Les Pays-Bas Français, zone frontière et zone de guerre n'échappait pas à la règle...
In F. DALLEMAGNE – Les
casernes françaises – éditions Picard, Paris, 1990, 240 pages, pp 27-32
« La toute première armée remonte à Charles V, « inventeur »
des compagnies ou lances royales. Leurs chefs, les capitaines « ordonnés »,
recrutent et instruisent leurs troupes. Ils organisent la défense de la place
ou de la province dont ils ont la charge. Le logement de cette force, grosse de
800 hommes seulement, dispersée dans une grande partie du royaume ne pose à l’évidence
aucun problème.
C’est surtout avec son petit-fils Charles VII que prend vraiment
corps l’armée royale (ordonnance du 2 novembre 1439) dont une grande partie,
qui n’est plus licenciée après les combats, s’articule autour des compagnies d’ordonnance,
c’est-à-dire de la cavalerie. Une compagnie compte alors 600 cavaliers regroupant
100 hommes d’armes ou lances, entourés chacun d’un page, de trois archers et d’un
coustillier. L’artillerie, créée à cette époque, est à l’origine des premières
constructions militaires spécialisées : poudrières, ateliers de fonderie,
arsenaux, etc.
Une cohabitation difficile
Une partie de l’armée royale est certes hébergée dans les
réduits des places fortes, mais pour l’essentiel, la troupe loge chez l’habitant
où depuis le Moyen Âge les bandes armées ont reçu l’autorisation par
ordonnances royales de s’installer, vivant en « appentis » sur le pays.
Cette formule, qui ne coûte rien au pouvoir royal, restera la règle dans la
majorité des cas jusqu’au XVIIIe siècle – en réalité, elle restera en vigueur
jusqu’en 1877, date à laquelle l’assiette du stationnement des troupes devient
définitive.
La cohabitation forcée du civil et du militaire ne favorise
pas, on l’imagine, l’établissement de rapports harmonieux entre l’hôte et l’occupant.
D’autant plus que ce dernier se comporte en général plutôt comme en pays
conquis. C’est pourquoi l’essentiel de la réglementation concernant le logement
des hommes de guerre, édictée par les rois de France pendant cette période,
vise à mettre de l’ordre dans l’application de cet impôt en nature et à
réglementer la conduite des militaires.
Charles VII, « pour prévenir les graves inconvénients
résultats des grandes pilleries des gens de guerre », leur impose de loger
dans les villes (ordonnance de Troyes de février 1440 – NB : cette
ordonnance ne sera en fait jamais appliquée). Ainsi le plat pays, où le paysan
est sans défense et où la discipline est plus difficile à maintenir, est en
principe interdit à la troupe. Face à
cette menace, les villes ou du moins leurs habitants les mieux placés, vont s’efforcer
de trouver de bonnes raisons de se faire exempter. Par exemple, sous Charles
IX, l’ordonnance de 1574 prévoit dans le détail la liste des catégories de privilégiés
exemptés de loger les hommes de guerre : presbytères, maisons
seigneuriales, notaires et secrétaires de la maison et de la couronne de France,
maisons des officiers de la cour « avec aucune hostellerie d’icelles
villes et bourgades qui seront pour loger allans et venans ».
Sous Louis XII (édit du 15 janvier 1514), il est déclaré que
« l’hôte et l’hôtesse ne pourront être délogés de la chambre où ils auront
accoutumés de coucher. »
Sous Henri IV (ordonnance du 3 novembre 1590 faite par le
roi en son armée), il est défendu « à toutes gens de guerre de rançonner,
battre ou offenser en quelque sorte et manière que ce soit leurs hostes et
hostesses et d’allumer des feux dans les maisons où ils logent. »
Le logement en garnison
A partir de Louis XI, la réglementation distingue le
logement en garnison pour le stationnement de longue durée, en particulier pour
les quartiers d’hiver, et le gîte d’étape pour les troupes en déplacement. La
distribution des garnisons d’hivernage – soit cent cinquante jours, du 1er
novembre au 1er avril – fait l’objet d’une ordonnance royale rendue
chaque année en octobre. Les régiments sont autant que possible logés en entier
dans une même agglomération. L’habitude s’est prise peu à peu de loger l’infanterie
en hiver près des frontières ou des contrées nouvellement conquises et la
cavalerie, dont les déplacements sont plus rapides, à l’intérieur du royaume.
