« Ce mémoire a été fait
lorsque l’on eut l’intention de reprendre cette ville, peu après 1712, par M.
De Valory, directeur des fortifications, Lieutenans Général des Armées du Roy,
Gouverneur du Quesnoy.
Le cotté de la porte Notre-Dame,
entre l’ouvrage à corne, à droite, et la ligne qui soutient l’inondation à
gauche, est un des fronts de cette fortification dont le rempart est le plus
découvert, et le moins garni de dehors, n’y ayant que la demi-lune qui couvre
la porte, et une fort petite demi-lune, à l’extrémité de la branche gauche
dudit ouvrage à corne, en le regardans par le dehors.
Le rempart de tout ce front est
mauvais, peu flanqué, et n’a point de capacité : tout ce qui peut le
protéger est le revers qu’il reçoit de la branche gauche dudit ouvrage à corne
et celui de la partie de la digue qui vient appuyer au apuier au chemin couvert
de la place à gauche de la demy lune, et qui se termine par une petite écluse,
qui jette les eaux de la haute Deûle dans le fossé de la place, et qui se
communique jusqu’à la porte de Fives.
Cette eau du fossé est soutenue
par un batardeau appelé le batardeau des Jésuites, traversant au milieu de la
Courtine, et par un autre batardeau au bout de la face gauche d’une petite demy
lune dans l’interieure de la digue, environnée d’un chemin couvert assez
mauvais qu’on apelle la petite inondation, continue dans les prairies basses,
entre la digue et le chemin couvert ; on peut laisser les eaux du fossé du
front de la porte Notre-Dame de 5 pieds de hauteur en se rendant maistre du
chemin couvert de lad ; demy lune, par l’ouverture qu’on fairoit au bout
du batardeau qui soutient les eaux de toute cette partie de fossé de place, jusqu’au
batardeau des Hibernois.
Cette attaque seroit préférable à
toute autre, suposé que l’inondation ne fut pas formée plus haute qu’il ne
l’étoit, quand les ennemis ont fait le siège de Lille, mais s’ils prennent le
parti de fermer leur écluse, pendant l’hiver ou au commencement du mois de
mars, prenons les précautions n écessaires pour n’avoir pas besoin des
moulins à eaux dans la ville, dont l’usage consomme beaucoup d’eau. Il ne faut
pas douter qu’en six semaines au plus ils ne lèvent l’inondation au dehors de
la grande digue dans toute sa hauteur, qui seroit de 3 à 4 pieds plus haut
qu’elle ne l’étoit lorsqu’ils ont fait le siège, ce qu’on n’avoit pu executer
parce qu’on si étoit pris trop tard, que les eaux n’etoient pas abondantes, que
pendans la deffense on a été obligé de les lascher frequamment ; moyennant
cette inondation dans la plénitude de ce côté d’attaque seroit impraticable,
parce que les eaux rempliroient tout lespace de terrein entre la branche droite
de l’ouvrage à corne, dont il a été parlé, et la porte de Notre-Dame, et il est
à remarquer que, quand les eaux sont descendues dans les parties basses de
cette teste, on ne peut plus les laisser, quand même on entrependroit le
travaille de les en vouloir tirer en faisant une coupure dans les terres du
coté de la redoute de Canteleu pour jetter les eaux dans la Basse Deûle, qui
est un ouvrage long et pénible, et que les ennemis n’ont point entrepris,
quoiqu’ils fussent informés de cette possibilité.
Si le front de la porte
Notre-Dame se trouvoit d’un trop difficile accès, par les raisons de
l’inondation, comme on vient de l’expliquer, on pouroit attaquer l’ouvrage à
corne, à la droite de cette porte ; le terrein qui lui est oposé est fort
élevé, les approches en sont faciles, et l’on peut battre en même tems tout le
rempart jusqu’au pied de cet ouvrage jusqu’à la demy lune de la porte
Notre-Dame, et après s’estre rendu maître de cet ouvrage à corne dont le fossé
n’est point revestu, et assez étroit, mettre en breèche la face gauche du
bastion qui lui est oposé, qui ne se trouveroit plus deffendue par la partie du
rempart, qu’on auroit ruiné comme on la dit cy dessus.
