime d'ailleurs fort
peu, sera désigné en raison de son passé de prisonnier de guerre. Sur le plan
idéologique, le parti se proclame ni de droite ni de gauche, ce qui ne l'empêche
pas d'être opposé au gouvernement de gauche : « Le changement de gouvernement
du 10 mai 1981 nous aura au moins permis de constater les méfaits de la
"gauche" après ceux de la "droite". au moins en ce qui
concerne la Flandre ! » §20 page 3. Ni d'être anti-marxiste au anti-gauchiste :
« Même la langue flamande est aujourd'hui considérée par certains de ses
défenseurs comme éléments idéologique de la lute des classes, tout est en effet
bon pour que la mayonnaise marxiste prenne ! » §19 page 3 « C'est pour ces
différentes raisons, et aussi pour contrer la mainmise gauchiste sur la culture
flamande, qu'une structure nouvelle, de type politique s'est avérée nécessaire,
et que nous avons pris les devants… » §24 page 3
- L'usage fréquent de la notion
d'ethnie, de la revendication ethno-culturellle qui doivent être rapprochées
des thèses pseudo-scientifiques de la Nouvelle Droite qui visent à ériger en
principes scientifiques les inégalités, les différences. - Le refus de la
culpabilisation ressortit également de l'idéologie Nouvelle Droite : il n'est
plus accepté que l'on tire les leçons du passé : « Aujourd'hui, seuls quelques craintifs
de naissance et quelques groupuscules proches du pouvoir, spécialisés dans ce
type de terrorisme verbal, osent encore agiter ces épouvantails démodés, à seule
fin de nous noyer dans une France-melting-pot (officiellement multiraciale) qui
se veut le Brésil de l'Europe. »
Ce type de raisonnement développé
jusqu'à l'extrême a amené un certain courant de pensée à affirmer que les camps
de concentration n'auraient jamais existé.
- L'hymne à la libre
"petite" entreprise ne fait bien entendu pas défaut. Le parti est, naturellement,
opposé aux nationalisations et contre l'idée d'un Service Public unifié de
l'Éducation Nationale. Ces idées connaissent une grande vogue et nourrissent l'idéologie
actuellement dominante : antiétatisme, "nouvel" individualisme,
courants libéraux-libertaires…
- Le parti s'affirme
"passionnément européen". Ce thème réapparaît à diverses reprises
dans l'histoire idéologique du mouvement flamand selon une sorte de mouvement
récurrent qui se situe dans le droit fil des conceptions pan-européennes évoquées
dans la première partie de ce dossier. Il se fonde aussi sur une logique anti-française
qui n'ambitionne rien de moins que la disparition de la France : « Nous pensons
que seul le fédéralisme, à l'échelle européenne et française, en desserrant l'étau
des états-nations (France, Grande-Bretagne, Espagne…) permettre aux ethnies
européennes de survivre, aux "nationalités" de s'exprimer… » Il est
en effet plus commode de s'afficher européen que de se proclamer
"séparatiste". Mais au delà de ces principes empruntés aux droites
extrêmes ou modérées, anciennes ou nouvelles, il en est un qui heurte plus
violemment les consciences démocratiques et qui suffit à lui seul à condamner
ce mouvement. Inscrit en exergue du programme, il a été diffusé dans divers
articles de presse : « La priorité aux intérêts flamands en Flandre dans les
domaines culturel et économique et notamment en matière d'emploi. » §27 page 3.
Comment ne pas rapprocher ce slogan de celui que propose la soeur ennemie de ce
mouvement, l'extrême-droite nationaliste française, "les Français
d'abord" ?
Cette obsession paranoïaque de
l'envahissement conduira le parti à systématiser ses positions vis à vis des
travailleurs immigrés et ainsi à se démasquer en publiant début 1985, un
"dossier immigration". Certes, toutes les précautions de langage y sont
prises, les concepts les plus élémentaires sont l'objet d'inversion de sens,
les racistes deviennent ceux qui "aiment" les races et les défendent…
Mais la confusion ainsi développée ne parvient pas à dissimuler le sens des
mesures concrètes. A titre d'exemple, parmi d'autres,il est proposé que les
entreprises utilisant les services de travailleurs immigrés soient taxées de
1000 F ou 2000 F par emploi et par mois selon que les salariés soient d'origine
européenne ou non-européenne. Comme pour l'association Menschen Lyk Wyder, il
peut être observé que l'évolution du "Parti" flamand s'inscrit dans
un cycle idéologique : ethnisme, paneuropanismes… voici remises à jour les
tendances de l'ancien mouvement flamand.