Sous Louis XII, le royaume sera découpé en quatre zones de garnisons
correspondant à ce qu’on appellerait aujourd’hui les régions militaires :
Guyenne, Picardie, Bourgogne et Provence.
L’ordonnance de Montils-les-Tours d’avril 1467 prévoit, pour
les garnisons le logement obligatoirement dans les villes. La lance est logée
dans une chambre avec cheminée. La garnison dispose d’une écurie pour 6 chevaux
et d’une remise pour y stocker trois mois de vivres et de fourrage. La chambre
sert alors à toutes les activités domestiques : préparation et
consommation des repas, repos, nettoyage et entretien des effets, blanchissage
du linge, etc. Le cantonnement des troupes en général se présente très dispersé
pour répartir la charge de l’impôt sur le plus possible d’habitants. Les
besoins en fourrage pour la cavalerie contribuent également à cet
éparpillement.
Le gîte d’étape
Dans les gîtes d’étape, le logement, plus sommaire, est dû
pour une seule nuit. Peu à peu les déplacements des troupes sont codifiés. En
1564, par exemple, le roi interdit à la troupe de loger à moins de quatre lieues
de Paris.
Les villes d’étape, espacées de deux lieues, sont désignées
à l’avance. Elles figurent dans des tableaux d’étape remis périodiquement à
jour. Les itinéraires de déplacement sont également prédéterminés. Les
mouvements doivent être annoncés à l’avance et les fourriers précèdent la
troupe de vingt-quatre heures pour reconnaître les logements et les marquer à
la craie jaune – la craie blanche est réservée pour le logement du roi et sa
suite « sous peine d’avoir le poing coupé » (ordonnance du 3 octobre
1590). Le soldat ne peut y entrer que sur présentation d’un billet appelé
étiquette.
En temps de guerre, pendant toute la durée de la campagne,
les troupes sont obligées de camper. En dehors du bivouac, qui correspond à une
forme très éphémère de stationnement, dans des granges ou à la belle étoile, l’organisation
des campements, ou castramétation, découle de l’ordre de bataille que le
commandant en chef souhaite donner à ses troupes pour sa manœuvre. Jusqu’à la
fin du XVIe siècle, les officiers seuls sont logés sous tente, la troupe s’abrite
sous des huttes en branchages de deux à trois hommes. La première tente
réglementaire, ou canonnière, date de 1679, avec deux modèles, l’un pour l’infanterie
(six hommes) et l’autre pour la cavalerie (même capacité mais légèrement plus
grande pour y mettre à couvert les équipements).
A l’entrée dans une garnison ou une ville d’étape, le
régiment défile en ville au son des tambourins, suivi de l’habituel cortège des
vivandières, mercantis et autres vivant « sous l’aveu des gens de guerre ».
Les logements sont alors tirés au sort entre les soldats et les étiquettes
distribuées.
La relative dispersion des soldats dans la ville présente l’inconvénient
de nuire à la discipline et à l’efficacité de la troupe dont les rassemblements
– surtout en cas d’alerte – n’ont pas la promptitude qui caractérise
habituellement ce genre d’activité. Aussi les bourgeois, pour préserver leur
quiétude, et les officiers, pour tenir la bride courte à leurs hommes,
tombèrent-ils d’accord pour réserver à la troupe un quartier de la ville. On
appelait cela « cantonner les troupes » ou « les mettre en
quartiers », expressions passées depuis définitivement dans le vocabulaire
militaire.
Les premières casernes
Les maisons bourgeoises, conçues pour une population peu
nombreuse, sont inadaptées et les soldats y vivent dans une promiscuité et une insalubrité peu propice à les
conserver en état de combattre. On comprend donc qu’une telle situation ne
pouvait pas durer. Peu à peu les villes se mirent à transformer tant bien que
mal des granges et des bâtiments. Plus tard elles envisageront de construire
des bâtiments spéciaux pour la troupe. L’édification des casernes dans les
villes se fera à l’initiative des bourgeois qui se débarrasseront alors de l’impôt
du logement et des nombreux inconvénients que celui-ci entraînait. Dans les
places fortes, c’est le pouvoir royal qui en aura le monopole.
