Difficile d’évoquer la Poche de Dunkerque sans parler de
l’Amiral Frisius. Si les assiégeants eurent tant de mal à prendre la ville,
c’est avant tout en raison de son opiniâtreté.
Fils de pasteur, né en 1895, Friedrich
Frisius est un homme soucieux de sa famille, qui a le culte des fleurs et de la
Grande musique… On semble loin du chef rigide et strict que l’on dépeint après
l’avoir vu à l’œuvre dans la Poche de Dunkerque.
Frisius, au centre de la photo (col Chazette)
Une carrière exemplaire
A peine bachelier, il s’engage dans la Marine Impériale,
l’arme d’élite d’alors en 1913. Sa carrière à la mer lui vaut un avancement
rapide. Décoré de la Croix de fer quelques jours avant l’armistice, il grimpe
rapidement les échelons une fois nommé Lieutenant de vaisseau en 1925. Deux ans
plus tard, il entre à l’Etat-major. On l’affecte jusqu’en 1929 à la station de Wilhelmshaven
puis il prend le commandement de la section de Contre-espionnage jusqu’en 1931,
qu’il quitte pour être l’officier de navigation du Croiseur Leipzig durant deux
ans. En 1933, le voilà nommé professeur à l’école navale de Mürwik qu’il dirige
finalement.
En 1935, alors que le IIIe Reich vote les Lois de Nuremberg,
il est nommé officier d’Etat-major au Ministère de la Guerre où il fait office
de conseiller et de chef de groupe de la section étrangère du
Contre-espionnage. La même année, il est fait Capitaine de Frégate puis il est
élevé au grade de Capitaine de Vaisseau en 1938. Il semble qu’il ne se compromette pas avec le
nazisme, il est officier de Marine avant tout ! Promotion en poche, il
rejoint immédiatement le siège de la Kriegsmarine à Hambourg.
La guerre en France
L’invasion de la France a finalement lieu en 1940. En août,
il est affecté au port de Boulogne-sur-Mer en qualité de chef de l’administration
portuaire. On le charge de s’occuper de l’approvisionnement des troupes et
regrouper les navires en vue de l’invasion de l’Angleterre. Chargé de protéger
le port, il fait ouvrir les chantiers navals et fortifier ville et havre. Début
1941, avec l’ajournement de l’opération Seelöwe, il passe commandant naval du
Pas-de-Calais. La guerre s’installe, il transforme Boulogne en camp retranché
et fait construire la base-abri des vedettes qui s’avère vite opérationnelle.
L’entrée en guerre des Etats-Unis en décembre 1941 oblige l’Allemagne à
construire le Mur de l’Atlantique. Frisius redevient commandant du Port mais
est finalement chargé de la défense côtière du détroit : c’est le front le
plus exposé, là où les Allemands imaginent le débarquement des Alliés. Depuis
juillet 1942, il détient le commandement de la Somme à Zeebrugge et reçoit le
grade de contre-amiral en décembre.
Terrible année 1944
Fin janvier-début février 1944, les Allemands tendent les
inondations défensives autour de Dunkerque, à la fin de juin, ce sont 14.000
hectares qui sont sous les eaux. Le 3 septembre Frisius rejoint Dunkerque, une
ville ruinée couverte d’herbes folles. D’emblée il s’impose comme l’unique
commandant au détriment de l’Armée de Terre. Pour lui, les troupes sont
médiocres. Il créé donc une école de formation de commandos. En octobre, après
avoir évacué la quasi totalité des civils, hormis les 571 internés civils
répartis en trois camps qui refusent de partir et les 173 vieillards de
l’hospice des Petites Sœurs des pauvres, qu’il n’a jamais utilisé comme
boucliers humains, il impose une discipline extrêmement rigoureuse à ses
hommes : sa mission est bien de tenir la « Festung Dunkirchen »
envers et contre tout. C’est en refusant toute entorse à la discipline, usant
de la justice militaire, pendant les déserteurs à l’hôtel de ville qu’il mène
son siège, tout en veillant au ravitaillement : Dunkerque devient une
vaste exploitation agricole pour nourrir hommes et bêtes et stocker des
munitions. Ayant reçu l’ordre de capituler, son honneur est sauf au matin du 9
mai quand il rend les armes. Une partie de ses hommes partent pour un camp de
transit à Ostende, les autres déminent Dunkerque, quant à lui, il est transféré
en Angleterre pour interrogatoire. Libéré en octobre 1947, il retourne en
Allemagne. En France, son dossier de criminel de guerre est vide. En 1952, il
s’installe avec sa famille au Chili et ne revient en Allemagne qu’en 1970,
craignant la prise du pouvoir par les Socialistes. Il décède sur sa terre
natale le 30 août de la même année, le dernier seigneur de Dunkerque n’est
plus…
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