Près de Gravelines, sur la route de Saint-Georges-sur-l’Aa,
se dresse une curieuse petite chapelle édifiée par des marins en 1841.
Dédiée à Sainte-Philomène, elle attire inévitablement le regard par sa forme
ronde et son toit d’ardoises, peu commun dans la région.
La chapelle, témoin
d’une totale dévotion en la sainte est comme un fanal sur la route qui mène à
mer. Le seul souci, c’est que la pauvre Philomène, la « petite sainte du
curé d’Ars » n’est plus aujourd’hui reconnue par l’Eglise.
Une découverte tardive
En 1802, des fouilles sont entreprises sous l’autorité du
Vatican dans la catacombe romaine de Priscille. L’on y découvre la sépulture
d’une jeune fille fermée par trois briques portant l’inscription « LUMENA
/ PAX TE / CUM FI ».
Les érudits jugent que deux briques ont été
interverties : ils traduisent l’épitaphe par « La Paix soit avec toi,
Philomène ». Un nom qui signifie « bien aimée ». Sur la tombe
romaine, l’inscription est entourée d’une ancre, symbole d’espérance et de
martyre, d’une palme pour le triomphe des martyres, de deux flèches, d’une
lance et d’un lys, représentation de la pureté. Il n’en faut pas plus pour
supputer que la jeune fille a été persécutée.
De là à la canoniser, il n’y a
qu’un pas ! A l’examen des restes, l’on constate que la jeune fille est
morte à l’âge de 12 ou 15 ans, que le crâne a été fracturé. La fiole de sang desséché
posée à son côté plaide en faveur de la thèse de la martyre. En 1805, ses
reliques partent à Mugnano, près de Naples, où l’un des prêtres de la paroisse
qui l’accueille rédige sa biographie en ne se fondant que sur les signes
exposés sur la tombe. Selon lui, l’enfant a été martyrisée sous Dioclétien, et
d’ajouter que vierge, elle aurait d’abord été percée de flèches, puis jetée
dans le Tibre avant d’être décapitée par le glaive.
Un récit hagiographique qui
ne repose que sur bien peu d’informations incontestables. En 1827, le pape Léon
XII offre à l’église où se trouvent les reliques les trois briques d’argiles
scellant la tombe. La dévotion envers elle se développe rapidement, à la faveur
de guérisons et autres miracles dont l’un au moins est constaté par le Pape
Grégoire XVI. Il fait mener des enquêtes et finit par autoriser le culte de la
sainte, d’abord célébrée le 10 août puis le 11 sous Léon XIII.
Sortie du calendrier en catimini…
Depuis le début du XXe siècle, la polémique fait rage dans
les milieux autorisés, mettant en cause à la fois la méthode et les
« révélations » de certains religieux à l’origine du culte. La vie de
la Sainte elle-même ne repose sur rien de vérifiable ! Une sainte
« inventée » à la façon romantique, voilà ce que pensent de plus en
plus d’historiens et de théologiens, et même si l’infaillibilité pontificale a
été engagée dans le procès en canonisation, le doute est bien trop important.
Son culte est de plus en plus sujet à caution sauf, peut-être, chez ses
paroissiens.
En 1961, l’Eglise catholique entreprend de faire le ménage dans le
martyrologe romain. C’est le moment de faire le tri entre saints, bienheureux
et autres martyres. La Sacrée Congrégation des Rites supprime la fête de
Sainte-Philomène du calendrier liturgique car les certitudes sur la sainte sont
plutôt ténues.
D’ailleurs, rien ne semble indiquer qu’elle soit le corps correspondant
à l’inscription. De plus, une brique découverte un peu plus tard change la
phrase en « filomena théou », aimée de Dieu… Plus un nom mais un
qualificatif. Le doute est d’autant plus fort que lors des inhumations, on
n’hésitait pas à bouger les restes, ni à employer les matériaux plus anciens
comme les briques qui ferment les niches où sont déposés les défunts. Pour
nombre de chercheurs, le corps de Philomène ne remonterait pas au-delà du IVe
siècle : pour les premiers chrétiens, il était de bon temps de reposer au
milieu des restes des premiers croyants, et ce même si les persécutions
s’arrêtent en 313 avec l’édit de Milan.
Si elle n’est plus officiellement fêtée, Philomène continue
de faire l’objet d’un culte fervent notamment à Naples, toujours comme sainte-patronne
du Rosaire Vivant et des enfants de Marie.
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