Mémoire présenté à Monsieur le Procureur de la République
près le Tribunal de première instance de Lille par la Société des Pharmaciens
du Nord de la France (1)
Lille, le 9 juin 1873
Monsieur
Par lettre en date du 7 mai 1873 vous m’avez témoigné du
désir de recevoir, des membres de la Société de Pharmacie un mémoire relatif à
la question litigieuse de la vente d’huile de foie de morue par les droguistes.
La solution de cette question intéressant tous les
pharmaciens, je les ai engagé à se réunir en séance extraordinaire afin
d’apporter à la justice les lumières de leur expérience scientifique et
pratique.
Les sections de Vervins, Soissons, Château-Thierry, Bohain,
Saint-Quentin (département de l’Aisne), de Cambrai, d’Avesnes, de Lille
(département du Nord) et d’Arras (département du Pas-de-Calais) affiliées à la
Société des Pharmaciens du Nord de la France ont répondu à mon appel et m’ont
envoyé les procès-verbaux de leurs réunions.
Les questions à l’ordre du jour étaient les suivantes :
1° L’huile de foie de morue est-elle une drogue
simple ?
2° Est-elle un médicament ou un aliment ?
3° Peut-elle être vendue par les épiciers et droguistes au
poids médicinal ?
4° Y a-t-il une distinction à établir entre huile préparée
pour usage interne et celle employée pour la corroierie ? Cette dernière
offre-t-elle des dangers quand elle est ingérée dans l’estomac ?
Il y a eu dans les réponses motivées faites à ces questions
par les Pharmaciens des différentes sections une telle concordance, qu’émanant
d’hommes compétents et instruits, elles peuvent être considérées comme
l’expression de la vérité ?
La commission de rédaction de la nouvelle édition du Codex
constituée en exécution de la loi du 21 germinal an XI, par divers arrêtés
ministériels des 11 décembre 1861, 4 janvier, 12 mars et 16 juin 1862, présidée
par M. Dumas, membre de l’Institut, définit le médicament : « Toute substance introduite dans l’économie
en vue de remédier à un état de maladie. Les médicaments sont donc des matières
pondérables. Les médicaments simples consistent en des produits naturels
empruntés aux trois règnes de la nature. La commission du codex n’a classé dans
cet ouvrage que les produits naturels reconnus ou les préparations de l’art reconnus dans la pratique actuelle comme
médicaments. Mais le pharmacien donne le titre de médicament à toute
substance inscrite au codex comme faisant partie de la matière médicale :
à tout produit simple ou composé qu’on lui demande et qu’on se propose
d’administrer pour remédier à un état de maladie. A quels signes distinguer le
médicament sincère du médicament fictif, l’aliment
pur de l’aliment médicamenteux ? Quoique la commission du codex ait dû
se poser souvent ces questions et les résoudre, le pharmacien n’a point à
débattre ces sortes d’appréciations, ni à se prononcer à leur sujet. »
Puisque la distinction a été établie par la Cour,
relativement à l’huile de foie de morue, les membres de la Société des Pharmaciens
du Nord de la France croient devoir discuter l’opinion des juges qui leur
paraît erronée.
En effet, page 59 du codex, on trouve parmi les drogues
simples ou médicaments que les pharmaciens doivent avoir nécessairement dans
leurs officines, l’huile de foie de morue.
Huile extraite du foie de la morue franche, poisson de la famille des gadoïdes.
OBSERVATION – L’huile de foie de morue est de couleur très
différente suivant le procédé qui a
servi à sa préparation. Les huiles très-brunes
qui proviennent de la décomposition plus ou moins avancée des foies et qui sont
d’une odeur et d’un goût repoussant sont par là-même peu propres à l’usage
médical. Les huiles très-blanches qui
ont été décolorées par un agent chimique sont aussi à rejeter. Les huiles blondes ou légèrement ambrées qui proviennent de la fusion des
foies récents à une chaleur inférieure à 100 degrés doivent être préférées. Un
gramme d’huile de foie de morue mélangé à trois gouttes d’acide sulfurique
concentré prend une couleur magnifique qui s’éclaircit peu à peu et passe au
rouge cerise ; plus tard le mélange devient d’un jaune noirâtre.