Dernier avatar du "régionalisme"
d'extrême droite, le PFF persiste et signe Le PFF et la Nouvelle Droite sont
tous les deux opposés, à la fois au marxisme internationaliste (pris au sens
large, c'est à dire aussi bien le communisme que le socialisme ou même la
social-démocratie) et au libéralisme représenté par le grand capital
international et apatride car ils impliquent, selon eux, le déracinement et
l'égalitarisme. « … la Nouvelle Droite voit dans les Etas-Unis le symbole et le
ferment de cette société moderne qu'elle n'aime pas, qui est fille de la démocratie,
du libéralisme et du capitalisme ; elle dénonce ce qu'elle appelle la
"société marchande", pour son productivisme, son culte de l'argent,
sa recherche du profit, le mépris des valeurs qui ne se vendent ni ne
s'achètent. Cet anti-industrialisme n'est-ce pas une convergence de plus avec
la tradition contre-révolutionnaire. » (René Rémond, Les droites en France)
De l'anticapitaliste
international et de l'anti-"marxisme", la PFF s'engage sur des positions
contre l'immigration car : « La politique économique européenne se fait au profit
des multinationales, qui ont intérêt à homogénéiser au maximum la mosaïque ethno-culturelle
européenne et à l'asservir aux USA (avec l'appui de la gauche "californienne"
!). Cette politique vise à l'écrasement des peuples et des communautés
historiques (un immigré ça consomme, donc c'est bon !) et est complice du
nivellement marxiste que celui-ci soit socialiste ou communiste. » (Dossier
immigration, p 21). Les responsables de l'immigration seraient "la bourgeoisie
libérale française" et "l'intelligentsia marxiste française"
(dossier immigration). Car c'est une particularité de la Nouvelle Droite d'être
opposée au grand capital international car déraciné et apatride. Le PFF passe
sans problème de la défense culturelle de la Flandre à la défense ethnique
(dans le sens de race) : « La raison première d'une organisation comme la
nôtre, c'est le combat pour la sauvegarde culturelle, économique et ethnique du
Peuple Flamand » (Dossier immigration, p 1)
L'immigration est présentée comme
un phénomène apocalyptique : « L'immigration, c'est à dire la colonisation de
l'Europe par des peuples non-européens… » (p 1) « …cette invasion sans
précédent historique de peuplades non-européennes…» (p 3) « Les régions
européennes deviennent des colonies de peuplement afro-asiatique. » (p 6) « La
Flandre est noyée dans une France et une Europe en proie à une subversion ethnique
sans précédent. C'est le devoir sacré de chacun de s'en protéger…» (p 1) (Dossier
immigration)
Le PFF ne s'estime pas raciste
puisqu'il est en faveur de la "protection" de races qui, en étant
strictement séparées les unes des autres maintiennent ainsi leurs "différences".
