La controverse est toujours vive
pour déterminer si l’invasion marine eut lieu au cours du IIIe, du IVe ou du Ve
siècle, les récits qui nous ont été transmis sont trop imprécis pour que l’on
puisse y ajouter foi. Deux faits nous permettent de toutefois de penser que
cette inondation eut lieu au cours du IVe siècle, la présence des monnaies
romaines dont la dernière portait l’effigie de Quintillius, IIIe siècle, l’absence
de trace de civilisation franque sur les endroits recouverts par la mer. La
transgression dunkerquienne est donc postérieure à Quintillius et antérieure à
l’invasion franque.
Par ailleurs, la question fut
longtemps posée de savoir si cette inondation avait été brutale ou progressive,
c’est-à-dire si elle s’est produite sous l’action d’un tassement violent ou
lent ou sous l’action d’une remontée brutale ou progressive de la mer.
Les constatations faites à partir
des sondages semblerait prouver que l’invasion marine fut lente et progressive.
Par contre, si l’on s’en tient aux écrits et que l’on se rapporte à l’ouvrage
de M. DOLEZ (Les Moëres), on y lit
que selon Augustin Thierry, « les habitants chassés de ces régions,
allèrent à la recherche de plages plus hospitalières et notamment dans l’île de
Bretagne (Angleterre) ; des hommes partis du territoire gaulois qu’on
nomme aujourd’hui la Flandre, obligés d’abandonner sans retour leur pays natal
à cause d’une grande inondation, abordèrent premièrement comme hôtes de bonne
grâce et ensuite comme envahisseurs.. »
Ainsi donc, si ce que rapporte
Augustin Thierry est vrai, il a fallu que l’inondation soit brutale et prenne l’allure
d’un cataclysme pour que les Morins, surpris, se décident à traverser la mer,
plutôt que de reculer vers l’intérieur des terres, d’autant que cette
inondation laissait quand même quelques émergences, telle celle de Bergues.
Quoi qu’il en soit, la façon dont
cette inondation s’est produite n’ayant aucune influence sur ce qui va suivre,
nous laisserons là ce problème sans entrer plus avant dans le détail. Les causes
de cette inondation étant accessoires par rapport à leurs effets, nous nous
étendrons plus sur ce deuxième point. En effet, c’est à partir de cette
transgression marine que va se former la couche de tourbe supérieure,
constituée par la submersion des forêts marécageuses, et que notre sol de Flandre
maritime trouvera sa constitution définitive qui fera la richesse du pays.
La tourbe étant constituée par
des débris végétaux dont la flore est analogue à celle que nous connaissons
actuellement, nous pouvons en déduire que nos ancêtres les Morins vivaient sous
les mêmes conditions climatiques que nous.
L’épaisseur de la tourbe varie de
0 à 3 mètres. Aux plus grandes épaisseurs de tourbes correspondaient surement
des dépressions formant marécages dans lesquelles on trouvait des forêts. Il est
vraisemblable que la formation de tourbe a provoqué un nivellement de terrain.
A ces différentes épaisseurs de tourbe correspondent encore également quelques
dépressions dues au tassement de ce matériau, l’importance du tassement étant
proportionnelle à l’épaisseur de la tourbe.
Cette transgression marine de
Dunkerque (ou dunkerquienne) provoqua l’inondation de toute cette zone
marécageuse constituée par le delta de l’Aa. Ce delta, envahi par la mer,
constituait alors un golfe dans lequel émergeaient vraisemblablement quelques îlots.
C’est ce golfe que l’on appela Sinus Itius, au fond duquel se trouvait le port
de Sithiu, où Saint Omer, évêque de Thérouanne vers 637, élèvera un monastère
qui donnera ensuite naissance à une ville qui portera son nom.
L’Aa et l’Yser se jetaient donc
dans cette plaine maritime recouverte d’eau qui formait ainsi un bassin de
décantation idéal. Au fil des ans, cette plaine se recouvre d’une épaisse
couche d’alluvions fluvio-marines, formées de limon et d’argile sableuse
auxquelles viennent de mélanger des coquillages roulés par la mer. C’est cette
sédimentation qui formera plus tard cette argile compacte et homogène qu’on
appelle argile poldérienne et qui, par endroits, atteindra jusqu’à 5 mètres d’épaisseur.
La transgression dunkerquienne se
poursuivit au cours des Ve, VIe et VIIe siècles et se stabilisa ensuite. Les siècles
passent, l’alluvionnement se poursuit et le sol de notre plaine maritime remonte
peu à peu jusqu’à former de petits îlots, qui, petit à petit, se relieront
entre eux. L’Aa s’écoule alors à la mer par d’innombrables petits ravinements,
que les atterrissements auront vite fait de combler. L’Aa sera ainsi obliger de
se ménager des lits dans les thalwegs les plus importants qui seront aménagés
et canalisés pour devenir la Colme (haute et Basse Colme), le canal de Bergues
et les principaux watergands dont le Vliet qui se transformera ultérieurement
en canal de Bourbourg.
En même temps que cette stabilisation
s’accomplit, une flèche littorale se forme à l’emplacement actuel du cordon
dunier. L’action conjuguée des flots, des courants et du vent relève cette
flèche qui, lentement, émerge au-dessus du niveau des hautes mers.