Voilà bien l’indication des caractères du médicament qu’on
doit choisir parmi les produits commerciaux livrés par l’industrie quand on
l’emprunte à cette source. Pour éviter les fraudes, la mauvaise qualité ou la
falsification du produit par des huiles étrangères, on fait connaître au
pharmacien un moyen d’investigation dont les résultats sont certains. C’est
bien là l’esprit de sollicitude pour les intérêts sanitaires des populations
qui a inspiré la loi de germinal an XI. Plus loin, pour les pharmaciens qui ne
veulent pas employer pour le service de leur clientèle l’huile de foie de morue
préparée en grand par l’industrie, le codex, page 342, indique la marcha à
suivre pour préparer eux-mêmes ce médicament :
« Foies de morue récents . . Q V
Débarrassez les membranes qui y adhèrent, coupez-les et
faites les chauffer au bain-marie dans une bassine étamée en remuant
continuellement jusqu’à ce que l’huile vienne à la surface. Passez alors avec
une légère expression à travers un filtre de laine. Abandonnez l’huile à
elle-même pendant quelques jours et filtrez-la au papier. L’huile ainsi obtenue
est d’une couleur légèrement ambrée. »
Si le codex prescrit les soins minutieux à apporter à la préparation
de cette huile, s’il condamne l’huile blanche décolorée par des produits
chimiques et les huiles très brunes c’est parce que ses rédacteurs, éclairés
par l’expérience thérapeutique, ont compris toute l’importance qu’il y a à
n’apporter aucune altération dans les principes constitutifs de ce médicament
héroïque et à lui conserver ainsi le maximum des propriétés sur lesquelles
compte le médecin qui en conseille l’emploi à ses malades.
Nous venons de citer le codex, demandons maintenant à
l’histoire des témoignages sur les propriétés thérapeutiques de l’huile de foie
de morue. Elle nous apprend (Traité de thérapeutique et de matière médicale de
Trousseau et Pidoux, 3e édit. Paris, 1847, t.I, page 278) que cette
huile était employée de temps immémorial parmi le peuple en Angleterre, en
Hollande, en Westphalie et sur tout le littoral du Nord de l’Allemagne dans le
traitement du rhumatisme et du rachitisme. Percival et Darbey furent, en 1790,
les premiers qui firent connaître au monde médical les résultats d’expériences
qu’ils avaient faites dans les hôpitaux. En 1822, Schenck de Liegen publia dans
le journal de Hufeland une série d’observations sur l’efficacité de l’huile de
foie de morue contre les rhumatismes chroniques et particulièrement contre la
sciatique et le lumbago. Scherer en 1825, Elberling et Reder en 1826, Bettinger
en 1827, Fehr en 1829, présentèrent de nombreuses observations sur cet
important médicament. (Traité de thérapeutique et de matière médicale de Trousseau
et Pidoux, 3e édit. Paris, 1847, t.I, page 278) Bretonneau, qui ignorait les
travaux entrepris en Allemagne sur l’huile de foie de morue, l’employa contre
le rachitisme avec un succès remarquable. Trousseau a constaté des résultats
qui ont dépassé son attente. Stapleton, Wesener, Wolkmann, Schütte ont constaté
son efficacité dans les maladies chroniques ou scrofuleuses du système osseux.
Pereira de Bordeaux prôna ses effets contre la phtisie pulmonaire.
Cependant il s’est levé une singulière controverse en
Belgique et en Allemagne entre un assez grand nombre de praticiens déniant à
l’huile de foie de morue toute propriété spéciale et accordant les mêmes vertus
thérapeutiques à l’huile de poisson retirée surtout des cétacés. Quelques
médecins ont été plus loin et ont attribué aux huiles comestibles quelconques
des propriétés curatives égales à celles de l’huile de foie de morue. Le temps
et l’expérience ont fait justice de ces aberrations et aujourd’hui l’huile de
foie de morue a évidemment pris rang parmi les substances médicamenteuses
inscrites dans notre matière médicale.
