On pourrait se croire à Douarnenez : les mats et les vergues du Duchesse Anne
tutoient le ciel, le feu du Sandettie joue avec les façades. La silhouette du
Princess Elizabeth, quant à elle, semble avoir toujours été présente.
Construit en 1926-1927 près de Southampton, le navire reçoit
le nom de Princess Elizabeth en l’honneur de la petite-fille du Roi Georges V,
qui vient de naître. La silhouette du bâtiment est banale dans les eaux
britanniques d’alors. Ce « paddle steamer », un navire à roues à
aubes, propulsé à la vapeur, comme les trains, est un moyen de transport fiable
et classique. Avec sa coque métallique, il affiche un tonnage brut de 377
tonnes, mesure 59 mètres de long pour 14 de large. Seize hommes suffisent à sa
manœuvre. Comme ses sister-ships, c’est un navire pensé pour être polyvalent,
utilisé pour la plaisance et les excursions mais aussi comme paquebot côtier et
ferry puisque son pont avant a été renforcé pour transporter des voitures. Le
navire semble petit mais il n’en emporte pas moins de 600 passagers par
traversée.
Les sombres heures de gloire
La guerre éclate, le Princess Elizabeth doit contribuer à
l’effort de guerre. Le voilà réquisitionné par la Navy. Son faible tirant d’eau
permet de le transformer comme dragueur de mines. Pour cela, il reçoit même un
canon de 105 mm sur la plage avant. Evidemment, temps de guerre oblige, il
abandonne son nom de baptême pour l’immatriculation J 111. Il ne quitte pas
pour autant son port d’attache de Southampton car il intègre alors la 10e
flottille de dragueurs de mines. Les orages d’aciers le font venir à Dunkerque
pour des croisières terriblement mouvementées. En quatre traversées, il ramène
1673 soldats, dont 500 Français. A ce titre, il reçoit la croix de guerre
« Dunkirk 1940 ». Son sister Ship, le Medway Queen, aujourd’hui en
cours de restauration, en évacue quant à lui 7.000 hommes et est récompensé du
titre d’« héroïne de Dunkerque ».
L’évacuation de Dunkerque menée à son terme, il est affecté à la défense
anti-aérienne et ne peut reprendre son service civil qu’en 1944. Des dragueurs
de mines à roues à aubes, il est le seul survivant, les autres ayant été
détruits par l’aviation allemande. Certains gisent d’ailleurs encore sur nos
plages, réduits à leur plus simple expression ensablées dans l’estran…
Retour à la vie civile.
En 1946, la chaudière à charbon fait place au diesel. A
partir de cette date, il change régulièrement de propriétaire mais la fin
approche subrepticement. Son style suranné lui vaut de participer au tournage
de deux films, « Les enfants du Capitaine Grant » de la firme Walt
Disney en 1961, puis à celui de « Gordon of Khartoum » en 1965.
Malheureusement pour lui, les modes changent, les Anglais découvrent des
destinations plus exotiques et délaissent le navire. Les croisières ne sont
plus à l’ordre du jour, on lui préfère l’avion et des séjours plus lointains.
Malgré le charme du navire, la rentabilité n’est donc plus au rendez-vous. Il
faut se résoudre à lui offrir une nouvelle carrière. L’année suivante, il est
brièvement transformé en casino flottant mais l’aventure tourne court et son
propriétaire le désarme. Le moteur et la barre sont enlevés et rejoignent le
musée naval de Southampton. En 1970, on le retrouve sur la Tamise où il
accueille un Pub et un restaurant. En 1987, après avoir été restauré, il
rejoint le quai de Javel à Paris où il devient un centre d’exposition pour
l’association de défense des arts typographiques… jusqu’en 199 où l’association
Dunkerque Congrès le rachète grâce à de nombreuses subventions. La transaction,
d’un cout de 6,7 millions de francs (1,2 millions d’euros) conclue, il
rejoint le quai de l’estacade et
participe ainsi aux célébrations du soixantième anniversaire de l’opération
Dynamo. En même temps, il rejoint l’association des Little ships. Le voilà donc
revenu pour des activités plus pacifiques qu’en 1940 et désormais fait partie
du paysage dunkerquois, comme s’il n’avait jamais quitté le port.
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