On ne mesure à quel point nous sommes attachés à certaines choses que lorsque l'on ne peut plus y accéder... Depuis quelques mois déjà, et pour un temps indéfini, le musée des Beaux-Arts de Dunkerque est fermé... Personne ne sait quand (dans l'hypothèse - effectivement - d'une réouverture) et dans quelles conditions l'on pourra rendre visite à la pensionnaire la plus célèbre de Dunkerque...
Aucun Dunkerquois n'ignore cette prophétesse d'Antinoë conservée dans un cercueil de verre, au corps enduit de bandelettes goudronnées, encore couverte de feuilles d'or... Des études médico-légales et archéologiques ont été menées sur sa dépouille et peu de détails la concernant ont échappé aux chercheurs...
Reste qu'il faut rendre à César ce qui est à César... et à Gayet ce qui lui revient de droit... Car à première vue, le rapport n'est pas évident, Gayet n'étant pas Dunkerquois...
Albert Gayet
Né à Dijon
en 1856, ce fils d’un marchand de peaux se passionne pour l’Orient. Entre l'aventure coloniale, la littérature le souvenir de l'expédition d'Egypte de Bonaparte, cet Orient fascine... Gayet se passionne tant qu'il sollicite Gaston Maspero pour directeur de recherches et finit par partir en
Egypte.
Le choix de Maspero comme Maître est logique, il est une sommité, à l’origine, entre autres de
la découverte de la momie de Ramsès II !
Sous l’autorité du Boulonnais
Auguste Mariette, qui a créé en 1858 le service des antiquités égyptiennes au
Caire, il fouille méthodiquement le pays. Mais la mode et la recherche
privilégient les monuments purement égyptiens et se désintéressent des périodes
postérieures. Comme aujourd'hui encore, les monuments de cette époque sont grandioses et attirent
les voyageurs. Rien de bien neuf finalement, encore aujourd'hui des pans entiers de la civilisation égyptienne restent dans l'ombre parce que moins "sensationnels"...
Mariette accepte en 1895 d’envoyer Albert Gayet à Antinoë, à 300
kilomètres plus au sud. La ville a été fondée par l’Empereur Hadrien, en 132,
en l’honneur de son favori, Antinoüs, mort noyé dans le Nil. C’est une cité
purement romaine dont les habitants adoptent facilement les us et coutumes des
populations qu’ils côtoient. Les Romains ne font que répéter ce que firent avant eux les populations hellénistiques...
Gayet peut aussi constater la lente progression du
christianisme, clandestin et persécuté, puis toléré et enfin officiel et suivre
l’histoire de l’Egypte copte où le paganisme persiste, où les croyances
s’influencent... La cité, importante, est finalement érigée en Evêché.
Quinze ans
durant, Albert Gayet met au jour d’importantes nécropoles coptes et exhume de
nombreuses momies que le public peut encore admirer. A Dunkerque, la petite
prêtresse rousse - fait exceptionnel - entièrement couverte d’or est largement
connue du public. Découverte en 1906, elle ne correspond pas à l'idée que le grand public se fait des momies telles que l'on peut en voir dans nombre de musées... Gayet a d'autres découvertes à son actif. Grâce à lui, Dunkerque et Grenoble ont un point commun. Dans cette charmante bourgade alpine, c’est une
prophétesse qui semble elle aussi dater du IIIe ou IVe siècle. Allongée elle
aussi sur un lit de feuilles de figuiers, elle a conservé de riches habits
coptes aux parures fines et délicates.
Les découvertes majeures de Gayet sont
partagées entre Paris et le Caire mais lorsqu’il décède en 1916, il lègue au
musée de Dijon, sa ville natale sa collection personnelle de tissus coptes, notamment
les linges funéraires… mais nombre de ses découvertes sont disséminées un peu
partout en France : notre momie n’est dunkerquoise que depuis 1907 !
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