Il y a peu de temps encore (Histoire naturelle des drogues
simples, par Guibourt, tome 4, 6e édit. Paris, 1870) on trouvait
dans le commerce trois variétés d’huile de foie de poisson : l’huile blanche est celle qui se sépare la
première par le simple tassement des foies rassemblés dans une cuve et qui
forme environ la moitié de leur poids. L’huile
brune se sépare plus tard lorsque le parenchyme hépatique commence à
s’altérer. L’huile noire est obtenue
en faisant bouillir dans l’eau la matière plus ou moins putride qui a fourni
les deux huiles précédentes. Elles étaient troubles, épaisses et dégoûtantes à
boire. Aujourd’hui on les trouve tout à fait transparentes, souvent même décolorées
par quelque procédé chimique, et plus ou moins privées de leur odeur
caractéristique, ce qui peut diminuer beaucoup leurs propriétés dans
l’application médicale. En Norvège et en Russie, on opère actuellement sur les
foies de morue au moyen d’appareils à double-fond entre les parois desquels un
jet de vapeur. Les foies placés dans ces vases donnent d’abord à une douce
chaleur une huile blanche qu’on prend
la précaution de filtrer. On remue ensuite les foies et on obtient de l’huile blonde. On pousse enfin le
chauffage, ont fait bouillir pendant dix heures environ et on obtient l’huile brune. Les résidus sont en général
utilisés comme engrais.
Guibourt a trouvé à Paris, chez M. Ménier, quatre qualités
différentes d’huiles purifiées. La première est celle qui est vendue par M. de
Jongh comme véritable huile de foie de morue préparée aux îles Lofoden en
Norvège. Elle est transparente, couleur de vin de Malaga, de consistance
onctueuse, d’une odeur très forte d’huile de poisson, d’un goût supportable et
privé de rancidité. La seconde, vendue sous le nom d’huile de foie de morue brune est de couleur semblable à la
première, mais plus fluide, d’une odeur moins forte et d’un goût moins
désagréable ; c’est celle qui est le plus employée. La troisième, nommée huile blonde est à peu près de couleur
du vin de Madère, d’une odeur encore plus faible que la précédente et peut être
employée au début pour accoutumer les malades au goût de poisson. Quant à la
dernière, vendue sous le nom d’huile de
foie de morue blanche, et qui vient d’Angleterre elle est presque incolore,
d’un goût très faible et doit avoir été décolorée au moins à l’aide du charbon.
Depuis les progrès accomplis dans les sciences physiques et
naturelles, la thérapeutique s’efforce de devenir rationnelle et pour cela elle
recherche les principes immédiats ou élémentaires auxquels les médicaments
simples ou composés doivent leurs propriétés. Dans cet ordre d’idées plusieurs
chimistes, De Jongh, Girardin et Preisser, Gobley, Personne, Delattre, etc. ont
soumis à l’analyse les diverses variétés commerciales d’huiles de foie de
morue, de raie, de squale et y ont constaté la présence de métalloïdes chlore,
iode, phosphore, brome, soufre en quantité notable. Comme on a attribué à ces
métalloïdes les principales propriétés thérapeutiques de l’huile de foie de
morue, on est arrivé à préférer celle qui en contient le plus. En se fondant
sur cette base les huiles de foie de morue vierge, ambrée, blonde dont la
richesse est à peu près la même, ainsi que l’huile de foie de squale seraient
les meilleures ; cette dernière dans certains cas serait supérieure à
l’huile de foie de morue, ensuite viendrait l’huile de foie de morue brune,
puis l’huile de foie de raie et enfin l’huile de foie de morue noire ?
