Auteur du plus célèbre des "manuels de marchands", composé
entre 1310 et 1340, le Florentin Pégolotti a été facteur de la compagnie des
Bardi et a occupé à Anvers de 1315 à 1317 son premier poste à l'étranger. Le
passage consacré à la Flandre est, comme pour les autres régions, l'occasion
d'accumuler toutes sortes de renseignements utiles aux marchand, commerciaux
stricto sensu mais aussi monétaires et météorologiques ...
Source : Francesco Balducci
Pegelotti - La pratica della mercature - éd Allan Evans, Cambridge (Mass.), 1936
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LA FLANDRE : c'est à savoir
Bruges, Gand, Ypres, Lille et Douai mais nous parlerons surtout de Bruges,
parce que c'est la terre où réside le plus grand nombre de marchands qui font
marchandises et change en Flandre. Les poids et mesures de Bruges, Gand, Lille,
Ypres et Douai sont identiques, sauf pour les mesures du blé, qui varient de
l'une à l'autre, mais tous les autres poids et mesures sont identiques d'un
lieu à l'autre; et il y a petites variations dans la mesure des draps, mais de
peu et petite variation.
Il y a en Flandre plusieurs
foires que l'on détaillera ci-après et en ordre, c'est à savoir:
La foire d'Ypres commence le
premier jour du carême, et le deuxième lundi de carême, on met la draperie le
matin jusqu'au mercredi suivant, tard le soir, où l'on crie le haro et on
n'explose plus de draperie; et du jour du haro au 15e jour suivant c'est le
terme du paiement de ladite foire.
La foire de Bruges comme le 8e
jour après pâques; et le 14e jour après le début, au matin, on commence à
exposer la draperie; il y a trois jours d'exposition, et après les trois jours
d'exposition, tard le soir, on crie le haro et on n'expose plus de draperie ;
et il y a ensuite un terme de 15 jours jusqu'au paiement de ladite foire.
La foire de Tourhout commence le
29 juin, et le 10 juillet au matin, on commence à exposer la draperie, le 12
juillet au soir, on crie le haro et on n'explose plus de draperie et le 27
juillet, c'est le terme du paiement de ladite foire.
La foire de Lille commence le
jour de la Notre-Dame de mi-août; et le 26 août au matin on commence à exposer
la draperie; le 28 août, tard au soir, on crie le haro et on n'expose plus de
draperie et le 12 septembre suivant c'est le terme du paiement de ladite foire.
La foire de Messines en Flandre
commence le jour de la Saint-Rémi, soir le 1er octobre, et le 12 octobre au
matin on commence à exposer la draperie; le 14 octobre, tard le soir, on crie
le haro et on n'expose plus de draperie et le 29 octobre, c'est le terme du
paiement de ladite foire.
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Bruges de Flandre. A Bruges, il
n'y a qu'un poids, la livre et l'once; la livre vaut 14 onces et 400 livres
font une charge de Bruges.
La laine se vend à Bruges au sac,
un sac entier fait 60 clous et chaque clou fait 6 livres; on compte 60 clous
pour 28 pierres de Bruges, elle se vend à tant de marcs le sac; le marc vaut 13
sous 4 deniers d'esterlins et 3 esterlins valent un gros tournois d'argent.
Le marc d'argent, au poids de
Bruges et de toute la Flandre, fait 6 onces au poids de Bruges, 21 marcs au
poids d'argent font à Bruges 16 marcs au poids d'or. Le marc d'or de Bruges et
de toute la Flandre fait 8 onces au poids d'or et c'est le même poids que le
marc de Paris.
Le poivre noir, le gingembre,
toutes les épices, grosses et légères, du Levant, la soie, le coton, en laine
et filé, se vendent à la livre, au prix de tant d'esterlins et 3 esterlins
valent un gros tournois d'argent.
Les amandes se vendent à Bruges à
la charge, c'est-à-dire les amandes émondées, et la charge fait 400 livres de
Bruges; et elles se vendent à tant de la monnaie telle que 3 livres de ladite
monnaie valent 1 livre d'esterlins et 3 esterlins un gros tournois.
La cire en pain se vend à Bruges
au poids, et un poids fait 180 livres de Bruges et se vend au prix de tant de
marcs d'argent au poids, à 31 sous 4 deniers parisis le marc, et 21 deniers
parisis valent un gros tournois d'argent.
