lundi 18 mai 2015

quand Pierre Mauroy évoquait Vauban



Lille et l’œuvre de Vauban
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Extrait de Vauban et Lille, conférence de M. Pierre Mauroy, Lille, 4 octobre 1987

Nous avons quitté l’homme Vauban, abandonné par ceux pour lesquels il travaillait avec tant d’ardeur. Les graines qu’il a semées germeront au fil du siècle et du règne suivants avec la philosophie des lumières.
 
Reste, concrètement, l’œuvre monumentale du bâtisseur. Reste, tout d’abord, cette ville de Lille qui doit tant à Vauban.
 
La tâche qui lui avait été confiée consistait non seulement à conserver la ville au royaume, mais aussi à faire de Lille une ville française. Nommé gouverneur de la citadelle par décision du roi le 3 juin 1668, il se démet de cette charge en décembre 1680 pour devenir gouverneur de Douai.
 
En janvier 1684, il entre à nouveau en possession du gouvernement de la citadelle de Lille et ce, jusqu’à sa mort.
 
Ces 35 années de gouvernement de Vauban ont joué un rôle décisif dans la « francisation » de Lille. Lorsqu’il prend ses fonctions en 1667, Vauban note le peu d’affection pour la France dont témoignent les habitants. Pour en faire de bons sujets, il lui faut gagner leurs bonnes grâces. Les Lillois, comme tout à chacun, détestent les occupants. Il importe donc de ne pas se comporter en conquérants. Il est d’autant plus important de bien traiter la population que c’est ainsi qu’agissaient les Espagnols.
 
Vauban juge, que par leur nature et leurs mœurs, les Lillois devraient mieux s’accorder aux Français qu’aux Espagnols. L’important est d’éviter de les heurter ou de les léser. Il veille donc à faire respecter l’engagement de Louis XIV, qui a promis, lors de la capitulation, de sauvegarder les institutions locales. Pour faciliter le rapprochement, il insiste pour que les officiers français puissent épouser des Lilloises. Il intervient pour conserver les milices bourgeoises des quatre serments, supprimées par Louvois et reconstituées, à sa demande, en 1685. Il les juge utiles à la défense de la ville. Elles le furent effectivement en 1708. 
 
Passée du statut de carrefour à celui de frontière, Lille voit sa vie bouleversée. Vauban en a clairement conscience. Il constate que la ville est à présent coupée de ses habituels circuits commerciaux. Aussi cherche-t-il à orienter les échanges vers la France afin d’attacher la bourgeoisie au royaume.
 
De fait, après la conquête, l’économie va mal. Les ouvriers subissent un chômage et une misère accentués par le renchérissement des céréales. La mendicité augmente. Elle doit être réprimée jusqu’à son interdiction en 1708. On enferme alors les mendiants à la caserne d’Anjou.
 
Avec la misère, se multiplient les problèmes sanitaires : les fièvres constantes, la peste en 1710. Le sol marécageux de la ville, l’eau qui croupit dans les fossés, tout est malsain.
 
Les Français s’attaquent à l’insalubrité en instaurant le balayage municipal, en 1668, et l’arrosage des rues en été. Des rues où il est désormais interdit de jeter les ordures. En 1703, on entame la couverture du canal des jésuites. Vauban se heurte à une autre difficulté, une autre contradiction. Pour s’attacher une bourgeoisie aisée et cultivée, il ne faut pas la surcharger d’impôts. Or les travaux de l’enceinte coûtent chers. En outre, les travaux ont entraîné des expropriations. L’intendant fixe certes des indemnités, mais les fonds ne sont débloqués que tardivement. L’administration française coûte cher. L’intendant et son subdélégué, payés par le roi, exigent du Magistrat de Lille toujours plus d’argent.
 
C’est que le gouverneur général de la Flandre et gouverneur de Lille vit fastueusement aux frais de la ville, des baillis et des Etats. A ces dépenses administratives s’ajoute l’entretien des troupes. Le roi ne finance que la Citadelle.
 
Les institutions locales sont maintenues, en apparence au moins. La promesse du roi est ainsi respectée.
 
Le Marquis d’Humières, puis le Marquis de Boufflers, servent, comme gouverneurs, d’intermédiaires entre le roi d’une part, la ville, les Flandres et la noblesse dont ils sont la tête, de l’autre. La noblesse joue un rôle important. Elle était peu nombreuse jusqu’en 1667. Le roi en élargit les rangs en créant 500 chevaliers en 1696 et 200 en 1702.
 
C’est, aux yeux de Louis XIV un bon moyen de susciter des fidélités. L’autre technique consiste à octroyer des charges. Vauban aurait voulu que beaucoup d’entre elles aillent à des gens du cru. Il ne cesse d’appuyer en ce sens. De fait, lors du siège de 1708, les habitants sont restés loyaux, en dépit de la misère et des bombardements.
 
L’administration est une chose, les mœurs en sont une autre. Introduire les modes françaises, c’était le rôle des gentilshommes, des intendants, des gouverneurs, bref de tous ceux qui animent la vie mondaine. Certaines modes, comme la « galanterie » française, sont vite adoptées. La réciproque est vraie. Lille donne à la France, en 1698, l’exemple du « café » à la mode hollandaise, où l’on déguste café, thé et chocolat.
 
Le faste impose plus facilement les modes. Aussi les entrées des grands à Lille sont-elles toujours soignées. Celles des gouverneurs, si on en croit la Marquise de Sévigné, se résument par « du bruit, des trompettes, des violons, un air de royauté ».
 
Les entrées royales sont, bien évidemment, plus fastueuses encore. Le roi vient à Lille, en 1670, en compagnie de la reine, de Mme de La Vallière et de Madame de Montespan. Il y reviendra encore trois fois. A chaque visite, fêtes, spectacles, feux d’artifices se conjuguent.
 
Vauban se préoccupe aussi de l’aménagement. Il lui importe de favoriser la croissance de la ville et de créer des quartiers plus aérés.
 
En 1678, l’évêque de Tournai constate d’ailleurs que « Lille a crû en opulence, en grandeur et en population, au point de n’être surpassée que par bien peu de cités. »



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