La Flandre est un pays bas, plat et humide. Déjà Vauban prévoyait dans la défense de ses ouvrages l'utilisation des eaux en tendant des inondations afin de retarder les progressions de l'ennemi, et aussi de les empêcher de s'installer. Cependant, il ne faisait que reprendre les méthodes de son homologue néerlandais Coehoorn... Aux mêmes causes, les mêmes effets, les défenseurs du littoral dunkerquois ne pouvaient de reprendre les mêmes méthodes, en 1914, en 1918, en 1940 mais aussi quand les Allemands étaient assiégés dans la Festung Dunkirchen, en 1945...
In R. Bethegnies : Le Sacrifice de Dunkerque, 1940. –
Yves Demailly éditeur, Lille, 2e édition 1947, 326 pages, pp. 225-226
La plaine maritime française s’étendant
entre Calais et Bray-Dunes et qui forme une pointe sur le cours de l’Aa vers
Saint-Omer, est à un niveau situé entre ceux des hautes et basses mers de la
Mer du Nord. Elle comporte une série d’anciennes lagunes, dont la plus
importante – celle des Grandes Moëres –, au milieu de laquelle est tapi le
village du même nom, est entourée par la digue défensive du Ringsloot qui suit,
côté est, la frontière. Cette dépression du sol se continue d’ailleurs en
territoire belge jusqu’à Nieuport.
Cette région, dite des « Wateringues »,
est protégée des inondations marines par un cordon littoral de dunes. Elle est
en outre sillonnée par un réseau serré de fossés de toutes dimensions appelés « watergands »,
destinés à assurer aussi bien l’irrigation que le desséchement. Ces watergands
communiquent avec les canaux aboutissant à Calais, Gravelines et Dunkerque où,
par l’intermédiaire d’ouvrages appropriés, ils se déchargent dans les
avant-ports à marée basse.
En temps de guerre, l’inondation
de la plaine côtière du Nord constitue une défense naturelle des points hauts
que sont les établissements maritimes de commerce. Maintes fois dans l’Histoire,
on eut recours à cette suprême mesure
pour dresser, en avant du camp retranché de Dunkerque, une barrière
quasi infranchissable pour l’envahisseur. Elle a été déployée à deux reprises
en 1914 et 1918, lors des grandes offensives allemandes dans les Flandres, mais
à titre préventif : grâce au débordement de l’Yser, les Alliés stoppaient
l’ennemi dans sa course à la mer, à une trentaine de kilomètres de la cité de
Jean Bart.
Les inondations peuvent être
tendues, soit uniquement à l’eau douce en arrêtant les écoulements à la mer aux
trois ports français précités et en utilisant les eaux de l’Aa pour gonfler les
canaux alimentés par cette rivière, soit en cas d’attaque inopinée, en ouvrant
à marée haute les ouvrages exutoires pour envoyer de l’eau salée dans les
canaux collecteurs. Le résultat est, en effet, obtenu beaucoup plus rapidement
par le second procédé que par le premier qui exige plusieurs semaines en
période de sécheresse.
Du point de vue stratégique, il s’agit
de faire obstacle à une agression venant de Belgique et de couvrir, en
conséquence, les fronts Bray-Dunes – Bergues et Bergues – Watten, distincts
tous deux par leur altitude (celui-ci étant au moins d’un mètre plus élevé que
celui-là) et par le mode d’évacuation normale de leurs eaux. Chaque front
comprend plusieurs bassins pouvant être couverts séparément ou simultanément.
Le premier but à atteindre est d’imbiber
suffisamment le sol pour qu’il devienne marécageux et, de ce fait, impraticable
aux mouvements de troupes. On réalise ensuite une nappe d’eau camouflant le
terrain.
Dès 1930, sur l’ordre de la
Commission des Régions frontières, le service du Génie, avec le concours des
Ponts et Chaussées, étudia les moyens d’inonder les secteurs Bray-Dunes – Bergues
et Bergues – Watten de manière à ne pas compromettre, par un trop grand apport
d’eau salée, la remise en culture des terres à immerger. Aucun accord n’avait
lieu avec les Belges dont on ignorait les intentions. D’autre part, on
renonçait provisoirement à la branche Watten – Calais, face à l’ouest.
Il avait été admis, qu’en cas d’urgence,
et si les délais prescrits par le Commandement le permettaient, on pourrait
tendre ces inondations à l’eau de mer jusqu’aux côtes (+ 3,12) pour le premier
secteur et (+ 4,42) pour le second, après saturation à l’eau douce jusqu’aux
côtes respectives (+ 2,82) et (+ 3,92) (note : ces côtes sont données par
rapport au zéro des cartes marines qui se trouve, à Dunkerque, à 2,42 m au-dessous
du zéro Bourdaloue utilisé par le génie). La nappe devait avoir ainsi une
épaisseur d’environ un mètre dans les bas-fonds.
Il convient d’observer que les
grandes Moëres, qui peuvent d’ailleurs être noyées rapidement, n’étaient pas
comprises dans le programme établi.
Des mesures préparatoires étaient
prévues pour lui être appliquées dès la mobilisation générale, car une telle
opération nécessite des précautions afin de limiter les inondations aux seules
zones indispensables.
Aux Ponts et Chaussées, relevant
de l’autorité militaire, devait incomber l’exécution de cette tâche délicate,
la Sous-Préfecture étant chargée d’aviser les communes intéressées pour faire
évacuer la population civile en temps opportun.
carte : les zones inondées en 1940
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