Le succès de la série "Vikings" est incontestable... Si elle met en valeur les structures sociales, les croyances et le mode de vie des Normands, elle met aussi l'accent sur leur influence en Europe occidentale... à plus forte raison avec la saison 3 actuellement en cours de diffusion. Cette dernière saison met l'accent sur les sièges de Paris et la naissance du duché de Normandie, confié à Rollo (Rollon pour les historiens français) ou Rolf (nom que l'on retrouve le plus souvent dans les sources). Un personnage sur lesquels les Flamands devraient se pencher car ascendant des ducs de Normandie et des comtes de Flandres, valant une interdiction canonique au mariage de Guillaume le Bâtard et de Mathilde de Flandre car apparantés avant le 7e degré, comme le veut le droit canon...
Les Normands (hommes du Nord) étaient attirés par les richesses facilement accessibles de nos contrées et pillèrent allégrement nos terres, obligeant à la fortification de nos villes importantes comme Bergues ou Bourbourg, dans une optique plus large, celle de créer une défense côtiere pour leur barrer le passage...
Transportons-nous un millénaire en arrière… La Flandre que
nous connaissons n’est pas encore née : le littoral n’est qu’une suite
d’îles qui émergent à peine, cernées par une mer revenue une fois encore
envahir les terres ingrates. Au pied du mont Saint-Winoc, des marais maritimes
à perte de vue… A Bourbourg, même paysage… Pourtant, si pauvre qu’elle soit,
elle suscite des convoitises.
Comme des diables déferlant sur Terre
En 793, les « Normands », les Hommes venus du
Nord, quittent leurs fjords noyés de brume et opèrent leurs premières
incursions en Ecosse et au nord de l’Angleterre. Âpres au gain, excellents
navigateurs, l’évocation de leurs forfaits suscite panique et épouvante. Païens
qui croient qu’une mort au combat offre le paradis, ils ne sont intéressés que
par le butin. Que faire sinon fuir lorsque ces géants surgissent aussi bien de
la mer que des rivières ? Ils plongent leurs victimes dans la terreur en
sacrifiant régulièrement au rite de l’Aigle de sang : on attrape un des
fuyards pour lui ouvrir le dos à la hache de chaque côté de la colonne
vertébrale pour sortir les poumons et on le relâche, agonisant, parmi les
siens… Voilà qui ferait passer les ogres des contes pour d’aimables
plaisantins. L’Europe a repris le chemin de la prospérité …et surtout, elle est
chrétienne. La liturgie exige de l’or, des joyaux pour les calices et autres
reliquaires. Cathédrales et monastères regorgent de ces richesses, gardées par
des moines qui n’ont pas le droit de se battre ! Comment les
« Vikings » pourraient-ils résister ? La tentation est d’autant
plus grande que toutes les défenses mises en place du temps des Romains ne sont
plus qu’un lointain souvenir !
Protéger la terre carolingienne
La Mer du Nord est un point faible de l’Empire de
Charlemagne. En 800, il installe une flotte le long du littoral quelques mois
avant son couronnement. Dix ans plus tard, il ordonne que l’on construise de
nouveaux navires et vient même les inspecter à Boulogne en 811, il fait en même
temps reconstruire la Tour d’Orde, le phare construit par les romains… Mais les
Normands sont particulièrement insistants : leurs navires sont d’une
excellente tenue en mer comme sur les cours d’eau et se déplacent autant à la
voile qu’à la rame. Nul obstacle n’est susceptible de leur barrer la route. Les
roitelets carolingiens préfèrent souvent payer un lourd tribut, le
« Danegeld », pour se débarrasser de ces indésirables. Un vrai pays
où coulent le lait et le miel où ils n’ont même plus besoin de se battre et
piller !
En 862, Charles le Chauve ordonne la construction de camps
et de ponts fortifiés sur la Seine et la Loire mais l’incapacité du pouvoir
royal à défendre territoire et population mine son autorité. Des évêques et des
abbés prennent la décision de fortifier eux-mêmes leurs propriétés. Cela
devient un reflexe : on se cache dans un « castrum », une
enceinte fortifiée, et l’on attend que les ennemis lèvent le camp. Cela les
ralentit mais ne les arrête nullement. L’éloignement du roi et l’absence de
réaction efficace permet aux grands seigneurs comme Baudouin Ier de confisquer
le pouvoir localement pour créer les futures grandes principautés. De Bourbourg
à Burg-op-Schouwen, en Zélande, se construit une chaine de villes fortifiées
sensée empêcher le déferlement normand. Ces bourgs, sont des enceintes
simples : un fossé circulaire et un rempart en bois. Parfois, ces défenses
sont complétées par la nature avec les marais… comme à Bourbourg, le
« Bourg » dans le « Brouck »… mais avec un roi aux pouvoirs
amoindris, cette initiative doit très certainement être mise au compte des
seigneurs locaux. Malgré les attaques normandes, certaines villes résistent
vaillamment comme Cassel en 890-891. D’autres comme Bergues ou Furnes ont moins
de chance. Dans ces villes, les traces de la première enceinte se discernent
souvent sur les plans : le noyau des villes est circonscrit par une rue
circulaire qui a remplacé l’ancien rempart comme à Bergues ou à Middelburg en
Zélande.
Changement de méthode
Les conquêtes normandes deviennent plus difficiles, les
populations locales plus hardies, moins faciles à rançonner, qu’importe !
Ils se tournent vers l’embouchure de la Seine et Paris, devant laquelle ils
mettent le siège de 885 à 887. Leurs entreprises prennent fin avec le traité de
Saint-Clair-sur-Epte conclu entre Charles III le Simple et Rollon, un chef
viking, en 911. En échange du Duché de Normandie, il doit barrer la voie vers
Paris à ses anciens compatriotes… Les Normands ne reviennent plus en Flandre.
Bergues, Bourbourg et Furnes, pour ne citer qu’elles, continuent de grandir
dans une paix relative, construisent de nouveaux remparts et renforcent leur
pouvoir au point de devenir vite les sièges de châtellenies, cumulent tous les
pouvoirs féodaux. Quant au Normands, leur destinée est ailleurs : à Kiev et
à Moscou où ils fournissent des troupes d’élite, dans le monde arabe où ils
font du commerce et en Angleterre où un descendant de Rollon devient roi en
1066 à la suite de la bataille d’Hastings ou encore en Flandre où nombre de
comtes sont issus de sa descendance mais çà, c’est une autre histoire !
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