On a par suite, pour éviter aux malades le goût désagréable
des huiles de foie de morue, préparé des huiles végétales, iodées, phosphorées,
bromées, etc.
Quoiqu’il en soit comme on n’a aucune certitude sur
l’influence thérapeutique exercée par l’un ou l’autre des corps dont la
présence a été constatée analytiquement dans l’huile de foie de morue, comme on
ne sait au juste quel est leur état de combinaison, il est plus sage de
continuer l’emploi de l’huile naturelle dont les propriétés médicales dans des
cas morbides spéciaux ont été consacrées par le temps et l’expérience. Il est
donc parfaitement démontré par la science et l’expérience que l’huile de foie
de morue est un médicament et que jamais on ne la considérera comme huile
comestible ou alimentaire.
Un aliment en effet est ce qui nourrit. (Littré,
Dictionnaire) Dans le langage de la physiologie aliment est un terme générique
qui sert à désigner toutes les matières, quelle qu’en soit la nature, qui
servent habituellement ou peuvent servir à la nutrition. Au point de vue des
besoins qu’ils satisfont les aliments sont divisés en boissons, condiments ou
assaisonnements et aliments proprement dits composés surtout de principes
d’origine végétale ou animale.
Dans certains pays des substances employées chez nous
exclusivement comme médicaments, le comme aliments ; par exemple l’huile
de ricin en Chine, peut-être l’huile de poisson dans les régions polaires. Mais
en France personne n’emploiera ces substances comme condiments ou
assaisonnements. Leurs propriétés et leur saveur désagréable inspirent aux
malades qui sont forcés d’en faire usage, une répulsion trop générale et trop
prononcée pour qu’ils y aient recours quand ils n’y sont pas contraints par
prescription médicale. Comme drogue simple, la vente de l’huile de foie de
morue ne serait permise aux épiciers et droguistes qu’en gros, sans pouvoir la
débiter au poids médicinal. Et comme cette substance n’est employée que pour
combattre des affections chroniques, que par suite son usage doit être
longtemps prolongé, le poids médicinal serait au moins le kilogramme. Mais
comme médicament et préparation pharmaceutique (codex page 342), la vente en
est interdite à ces commerçants sous peine de 500 Fr. d’amende (art XXXIII de
la loi du 21 germinal an XI).
L’huile de foie de morue commerciale, préparée à Dunkerque
pour les besoins de la médecine, est généralement de bonne qualité et ne
renferme aucune substance nuisible à la santé. Il n’en est pas de même de celle
appelée huile du banc, préparée à
Terre-Neuve pendant la pêche : elle renferme souvent du cuivre et peut, à
cause de la présence de ce métal dont les sels et les oxydes sont vénéneux,
donner lieu à des empoisonnements chez les personnes qui en feraient usage. Si
ce médicament était vendu librement et sans garantie pour le consommateur par
des personnes incapables d’apprécier les caractères chimiques et physiques de
l’huile, les falsifications dont elle pourrait être l’objet, que deviendraient
la sécurité que la loi de germinal an XI a voulu donner à la société par les
sages prescriptions qu’elle a édictées ? Comment l’exercice de la médecine
serait-il possible si le médecin doutait de la pureté et de la bonne
préparation des médicaments sur lesquels il fonde son espérance de soulager le
malade confié à ses soins ?
Trop souvent malheureusement cette loi protectrice de la
santé publique est violée impunément par les atteintes qu’y portent les
personnes exerçant diverses professions (droguerie, épicerie, confiserie,
chocolaterie, parfumerie, liquoristerie), par les officiers de santé,
herboristes, membres des corporations religieuses, etc. pour que le corps
pharmaceutique ne proteste pas contre ces errements qui lui sont très
dommageables. Puisque la société a imposé au pharmacien des garanties
onéreuses, restrictives de sa liberté, puisqu’il a fourni ces garanties par la
preuve des connaissances scientifiques et pratiques que l’état lui a procurées
par son enseignement officiel, il est de son intérêt de revendiquer les
privilèges que la loi lui a accordés, non comme faveur spéciale mais comme
compensation des charges légales qui lui incombent dans l’intérêt de la santé
publique.