Son obsession est le métissage (culturel ou racial) : « A l'expression
"racisme positif", nous aurions préféré le "raciophile" »
(Dossier immigration, p 12) P.A. Terguieff, chercheur au C.N.R.S., lui,
n'hésite pas à considérer les positions "mixophobiques" (exprimant la
peur du mélange) comme étant néo-racistes à propos de la Nouvelle Droite : « La
rétorsion du "droit à la différence" (ou de "l'éloge de la
différence") a ainsi engendré, selon mes analyses, un mode d'énonciation
spécifique du racisme, non plus sur le registre de l'hétérophobie" (blâme
ou rejet de la différence, des différences) mais sur celui de
l'"hétérophilie" (célébration, volontiers tolérantielle, de la
différence, exaltation du divers comme tel). Telle est selon moi la première reformulation
du "racisme" observable dans le travail théorique réalisé par la Nouvelle
Droite au moyen de la rétorsion argumentative : faire de l'éloge de la différence,
lieu commun de l'anti-racisme ordinaire, un argument néo-raciste…» (Eléments,
hiver 1985, n° 56, p 42)
On comprend ainsi pourquoi ce
parti se désigne comme "fédéraliste", ce que l'on traduire par chacun
chez soi. « Ainsi, c'est de l'honneur et de la survie de chaque peuple de
refuser par tous les moyens la logique totalitaire de l'intégration. C'est en
ce sens que nous nous sentons solidaires des Peuples d'Europe et du tiers-monde
qui luttent chez eux contre la colonisation étrangère » (Dossier immigration, p
14) Une France "multiraciale" ne serait qu'une "informe macédoine",
un "dépotoir multiracial", un "magma cosmopolite et déliquescent",
une "mélasse multiraciale et indifférenciée". On peut constater qu'au
delà de l'immigration "afro-maghrébine", les catégories visées par le
rejet du PFF sont encore plus vastes puisqu'elles comprennent les
"Français" et même jusqu'aux personnes qui ont un engagement politique
qui ne correspond à l'"idéal" du PFF, de la droite à la gauche, rien
de moins : « Potes et fransquillons, assimilateurs de droite et niveleurs de
gauche, il nous faut vous rappeler que c'est vous qui êtes immigrés chez nous
en Flandre » (Vlaamsaktie n°3, oct 85)
De toutes façons, la France n'est
plus qu'une nation décadente (tout comme l'Europe) et la Flandre n'a plus rien
à en espérer : « La société française est décadente et sent le cadavre…»
(Dossier immigration, p 19) « Comme les Romains de la Décadence, les peuples
européens réclament "du pain et des jeux". En d'autres termes, ils
revendiquent toujours plus d'argent, de loisirs et de jouissances, et toujours
moins de travail. "Jouir" est devenu le leitmotiv d'un Peuple asservi
au matérialisme et à l'individualisme…» (Dossier immigration, p 6) Voilà donc
l'insupportable pour le PFF, le matérialisme et l'individualisme. A propos de
ces deux termes, on lira avec un grand profit le livre de Zeev Sternhell, Ni
droite, ni gauche, l'idéologie fasciste en France (Seuil). Mais heureusement,
les Flamands ont su se préserver de la "décadence" générale.
Comment ? Cela n'est pas dit
explicitement, mais on peut l'attribuer selon la logique du PFF à leur origine
germanique : « Serons-nous demain les boucs émissaires de la décadence
française… alors que nous sommes les dernières branches mentalement saines de
ce pays » (Vlaamsaktie n°3, oct 85) Au cours de ce dossier, il est remarquable
de constater dans les citations le nombre de fois que le mot Europe apparaît.
On peut se demander pourquoi. Une explication a été donnée plus haut pas Eric
Defoort. Voyons ce qu'en dit René Rémond : Selon lui l'un des objectif de la
Nouvelle Droite est de « défendre l'Europe de la culture et la culture de
l'Europe contre toutes les barbaries, hier celle des peuples qu'on jugeait
encore sauvages, aujourd'hui celle des idéologies totalitaires, demain
peut-être celle de l'Amérique » « Cette Europe n'est pas celle des
Européens qui militèrent dans les années 50 pour édifier une Europe
supranationale ; ce n'est pas l'Europe de Jean Monnet où la Nouvelle Droite ne
verrait qu'une extension de l'Amérique et une dangereuse anticipation à
l'échelle internationale de la société des multinationales. Ce n'est pas davantage
l'Europe des socialistes, qui porterait les stigmates de l'utopie égalitaire et
ne tarderait pas à sombrer dans le collectivisme. Ce n'est pas non plus
l'Europe des démocrates chrétiens, suspecte de devenir instrument d'une volonté
de domination cléricale. Cette Europe affublée du non d'indo-européenne,
constitue, dans un système qui se veut scientifique, la part du rêve et de l'imaginaire.
La prétention à la scientificité n'exclut pas , en effet, une singulière attirance
pour le fabuleux et le merveilleux ».
On comprend ainsi pourquoi le PFF
est si passionnément européen et s'inscrit en défenseur de la race blanche
puisque avec l'immigration de "peuplades non-européennes" et le
métissage "c'est la race blanche elle-même qui se suicide collectivement"
(Dossier immigration) Le terme d'"indo-européen" est une resucée du
terme "aryen" inauguré par Max Müller vers 1860 (Léon Poliakov, le
Mythe Aryen, p 200). Mais le PFF ne met pas à l'honneur le terme
d'indo-européen mais celui de "germain" : « L'immigration contemporaine
concerne des peuplades extrêmement distantes ethno-culturellement des Germains
que nous sommes » (Dossier immigration, p 2)
Nous reviendrons plus loin sur la
prétendue "distance ethnoculturelle". Mais cette citation est
intéressante à un autre titre. En effet on voit bien que l'auteur fait la différence
entre culture et ethnie. Ethnie est pris ici dans le sens de "race".
