jeudi 7 avril 2016

les vies de la "Princess Elizabeth"



On pourrait se croire à Douarnenez :  les mats et les vergues du Duchesse Anne tutoient le ciel, le feu du Sandettie joue avec les façades. La silhouette du Princess Elizabeth, quant à elle, semble avoir toujours été présente.

Construit en 1926-1927 près de Southampton, le navire reçoit le nom de Princess Elizabeth en l’honneur de la petite-fille du Roi Georges V, qui vient de naître. La silhouette du bâtiment est banale dans les eaux britanniques d’alors. Ce « paddle steamer », un navire à roues à aubes, propulsé à la vapeur, comme les trains, est un moyen de transport fiable et classique. Avec sa coque métallique, il affiche un tonnage brut de 377 tonnes, mesure 59 mètres de long pour 14 de large. Seize hommes suffisent à sa manœuvre. Comme ses sister-ships, c’est un navire pensé pour être polyvalent, utilisé pour la plaisance et les excursions mais aussi comme paquebot côtier et ferry puisque son pont avant a été renforcé pour transporter des voitures. Le navire semble petit mais il n’en emporte pas moins de 600 passagers par traversée.

Les sombres heures de gloire
La guerre éclate, le Princess Elizabeth doit contribuer à l’effort de guerre. Le voilà réquisitionné par la Navy. Son faible tirant d’eau permet de le transformer comme dragueur de mines. Pour cela, il reçoit même un canon de 105 mm sur la plage avant. Evidemment, temps de guerre oblige, il abandonne son nom de baptême pour l’immatriculation J 111. Il ne quitte pas pour autant son port d’attache de Southampton car il intègre alors la 10e flottille de dragueurs de mines. Les orages d’aciers le font venir à Dunkerque pour des croisières terriblement mouvementées. En quatre traversées, il ramène 1673 soldats, dont 500 Français. A ce titre, il reçoit la croix de guerre « Dunkirk 1940 ». Son sister Ship, le Medway Queen, aujourd’hui en cours de restauration, en évacue quant à lui 7.000 hommes et est récompensé du titre d’« héroïne de Dunkerque ».  L’évacuation de Dunkerque menée à son terme, il est affecté à la défense anti-aérienne et ne peut reprendre son service civil qu’en 1944. Des dragueurs de mines à roues à aubes, il est le seul survivant, les autres ayant été détruits par l’aviation allemande. Certains gisent d’ailleurs encore sur nos plages, réduits à leur plus simple expression ensablées dans l’estran…



Retour à la vie civile.
En 1946, la chaudière à charbon fait place au diesel. A partir de cette date, il change régulièrement de propriétaire mais la fin approche subrepticement. Son style suranné lui vaut de participer au tournage de deux films, « Les enfants du Capitaine Grant » de la firme Walt Disney en 1961, puis à celui de « Gordon of Khartoum » en 1965. Malheureusement pour lui, les modes changent, les Anglais découvrent des destinations plus exotiques et délaissent le navire. Les croisières ne sont plus à l’ordre du jour, on lui préfère l’avion et des séjours plus lointains. Malgré le charme du navire, la rentabilité n’est donc plus au rendez-vous. Il faut se résoudre à lui offrir une nouvelle carrière. L’année suivante, il est brièvement transformé en casino flottant mais l’aventure tourne court et son propriétaire le désarme. Le moteur et la barre sont enlevés et rejoignent le musée naval de Southampton. En 1970, on le retrouve sur la Tamise où il accueille un Pub et un restaurant. En 1987, après avoir été restauré, il rejoint le quai de Javel à Paris où il devient un centre d’exposition pour l’association de défense des arts typographiques… jusqu’en 199 où l’association Dunkerque Congrès le rachète grâce à de nombreuses subventions. La transaction, d’un cout de 6,7 millions de francs (1,2 millions d’euros) conclue, il rejoint  le quai de l’estacade et participe ainsi aux célébrations du soixantième anniversaire de l’opération Dynamo. En même temps, il rejoint l’association des Little ships. Le voilà donc revenu pour des activités plus pacifiques qu’en 1940 et désormais fait partie du paysage dunkerquois, comme s’il n’avait jamais quitté le port.


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