L'huile, le vin, le miel, se
vendent à Bruges au tinel [note : le tinel est une mesure de capacité utilisée
pour les liquides], au prix de tant de réaux d'or le tinel, à 2 sous de gros
tournois le réal; et chaque tinel fait 360 lots de Bruges et de toute la
Flandre?
Le vair se vend à Bruges au
millier de nombre, à raison de 1.000 [pièces] au millier, au prix de tant de
réaux d'or le millier, le réal d'or vaut 2 gros tournois d'argent, ce qui vaut
pour toutes les marchandises.
Les peaux d'agneau pour faire les
"prene" [note : terme non identifié] et les fourrures de surcot, de
toutes sortes et d'où qu'elles viennent, se vendent à Bruges à la centaine de
nombre, à raison de 102 [pièces] à la centaine, au prix de tant de sous
d'esterlins la centaine, et 3 esterlins font un gros tournois d'argent.
Le kermès de teinture se vend à
Bruges à la centaine de livres, au prix de tant de réaux d'or la centaine. La
guède se vend à Bruges à la queue, et la queue fait 650 livres de Bruges.
L'alun se vend à la charge, qui fait 400 livres de Bruges, au prix de tant de
sous de gros tournois la charge. Le brésil [note : bois rouge qui sert
essentiellement à la teinture, couleur rouge] se vend à la centaine, au prix de
tant de réaux d'or la centaine. L'étain se vend au poids de Bruges qui fait 180
livres de Bruges. Le fromage se vend au poids de 180 livres de Bruges. Le
cuivre, la garance s'y vendent à la centaine, à 100 livres la centaine. Le
cumin et le riz se vendent à la charge, au prix de tant de sous d'esterlins la
charge. Le fer s'y vend à la centaine de livres, au prix de tant de gros
tournois la centaine. Le gras et le suif s'y vendent au poids, à 180 livres le
poids, et aux prix de tant de sous d'esterlins le poids. Les figues sèches et
les raisins secs s'y vendent au panier, comme ils arrivent d'Espagne, au prix
de tant de sous d'esterlins le panier. Le savon s'y vend à la centaine de
livres, au prix de tant de gros la centaine. Les draps qui sont importés en
Flandre [se vendent] au marc; le marc [de poids] fait 4 "fortoni" et
le "fortone" 4 lots, et le lot 7 esterlins [de poids] et demi. Les
blés, l'orge et toutes autres sortes de grains se vendent à Bruges à une mesure
qu'on appelle le "hoet" et au prix de tant de sous d'une monnaie
qu'on appelle "monnaie de paiement", 3 sous de cette monnaie valent 1
gros sous tournois d'argent, et ladite monnaie sert à acheter à Bruges la
viande et toutes autres victuailles qu'on doit acheter au détail. Une petite
monnaie noire a aussi cours à Bruges et dans toute la Flandre, qu'on appelle
"mitte", 3 deniers de "mitte" valent 5 deniers parisis
faibles. [...]
A Bruges, il y a deux très
grandes maisons, en manière de très grand palais [note : immeubles de l'italien
"palazzi"], lesquelles s'appellent "halles". Dans une
halle, on ne vend que des draps de laine entiers et elle n'ouvre que trois
jours de la semaine, le mercredi, le vendredi et le samedi. Dans l'autre halle,
on vend aussi des draps de laine entiers et à la coupe et de toutes façons
qu'on voudrait les avoir, et elle est ouverte toute la semaine [...].
Le port de mer de Bruges est à
l'Ecluse, ville du littoral où toute la marchandise se charge et se décharge
dans les nefs, cogues, galées et autres navires; laquelle ville de l'Ecluse est
distante de Bruges de trois lieues de Flandre, soit de 9 à 10 milles. Entre la
ville de l'Ecluse et la ville de Bruges se trouve une ville appelée Damme,
laquelle ville de Damme est sur une petite rivière qui va de Bruges à l'Ecluse,
par laquelle petite rivière toute la marchandise va et vient sur de petits
navires de Bruges à l'Ecluse et de l'Ecluse à Bruges, et de la ville de Damme à
la ville de Bruges, il y a une lieue de Flandre, soit 3 milles.
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