Les Flamands formeraient donc une "race" à part. On a déjà vu que par
opposition à la "race" française, celle -ci était "mentalement
saine". « Son opération centrale (celle de la Nouvelle Droite) est la
racialisation des lexiques de la culture, de la religion, des traditions et mentalités
spécifiques. Le GRECE a ainsi produit une grande diversité de reformulations non
biologisantes du "racisme". Celui-ci pourrait dès lors aussi bien se
dénommer "ethisme", ethnisme", voire "culturalisme",
si ces expressions n'étaient pas déjà dotées de significations relativement
fixées » (Pierre André Taguieff, Eléments, n° 56, p 42). On peut rapprocher
cette analyse de ce qu'écrit le PFF : « Notre "racisme à nous… est positif
et source d'enrichissement pour chaque peuple : il s'appelle ethnisme ».
(Vlaamsaktie n°3, oct 85) « La N.D. a enfin fourni les premiers modèles rhétoriques
et les légitimations théoriques pionnières du déplacement de l'inégalité à la
différence dans les modes dominants de racisation. Ce déplacement de focalisation
entraîne une recentration de l'imaginaire raciste que la hantise du mélange,
croisement inter-ethnique et "métissage culturel". On passe ainsi du
Rang et de l'inégalité au Pur et à la différence. J'ai proposé de dénommer
mixophobie la forme désormais dominante du "racisme", que ces visées
d'exclusion se formulent dans le lexique du Sang (objet d'évitement depuis 1945)
ou dans celui de la Culture. On peut parler de "néo-racisme" pour
référer globalement aux formes différencialistes, mixophobiques et
culturalistes du racisme. Celui-ci s'exprimant aujourd'hui de façon
préférentielle dans la mouvance du national-populisme (Le Pen et le Front
National)…» (Pierre André Taguieff, Eléments, n° 56, p 42)
L'un des grands thèmes de la
Nouvelle Droite et du PFF est le thème de l'enracinement ou du réenracinement.
En d'autres termes chacun plante se "racines" chez soi, il est
strictement interdit d'aller les planter ailleurs, ou que quelqu'un vienne les
planter chez soi. L'absence de "racines", le "nomadisme" a
même sur certains des conséquences physiques qui laissent perplexes surtout
quand ce "nomadisme" risque de concerner les Flamands : « Je n'ose à
peine le reconnaître, mais l'origine tzigane de notre peuple me pèse sur
l'estomac maintenant depuis plus d'un quart de siècle ». (Jacques Fermaut, KFV
Mededelingen n°3, éc 85) La probabilité que le Peuple Flamand est composé
d'immigrés (même si cela date de temps très reculés) est une pensée insupportable
pour le candidat du PFF aux élections cantonales de 1985 à Bierne.
"Heureusement", suit dans le même texte une "démonstration"
qui "prouve" sans rire que le Peuple Flamand se trouve sur son territoire
depuis 2193 avant J.C. (sic). "Heureusement", cette même personne est
100% flamande : « Je suis flamand… de parents eux-mêmes de langue et de souche flamande…
j'ai épousé une flamande…» (Profession de foi de J. Fermaut, élections
cantonales, 10 mars 1985) Ouf, Nous voilà rassurés. Parmi les cibles favorites
de la Nouvelle Droite et du PFF, nous trouvons, comme nous l'avons vu, le
libéralisme et la gauche car chacune, à sa façon, est égalitariste (en tout cas
prône l'égalité des individus et des peuples), alors que pour la Nouvelle Droite
"les peuples ne sont ni semblables ni égaux" (René Rémond). Une
troisième cible, qui est aussi attachée à l'égalité, c'est le Judaïsme et le Christianisme
: « Alain de Benoist (tête de file de la N.D.) considère que la pensée juive
est à l'origine des idées égalitaristes : le messianisme juif est la matrice de
toutes les utopies qui ont, au cours de deux millénaires, bouleversé l'ordre
naturel des choses et ébranlé les sociétés. C'est la tradition judéo-chrétienne
qui a inoculé à l'humanité cette chimère de l'égalité de tous les hommes et de
tous les peuples ». (René Rémond)
Afin de se débarrasser de ces
idées "dangereuses" la N.D. propose d'en revenir au paganisme et
montre une particulière prédilection pour les vieilles divinités germaniques.