Les difficultés de cette attaque
sont les revers de canon qui se peuvent placer sur la grande digue qu’on auroit
peine à éviter, et le passage du fossé de corps de la place qui est large et
assez profond, dans cette endroit, et dont on ne peut tirer les eaux, mais avec
le tems et le travail on ne laisse pas de surmonter tous les obstacles.
Le costé de la porte de Fives est
encor une attaque possible, néanmoins la contregarde de terre qu’on a fait au
devant du bastion de cette teste, le protege puissament ; il faut s’en
rendre maître, et y placer interieurement du canon, pour pouvoir battre en
brèche le bastion qui se trouve un retranchement naturel dans sa gorge par une
vieille enceinte de la fortification, qui subsistoit lorsque Sa Majesté fit le
siège de Lille, le front de l’attaque est petit et par conséquent facile à
deffendre par une garnison nombreuse, cela n’empecheroit pas qu’on n’en vint à
bout, si l’on étoit forcé de prendre ce party.
Le front de la porte
Saint-Maurice est encore un coté d’ataque très accessible, le terrain qui lui
est contigu est for élevé, et découvre le rempart jusqu’à l’eau, dont
l’intérieur est etroit et mal terrassé. Le centre de ces deux bastions est
rempli, celui de la gauche d’un fort gros corps de casernes, et celui de la
droite d’un cavalier qui n’a jamais été bien achevé et qui est plus nuisible
qu’util, en cet endroit, la demy lune qui couvre la porte, est d’une petite
capacité, le fossé de ce côté de poligone est assez profond et ne se peut
laisser que par le batardeau qui est au bastion de la droite de l’attaque des
ennemis ; ainsi on ne pouroit profiter de cet expédient, mais avec des
fascines en nombre, il n’y a point de fossé qu’on ne passe quant les deffenses
sont ruinées.
Le circuit du reste de la place à
droite de la porte Saint-Maurice jusqu’à la basse Deûle, et dans la basse Deûle
à la porte de Saint-André, sont des parties plus régulièrement fortifiées,
quoiqu’avec des deffauts, mais qu’il ne seroit pas conseillable d’attaquer
préférablement aux autres endroits, dont il a été parlé, d’autant plus que les
raisons qui ont déterminé les ennemis sur le choix de leur ataque, par rapport
à Menin d’où ils tiroient leurs munitions, sont les mêmes qu’on auroit pour
estre plus à portée de recevoir celle qu’on auroit à tirer de Tournay et de
Douay, si l’inondation de la haute Deûle n’estoit pas portée dans son
élévation, et qu’on put semparer de la grande digue et s’y établir ; on
croit que l’ataque de la porte Notre-Dame seroit préférable aux autres, sy au
contraire dette partie se rendoit inaccessible, on juge qu’il conviendroit de
s’attacher à la porte Saint-Maurice sy les ennemis ne font rien sur ce front
pour en augmenter puissament la deffence, comme de leurs deux contregardes pour
couvrir entierement les deux bastions de
ce poligone, auquel l’ataque que la porte de Fives ou celle de l’ouvrage à
corne à droite de la porte Notre-Dame, seroient préférable et à peu près de la
même deffence ; on croit qu’il est à prppos de dire que pour ne le point
mécontenter sur le tems de la durée du siège de Lille, il pouroit aller à 35 ou
40 jours de tranchée ouverte, et à peu près le même tems pour la réduction de
la citadelle, suposé que l’on ne manque de rien et que l’artillerie soit assez
nombreuse et bien servie pour diligenter la besogne comme il faut en pareilles
occasions. »
In Bulletin de la Commission Historique du département du
Nord, tome XXXIII, Lille, 1930
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