Les premières casernes ont pour modèle la maison civile, qui
présente l’avantage de faciliter l’isolement et l’indépendance de la compagnie.
Dans la Science des ingénieurs…
Bélidor propose encore, au XVIIIe siècle, à côté du plan d’un demi-canton de
dix maisons de bourgeois, le croquis de maisons destinées à servir de caserne
et de pavillon d’officiers.
Ainsi ces premières casernes sont constituées de petites
maisons accolées possédant chacune leur escalier desservant en général deux
pièces à l’étage. Les pièces du rez-de-chaussée ouvrent directement sur la rue
et servent indifféremment de chambre ou d’écurie : leur sol est pavé et chaque
pièce est équipée d’une cheminée et d’une mangeoire.
A l’étage, qui n’est souvent qu’un vaste grenier, les
chambres sont pourvues d’une cheminée pour la cuisson des aliments. Les escaliers,
en général, d’une seule volée sont raides et étroits. Les hommes couchent alors
dans des lits à deux places pour trois hommes, simple couchette de bois
recouverte d’une paillasse d’où son appellation de couchette chaude. Il est
admis, surtout dans les places de guerre, que le tiers des effectifs est soit
de garde ou de corvée, soit absent.
L’armée royale est encore équipée sommairement et les
dépendances nécessaires au stockage et à l’entretien des impedimenta peu nombreuses. En dehors des soins à apporter aux
chevaux, qui demandent un peu de place pour le stockage de fourrage et des
harnachements, et une forge pour le ferrage, il n’est besoin pour le soldat
lui-même que de quelques magasins à vivres et de latrines. Les soins d’hygiène
sont encore d’une étonnante rusticité et l’uniforme est mal défini, pour ne pas
dire inexistant. Quant à l’armement, qui commence à se diversifier sous Louis
XII et François Ier, il tient encore su peu de place que son rangement s’effectue
directement dans les chambres. Seule l’artillerie a donné naissance aux
arsenaux, où se fabriquent canons, poudres et projectiles.
La caserne de cette époque n’est donc rien de plus qu’une
simple somme de « maisons de compagnies », formant soit des bâtiments
simples, soit des bâtiments doubles (deux bâtiments simples dos à dos) suivant
la place dont on dispose et l’effectif à loger.
La plus ancienne caserne de France sur laquelle on possède
quelques renseignements daterait de 1593. Edifiée par Lesdiguières, elle
constituait le réduit de la citadelle de Grenoble et se composait de deux
bâtiments : l’un en partie simple, avec des chambres de 10,80 m de
profondeur, et double sur l’autre partie avec des chambres de 4 à 6 m de
profondeur. L’autre est double sur toute sa longueur avec des chambres de 5,85
m de profondeur (Archives, DTG de Grenoble).
Les casernes espagnoles
Les Espagnols qui occupent à cette époque de nombreuses
villes de garnison dans les places fortes de garnison dans les places fortes du
Roussillon et des Flandres ont construit d’importantes casernes qui devinrent
françaises sous Louis XIV. Il s’agit souvent de bâtiments isolés, simples ou
doubles, à la manière des casernes françaises, comme dans les places de Montmédy,
Lille, Port-Vendres ou Valenciennes. Dans la plupart des cas ces casernes ont
un simple rez-de-chaussée, le plus souvent surmonté d’un étage ou d’un comble
mansardé avec des chambres, en général petites, de l’ordre de 20 à 25 m².
Parfois, comme à Givet, les chambres sont vastes de 50 à 80 m².
Il peut s’agir aussi de bâtiments plus élaborés, comme la
caserne de cavalerie de Saint-Pierre à Cambrai, constituée d’un immense corps
de 100 m de long, comportant une écurie voûtée au rez-de-chaussée surmontée de chambres
reliées entre elles par un corridor ; ou celle du Carré de Paille,
également à Cambrai, vaste ensemble monumental articulé autour d’une cour de
service, comprenant un rez-de-chaussée à écuries transversales, un étage à
plancher maçonné sur des poutres en bois organisé en vastes chambres de 15 m de
longueur et un comble mansardé. … »
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