Se basant sur les considérations qui viennent d’être
exposées dans ce Mémoire, la société des Pharmaciens du Nord de la France est
unanime pour déclarer :
1e Que les médecins, qui, depuis de longues
années d’expériences thérapeutiques, ont constaté les propriétés de l’huile de
foie de morue, la prescrivent à leurs malades comme médicament pour guérir
certaines maladies spéciales ;
2e Que l’huile de foie de morue médicinale est
essentiellement différente par ses propriétés chimiques et physiques de l’huile
de poisson employée dans les arts et l’industrie ;
3e Que le codex légal l’a considéré non seulement
comme drogue simple mais encore comme préparation pharmaceutique médicinale.
Qu’à ce dernier titre, elle ne peut être vendue aux consommateurs, les malades,
par d’autres personnes que les pharmaciens sous peine de 500 Fr. d’amende.
4e Que la vente de l’huile de foie de morue par
d’autres que les pharmaciens enlèverait à la santé publique la garantie légale
à laquelle elle a droit et la compromettrait soit par les propriétés toxiques
de certaines huiles, soit par la falsification de certaines autres, soit enfin
par la mauvaise qualité d’un grand nombre.
5e Que jamais et dans aucune localité de France
l’huile de foie de morue n’a été et n’est employée comme huile comestible,
aliment proprement dit, condiment ou assaisonnement.
Agréez, etc.
Pour copie conforme : Le président, V. Meurein
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(1)
La cour d’appel de paris a dernièrement rendu le
jugement suivant parfaitement motivé, que nous croyons devoir reproduire :
« la Cour : - Sur les conclusions de Julliard et Fouquerolle, pharmaciens, parties civiles,
intervenant dans les poursuites exercées par le Ministère public contre la
femme Dieudonné ; - Considérant que l’exercice illégal de la pharmacie
porte nécessairement un dommage aux pharmaciens, puisqu’il constitue
nécessairement une usurpation des droits qui leur sont conférés par la loi ;
- Que le fait même de cette concurrence illicite leur donne un intérêt actuel
et un droit né pour obtenir la réparation du préjudice causé ; - Rejette
l’exception ; Statuant au fond : - considérant que, depuis moins de
trois ans à Paris, la femme Dieudonné a mis en vente et vendu, 1e De
l’huile de foie de morue de Norvège, de Derocque, en flacons de 275 à 600
grammes ; 2e Des dragées à l’extrait de l’huile de foie de
morue, de Derocque ; - Considérant que les dispositions légales qui
règlent l’exercice de la pharmacie ont été dictées dans le but d’opérer la
sureté dans le débit des médicaments ; - Que c’est ainsi qu’ont été
réservées exclusivement aux pharmaciens, non seulement la vente et le débit des
compositions, préparations et mixtures entrant au corps humain sous forme de
médicaments et médecine, mais encore le débit au poids médicinal des drogues
simples ; - Considérant que par ces expressions débit au poids médicinal, opposées dans l’article 33 de la loi du
21 germinal an XI, à celles de vente en
gros, on doit entendre, non les ventes aux poids indiqués dans les Dispensaires et Formulaires, mais toutes les ventes en détail des drogues ou
préparations pharmaceutiques ; - Considérant que, si l’huile extraite du
foie de morue est employée dans certaines industries, elle constitue aussi un
médicament dont il est fait usage dans le traitement de quelques
maladies ; - Que cette huile, livrée à la consommation pour un usage
médicinal, devient une drogue simple dont le débit est interdit à tous autres
qu’aux pharmaciens ; - Considérant que les dragées à l’extrait d’huile de
foie de morue, de Derocque, consistant dans une capsule renfermant un extrait
concentré de cette huile, extrait fabriqué à l’aide d’un appareil spécial,
constituent une préparation pharmaceutique qui n’est ni conforme aux Formulaires ou Codex légalement rédigés et publiés, ni achetée et rendue publique
par le gouvernement, conformément au décret du 18 août 1870, ni composée pour
chaque cas particulier sur les prescriptions du médecin ou de l’officier de
santé et constituant dès lors un remède secret ; Adoptant au surplus les
motifs des premiers juges, - Met l’appellation au néant ; - Dit que les
dommages-intérêts s’appliquent seulement au préjudice causé par la vente
d’huile de foie de morue ; - Ordonne que ce dont est appel sortira effet,
et condamne la femme Dieudonné aux dépens ; - Déclare que parties civiles
responsables des frais vis-à-vis du Trésor public, sauf leur recours contre la
femme Dieudonné. »
Les inspecteurs des pharmacies et des
épiceries, de l’arrondissement de Lille, ayant constaté que la vente de l’huile
de foie de morue médicinale se faisait par des épiciers, droguistes, marchands
de couleurs, corroyeurs, au mépris des prescriptions de la loi du 21 germinal
an XI, au préjudice des pharmaciens et de la santé publique, ont fait opérer
une saisie de cette huile chez un droguiste qui a été condamné par le tribunal
civil de première instance.