Le Judaïsme et le Christianisme n'échappent pas à la chasse à tout ce qui est
"étranger à l'Europe" : « Au banc des accusés, cités plus haut, nous
aurions pu faire comparaître les idéologies d'inspiration "judéo-chrétienne",
originellement étrangère à l'Europe » (Dossier immigration, p 11) Cette
position est d'autant plus surprenante qu'un certain nombre, il est vrai minoritaire,
des membres du PFF font plutôt partie du courant catholique traditionaliste.
Comment peuvent-ils se reconnaître dans ce type de discours même si pour le
reste ils entrent en convergence parfaite ?
Il est fait référence plus haut
au national-populisme du Front National et de Le Pen, ce type de nationalisme
en fait plutôt du chauvinisme est proche de la Façon dont l'envisage le PFF
mais il est transféré sur d'autres données géographiques. Ce
national-chauvinisme tourne le dos à la France qui n'est plus qu'une aire géographique
et regarde vers les "frères" du Nord (Flandre belge et Pays-Bas).
D'où l'importance pour le PFF et sa façade culturelle Menschen Lyk Wyder de l'enseignement
du néerlandais dans le Nord de la France. Il faut noter que les idées
pan-néerlandaises considérées avec une extrême méfiance par les Néerlandais
entrent en concordance avec celles des mouvements proches de l'Allemagne nazie
pendant la seconde guerre mondiale (le Verdinaso, c'est à dire Vereniging der
Dietse Nationaal-Socialisten, mouvement des nationaux-socialistes thiois, et du
mouvement rexiste de Léon Degrelle qui vomissait l'"état croupion" de
1830 -la Belgique- et rêvait de réunir le Pays-Bas, la Belgique et le Nord de
la France) en particulier en Belgique.
Alors, enfin, une idée qui n'a
pas été prise dans le réservoir de la Nouvelle Droite, même si cette idée est d'extrême
droite ? Pas du tout. « La N.D. a fourni les principaux éléments d'une nouvelle
légitimation du nationalisme quelles qu'en soient les formes : européennes,
hexagonales (la Patrie identifiée à l'Etat-Nation), ethno-regionales. Légitimation
essentiellement fondée sur la défense et l'éloge des "identités collectives"
menacées et l'habillage culturaliste de l'impératif d'auto-défense ». P.A. Taguieff,
Eléments, n°56, p 41) « La N.D. se montre étrangement indifférente à la nation.
Elle dilue l'histoire de France, hier bien sacré, absolu quasi-religieux pour
les nationalistes, dans celle d'un ensemble composite et factice du nom
d'européen ». (René Rémond) Ceux qui auraient la présomption de s'élever contre
toutes les idées qui viennent d'être décrites sont voués au gémonies et en sont
réduits à être non seulement des adversaires idéologiques du PFF mais aussi de
la Flandre et des Flamands : « Le présent dossier est également un véritable
défi lancé aux tenants du terrorisme intellectuel. Nous savons d'avance que
nous nous attirerons la haine implacable de tous les ennemis de la Flandre et
des Peuples européens » (Dossier immigration, introduction signée RDM)
Les adversaires idéologiques du
PFF qui se livrent à ce qu'il appelle le "terrorisme intellectuel"
sont tous désignés, ce sont : « Les adeptes du melting-pot universel », « Les
médias et les organisations humanitaro-mondialistes » « Les organisations
anti-racistes qui véhiculent les idées mondialo-gauchistes » La Gauche,
l'association Tegaere Toegaen désignée successivement comme un mouvement
"socialo-communiste", "marxiste-léniniste" et
"gauchiste"… en réalité tous ceux qui prône l'égalité (une des
principes de la démocratie) que ce soit entre les individus ou entre les
peuples.