La formation des cordons
littoraux que nous connaissons actuellement, et au pied desquelles s’étendent d’immenses
plages de sable fin, est donc relativement récente.
Il faut distinguer ces cordons
littoraux récents, des cordons de dunes très anciens qui se trouvent parfois à
trois ou quatre kilomètres à l’intérieur des terres et sur la formation
desquelles nous connaissons peu de choses, mais qui remontent vraisemblablement
à l’époque de la séparation de l’Angleterre et du Continent.
Ce cordon de dunes anciennes, tel
que celui que l’on rencontre à Ghyvelde par exemple, sur cinq à six kilomètres
de longueur, a une larguer variable de 6 à 800 mètres et ne dépasse guère 8 à
10 mètres de hauteur. Il semble qu’autrefois il a dû être continu puisque l’on
en retrouve trace à Grande-Synthe, Loon-Plage et dans le Calaisis, mais que
sous l’effet de l’érosion il s’est étalé, aidé en cela par l’homme pour
augmenter les surfaces cultivables.
Le développement des unes
récentes, formées par l’apport à chaque marée de matériaux détritiques,
accéléra le processus d’alluvionnement de la plaine maritime et sera le facteur
déterminant pour la conquête de notre sol sur la mer.
Ces embryons de dunes ainsi
constitués empêcheront que la mer pénètre à marée haute sur toute la longueur
de la côte à l’intérieur des terres, mais seulement par les quelques trouées
existant encore.
Ces trouées sont à l’origine de
la création des chenaux inversés par lesquels à marée haute l’eau s’engouffrera
pour inonder la plaine et par lesquels elle s’évacuera pour inonder la plaine à
marée basse avec les eaux d’égouttement de l’arrière-pays. Ces mouvements
entraîneront la formation d’une série de pouliers internes et externes par l’apport
de matériaux érodés sur les cordons littoraux qui viennent se déposer dans les
eaux plus calmes à l’intérieur de la baie. Une partie de Dunkerque est
construite sur un poulier formé à l’abri du chenal inversé formé par l’estuaire
du Vliet (actuellement canal de Bourbourg) qui était alors une branche de l’Aa.
C’est d’ailleurs dans un poulier formé par le Vliet à Armbouts-Cappel en des
temps plus reculés encore, qu’a été prelevé le sable nécessaire à la
construction de l’autoroute.
A travers ces trouées, les vastes
étendues qui sont ainsi recouvertes d’eau à chaque marée, ne subissent plus l’assaut
des flux et des vagues, mais se remplissent lentement, provoquant une décantation
parfaite des matières en suspension. A marée basse, l’eau se retirera
calmement, ainsi, deux fois par jour la nature fera œuvre utile en relevant le
niveau des terres.
Après plusieurs siècles, les sédiments
accumulés seront si importants que les eaux de la mer ne recouvriront plus l’intérieur
du pays que lors des marées d’équinoxe. Jusqu’aux Xe et XIe siècles, l’eau
remonte encore dans l’estuaire jusque Uxem, Bergues et Spycker, mais un siècle
plus tard, elle ne recouvrira plus que les dépressions aux abords de Dunkerque.
L’homme fera en sorte, avec sa
science, son courage et sa ténacité, que ces invasions de la mer ne se
produisent plus. Il s’organisera en conséquence en parachevant ce que la nature
a si bien commencé. C’est ainsi qu’au cours des siècles qui suivront, il
perfectionnera sans cesse ses méthodes de desséchement et s’organisera pour
tirer le meilleur parti de ce que la nature met à sa disposition.
La mer se retire donc, laissant
la place à une plaine riche mais dont l’accès est très difficile. Il faudra que
ces terres s’égouttent très longtemps avant qu’elles ne deviennent cultivables
du fait de la forte imprégnation d’eau saumâtre. Nous verrons par la suite que
cette mise en culture sera souvent remise en cause par les invasions marines,
invasions naturelles dues aux caprices de la nature, mais malheureusement
aussi, inondations provoquées par l’homme pour se défendre e temps de guerre.
Quoiqu’il en soit, une barrière
naturelle nous protège désormais de la mer, il suffit maintenant d’agir pour
que l’estran soit le plus réduit possible et que l’effet des marées diminue au
maximum à l’intérieur des terres.
Il y eut quelques premières
tentatives de dessèchement vers le VIe et VIIe siècle, mais ces tentatives
isolées, sans méthode, étaient vouées à l’échec. Il faudra attendre longtemps
encore pour qu’une entreprise de grande envergure soit engagée. Pendant tout ce
temps la régression marine continue, mais cela n’empêche pas les marées de
remonter jusqu’à Sithiu (Saint-Omer) par la rivière Aa. Sithiu qui, en ce
temps-là, est encore une île entourée de marécages (Saint-Omer, évêque de Thérouanne,
parlant de la cathédrale actuelle, dit : « basilica in isula Sithiu,
ubi antea monasterium »).
OUI
RépondreSupprimerun tsunamis..
la mer est passée par dessus les dunes , le village gallo-romain de zuydecotte en est la preuve..Voir également les routes romaines qui mène à la cote..
reste à comprendre ou trouver la cause de cette catastrophe..
oui , nous ne sommes pas à l' abris de ce problème, car comme l' a dit Aroun stazief , la ou la terre a tremblée, elle re-tremblera..
sauf qu' à l' époque gallo-romaine il n' y avait pas de centrale nucléaire..