Appel de ce jugement ayant été interjeté
devant la Cour de Douai, cette dernière a infirmé le jugement du Tribunal de
Lille, se fondant parmi ses motifs, sur ce que l’huile de foie de morue est un
aliment. Le procureur général afin de fixer la jurisprudence sur cette
question, s’est pourvu en cassation contre l’arrêt de la Cour. C’est à cette occasion
que le Mémoire ci-devant a été demandé par le parquet à la Société des
Pharmaciens du Nord de la France.
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ANNEXE
A Monsieur le
Procureur de la République, près le Tribunal de première instance de Lille
Lille, le 22 juin 1873
Monsieur,
J’ai l’honneur de vous adresser copie d’une délibération
prise dernièrement par la Société de Pharmacie de Paris relativement à la vente
de l’huile de foie de morue par les épiciers et droguistes.
Je vous prie de l’annexer au mémoire que je vous ai
communiqué récemment sur le même sujet au nom de la Société que j’ai l’honneur
de présider ?
Paris, le 17 juin 1873
Monsieur le Vice-Président, (M. Gosselet, pharmacien à
Landrecies)
La Société de Pharmacie de Paris a été saisie, dans sa
dernière séance des quatre questions que vous lui avez transmises concernant la
vente de l’huile de foie de morue par les épiciers et les droguistes. Après
avoir entendu la lecture de la lettre que vous lui avez adressée, elle a
formulé son opinion comme il suit :
1e L’huile de foie de morue est une drogue
simple ;
2e Elle constitue un véritable médicament ;
3e Elle ne peut être vendue au poids médicinal,
ni par les épiciers, ni par les droguistes ;
4e Qu’il y a une distinction à établir entre
l’huile de foie de morue préparée à usage interne et celle qui est employée
pour la corroierie, la première étant obtenue par des procédés particuliers que
le Codex indique, tandis que la seconde ne représente en général qu’un produit
impur avec une odeur désagréable d’huile de poisson.
En vous transmettant cette délibération de la Société de
Pharmacie de Paris, je dois ajouter qu’elle a été prise à l’unanimité des
membres présents.
Veuillez agréer, Monsieur le Vice-Président, l’assurance de
ma considération la plus distinguée,
Ch. BUIGNET
Secrétaire général de
la Société de Pharmacie de Paris »
Veuillez remarquer, Monsieur le Procureur, que l’opinion de
nos confrères de Paris est identique à la nôtre, et à celle, je ne crains pas
de l’affirmer, de tout le corps pharmaceutique de France, ce qui lui donne une
grande autorité pour la solution de la question judiciaire pendante.
Recevez, Monsieur le Procureur, l’assurance de ma
considération très distinguée.
Le Président, V.
MEUREIN
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Imp. de E. Castiaux-Richez, grande place, 13, à Lille