Le PFF ne s'est pas seulement
fixé pour objectif de lutter contre le "mélange racial" mais aussi
contre le "terrorisme intellectuel" tel qu'il est défini ci-dessus : «
La véritable "bête immonde" (Brecht) qui accouchera d'un
totalitarisme planétaire est une hydre à deux têtes : le terrorisme intellectuel
et le mélange racial. » (Dossier immigration, p20)
À noter que la "bête
immonde" dont parlait Brecht, c'était le nazisme. « Jamais jusqu'ici, un
peuple n'a pu changer sa constitution mentale pour adopter celle d'un autre. »
(Dossier immigration, p 6) Cette idée du déterminisme psychologique, comme nous
allons le voir, n'est pas nouvelle et est particulièrement intéressante si on
la rapproche de ce qu'écrivait Le Bon dans "Les lois psychologiques de
l'évolution des peuples" en 1894, un ouvrage qui a beaucoup inspiré
Mussolini et Hitler (selon Zeev Sternhell). L'auteur, Gustave Le Bon avait
lui-même des sympathies fascistes et fit l'apologie de Mussolini. Voici ce
qu'en dit Zeev Sternhell (Ni Droite, ni Gauche, l'idéologie fasciste en France)
analysant Le Bon : « La vie d'un peuple, ses institutions, sa destinée ne sont
que "le simple reflet de son âme", c'est à dire des "caractères
moraux et intellectuels" qui "représentent la synthèse de tout son
passé, l'héritage de tous ses ancêtres, les mobiles de sa conduite, car
"chaque peuple possède une constitution mentale aussi fixe que ses
caractères anatomiques", et des "caractères, fondamentaux, immuables"
proviennent d'une "certaine structure particulière du cerveau"… » La
proximité des citations est assez frappante pour devoir être notée. Un thème
que l'on rencontre régulièrement dans les colonnes du Figaro Magazine ou dans
la bouche de certains hommes politiques de droite et d'extrême droite, c'est
l'affirmation que les immigrés maghrébins ne pourraient s'intégrer dans la
société française.
Ainsi le PFF : « La culture et la
religion [des Africains et des Musulmans est] totalement étrangère à la
civilisation européenne » p 4. « Les Maghrébins, les Africains et les
Asiatiques, n'ont aucune racine commune avec nous, aucun patrimoine commun » (p
2) Les immigrés non-européens sont des « groupes trop différents incompatibles
et inassimilables ». Cela semble vraiment un recul de civilisation considérable
que d'avancer de telles affirmations totalement gratuites. Les immigrés et nous
avons au moins un point commun, nous sommes tous des êtres humains et nous ne
constituons pas des espèces différentes "incompatibles". Nous
abordons ici une autre idée : la conception des peuples considérés comme des
unités biologiques, incompatibles les unes avec les autres. Encore une idée de
Le Bon cité plus haut. Mais le sommet de l'indigence est atteint avec ceci : «
les universitaires du Tiers-Monde viendraient se "blanchir" en épousant
une française… » (p 8)
Pour couronner le tout, le PFF
prend des positions en ce qui concerne la démocratie qui ne surprendront
personne, après ce qui a déjà été décrit. Celle-ci est décrite comme étant la
"dictature du plus grand nombre" (p 9). La démocratie serait-elle
donc une forme de dictature ? le PFF serait-il antidémocratique ? Comme cela a
déjà été décrit plus haut (p 37), la démocratie selon le PFF serait corruptrice,
favoriserait la "décadence", postulerait la vie facile et les
agréments, la réduction du temps de travail… Tout ceci est inacceptable pour le
PFF. On peut se demander pourquoi le PFF est si préoccupé par la "présence
étrangère" chez nous. Car au delà de la simple dénonciation de ces
phénomènes, l'exploitation de ce thème set un autre objectif. Cette campagne
contre l'immigration permet de dépasser les clivages sociaux, les conflits d'intérêts
et les contradictions idéologiques, de tenter de rassembler le peuple flamand
(sur le dos des autres). La "nation flamande" se dessine ainsi en
opposition au cosmopolitisme représenté par les immigrés. On espère qu'une
réaction de défense viendra créer ou renforcer un sentiment national flamand.
Les tendances anti-démocratiques, le rejet des classes sociales et le désir de
constituer un corps social uni, la sujétion de l'individu à la communauté, la
vision de la société comme un organisme biologique, le déterminisme, le rejet
de tout ce qui est "étranger"… voilà bien des caractéristiques qui
amènent à penser que le PFF, ainsi que les mouvements culturels derrière lesquels
il se dissimule, est bien à situer à l'extrême droite de l'échiquier politique.
