La culture varie peu dans les arrondissements de la Flandre
française (Hazebrouck et Dunkerque) : des pâturages, du blé, du lin et du
houblon. Les houblonnières avec leurs longues perches de sapin, autour
desquelles grimpe et s'enroule le précieux arbuste, sont d'un effet
pittoresque. C'est un produit sûr et très avantageux. Un hectare d'une
houblonnière en plein rapport peut produire jusqu'à 8,000 francs par an; mais,
disait le Père Albéric, l'économe-fermier de la Trappe du Mont-des-Cats, il
faut bien compter par hectare 3.000 francs de frais de culture et d'entretien.
Les houblonnières durent sept ans; la seconde et la troisième année sont les
plus productives. J'ignore si les houblons ont mal réussi ces années dernières,
mais, pour être sincère, il nous faut dire que la bière de Flandre est, pour le
Français non habitué, le plus désagréable des breuvages. Tel n'est point l'avis
des indigènes: la fleur du houblon joue un grand rôle dans leur vie et dans
leur alimentation. Il ne s'agit partout que de pinte de bière el de pipe de tabac. Le hasard nous a fait assister,
par une fenêtre grande ouverte, aux délibérations d'un conseil municipal de
village. Ils étaient là douze, assis autour d'une table, couverte de pintes énormes,
et fumaient; l'un des buveurs, tenant son verre à la main, expliquait
méthodiquement sa pensée en pur flamand, sans éclat et sans geste. Ses
collègues l'écoutaient en silence, et je ne sais pourquoi ma pensée se reporta
à certaines délibérations tumultueuses, stériles et vraiment honteuses
auxquelles j'avais eu la douleur peu de jours auparavant d'assister.
Puisque j'ai cité la Trappe du Mont-des-Cats, il faut bien
vous dire quelques mots de ce monastère, bâti sur une petite montagne, à
quelques kilomètres de Cassel, sur les confins extrêmes de Belgique. Le couvent
date seulement de l'année 1825, il a été édifié sur les ruines d'une ancienne
abbaye. A l'époque où les religieux s'y établirent, cette colline abrupte était
fort mal cultivée: aujourd'hui, grâce à la laborieuse activité des trappistes,
les coteaux sont en plein rapport, et nous avons visité avec grand intérêt les
bâtiments de la ferme, les salles, les cellules et la chapelle du monastère.
Nous nous sommes trouvé bien vite en pays de connaissance avec les bons Pères,
et j'ai pu donner de visu au révérend abbé des détails circonstanciés sur les
splendeurs agricoles et sur la prospérité du grand monastère des trappistes de
Staoueli, situé près d'Alger.
"Lettres flamandes : Cassel, Bergues, Saint-Winoc, Dunkerque,
Ypres, Oxelaere" d'Henry d'Ideville (1830-1887) , Éditeur : impr. de A. Pougin (Paris), 1876, 27 pages
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