Conclusion
Le lecteur du présent dossier
s'étonnera peut-être de l'attention qui a été portée sur un mouvement qui
demeure groupusculaire. Après tout, la première tentative d'apparition sur la
scène politique du "parti" ne s'est-elle pas traduite par un échec lors
des élections cantonales de mars 1985 ? Un candidat qui se présentait dans le canton
le plus favorable (Bergues) n'a obtenu qu'un résultat proche de la nullité (1,82%).
Il faut toutefois observer que ce détournement des aspirations régionalistes constitue
un exemple parmi d'autres des influences et des récupérations exercées par la
Nouvelle Droite, aidée en cela par un contexte idéologique actuellement favorable
(crise économique et ses conséquences). De semblables évolutions pourraient
être décrites dans des secteurs autres que régionalistes : culturels,
économiques, sociaux. Il ne faut pas s'y tromper, les protagonistes des
événements qui viennent d'être décrits n'apparaissent nullement comme d'affreux
extrémistes. En réalité, dans l'hypothèse fortuite d'une rencontre, chacun sera
surpris de découvrir des esprits tolérants, ouverts, modéré, des gens de
dialogue et en face, toute pensée cohérente sera bien vite taxée d'idéologie.
Telle est l'habileté de la stratégie et de la tactique de la Nouvelle Droite.
Notre tâche de militants de la démocratie consiste donc à démasquer ce
flamingantisme distingué. Tegaere Toegaen espère y avoir contribué et souhaite
que les lecteurs attachés à leur région, préoccupés par son devenir, n'en
tireront pas des conclusions pessimistes. Ce dossier est conçu comme un instrument
d'analyse critique afin que certains ne
soient pas trompés. Les actions concrètes et positives ne manquent pas : l'entrée
du flamand dans l'enseignement public, la publication du premier dictionnaire flamand,
les recherches pour l'élaboration d'un plan de développement économique et
social de la Flandre, la publication d'un journal bilingue… autant de réalités
qui prouvent qu'une voie existe pour un régionalisme démocratique. Il s'agit
simplement d'éviter les chemins douteux.
Bibliographie
Les prétentions allemandes sur
les Pays-Bas Français, Bernard Doncler (Les PBF 1976)
Vital Celen (1887-1956) en Frans
Vlaanderen, Dr Eric Defoort (Les PBF 1976)
Tien jaar kontakten met de Franse
Nederlanden, André Demedts (Les PBF 1976)
Le "Testament
spirituel" de Jean Marie Gantois, Dr Eric Defoort (Les PBF 1976)
"Revue des Flandres"
(1906-1907), Dr Michiel Nuyttens (Les PBF 1980)
Brieven van J.-M. Gantois aan
J.M. Perrot (1925-1943), Dr Eric Defoort (Les PBF 1981)
Priester-volksvertegenwoordiger
Lemire (1853-1928) en het regionalisme, Dr Michiel Nuyttens (Les PBF 1982)
Accueil et influence de la revue
"Le Beffroi" (1900-1913) de Léon Bocquet, Anna Mascarello-Georges
(Les PBF 1983)
Een nieuwe kijk op Pro
Westlandia, Dr M. Nuytens, Dr M. Somers (Les PBF 1984)
De Zuidelijkste Nederlanden,
Jean-Marie Gantois (Oranje uitgave)
Un mouvement flamand séparatiste
dans le Nord et le Pas-de-Calais sous l'occupation in Revue d'Histoire moderme
et contemporaine, Etienne Dejonghe
Une châtelaine flamande, Eric
Defoort (Westhoek édition)
Les Collaborateurs, Pascal Ory
(Seuil)
Le myhthe aryen, Léon Poliakiov
(Calman-Lévy)
La droite révolutionnaire. Les
origines françaises du fascisme 1885-1914, Zeev Strenhell (Seuil)
Ni Droite, ni Gauche. L'idéologie
fasciste en France, Zeev Sternhell (Seuil)
Les Droites en France, René
Rémond (Aubier)
Eléments pour la civilisation
européenne, Revue de la Nouvelle Droite, n° 56, hiver 1985
Plate-forme politique du PFF-VFP KFV
Mededelingen (Komitee voor Frans Vlaanderen)
MLW Mededelingen (Menschen Lyk
Wyder)
Werkverslagen (PFF-VFP)
Vlaamsaktie, organe du PFF-VFP
Dossier immigration (PFF)
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