Essai historique de Maurice Millon – 1969
LE FORT-LOUIS DEVENU
FORT CASTELNAU
1672-1677
I.
DUNKERQUE ET LE FORT-LOUIS
A Dunkerque l’on entend souvent parler de la rue du
Fort-Louis, du stade du Fort-Louis et de la salle des fêtes de la rue du
Fort-Louis, mais où était-donc ce Fort-Louis ? Y avait-il un Fort-Louis en
Basse Ville, comme on serait tenté de le croire ? C’est une erreur.
La rue du Fort-Louis rappelle le chemin suivi par les
soldats de la garnison de Dunkerque qui allaient relever ceux du Fort-Louis, de
nos jours appelé Fort Castelnau. Après avoir quitté la rue et la porte du
Fort-Louis, les militaires de corvée, les charrois et les relèves arrivaient
rue du Moulin, puis rue du Boërnhol et enfin au Fort, bâti sur le territoire de
Coudekerque, dans la châtellenie de Bergues.
II.
ORIGINE
Pour assurer la défense de la place fortifiée de Dunkerque
contre un ennemi venant de Cassel par Bergues, le long de la zone naturelle
d’infiltration qu’est le canal de Bergues et les routes qui le voisinent.
Vauban fit construire deux forts : le Fort-Louis sur le territoire actuel
de Coudekerque-Branche et le Fort Français sur le territoire de
Coudekerque-Village.
Ces deux forts ont remplacé des redoutes espagnoles qui
existaient déjà le long du canal de Bergues. Ils sont de forme carrée,
bastionnés aux angles, complétement entourés de fossés et d’un chemin couvert.
III.
LA CONSTRUCTION DU FORT
Vauban avait fortifié Dunkerque en un temps record grâce à
l’armée de la Brouette quand la guerre de Hollande (1672-1678) vint à éclater.
Pour renforcer les défenses du côté de la terre, pour défendre Dunkerque vers
le Sud, la construction du Fort-Louis fut rapidement menée. L’armée de la
Brouette dès 1672 s’y attaqua et on arrêta même à cette époque tous les autres
travaux pour l’achever et créer un système d’inondations qui permettait de
couvrir la place contre une attaque venue de Flandre. Dès 1677 tout était
terminé et Louvois pouvait écrire que Dunkerque était la plus belle place de
l’Europe pour la défense réalisée.
IV.
DIVERSES APPELATIONS
Le fort se dénomma successivement : Fort-Louis, Fort
Libre ou de la Liberté durant la Révolution, redevint Fort-Louis et enfin de
nos jours, il s’appelle Fort Castelnau.
A son emplacement les Espagnols avaient construit vers 1650 une redoute. C’était une sorte de
bastion gazonné, sans grande résistance aux coups de l’ennemi. Le nom de Saint
Louis était déjà donné à cette redoute espagnole. Jugeant de l’importance de la
position, les Espagnols l’avaient considérablement modifiée : c’était le
Fort Royal qui fut occupé lors de sa construction par le régiment de Mazarin
lors de la bataille des Dunes, en 1658. En 1677, en l’honneur de Louis XIV,
c’est le Fort-Louis.
Cette appellation officielle que l’on trouve sur toutes les
cartes d’époque, semble avoir été changée depuis peu, au début du XXe siècle.
La raison et la date de ce changement me sont inconnues malgré mes tenaces
recherches et mes demandes de renseignements. L’appellation Fort Castelnau se
lit sur une carte des travaux projetés à Dunkerque en 1908. Je me suis souvent
demandé si ce nom de Castelnau n’avait pas été employé par le poste de
télégraphie sans fil qui fut installé au Fort-Louis avant la guerre 1914-1918.
Dans la monographie de Coudekerque et de Coudekerque-Branche
de Léonce Baron, bibliothécaire-archiviste de la ville de Dunkerque, membre de
la Commission Historique du Nord, écrite en 1913, l’érudit historien
écrit : « Le Fort Louis est actuellement appelé Fort Castelnau du nom
du marquis de Castelnau qui contribua avec Turenne, à organiser le siège de
Dunkerque en 1658.
Le marquis Jacques de Castelnau de Mauvissière (1620-1658)
était gouverneur de Brest depuis 1648. Le 13 juin 1658, il prit, à l’aile
gauche de l’armée de Turenne, une part décisive à la victoire des Dunes. Deux
jours plus tard, alors qu’il dirigeait en personne une reconnaissance des
retranchements ennemis devant Dunkerque assiégée, il reçut une balle de
mousquet au côté. Il eut la force de se rendre à cheval à Fort-Mardyck mais sa
blessure était grave. Après 28 jours de souffrance, il succomba à Calais, le 15
juillet 1658. Il n’avait pas encore 38 ans. Par lettre du 20 juin, il avait été
nommé Maréchal de France.
V.
DESCRIPTION DU FORT
Ce bel ouvrage avait 500 mètres de long, aux angles, 4
bastions : ceux de Dunkerque et du Bernardsleet au Nord et ceux de
Coudekerque et de Bergues au sud. En avant des courtines reliant les bastions,
4 demi-lunes formaient des angles saillants vers la campagne : la
demi-lune de la Porte à l’Ouest, celle de Dunkerque au Nord, celle de la Plaine
à l’est, celle de Bergues au sud. Au centre du fort, s’élevaient de nombreuses
constructions : les casernes, le pavillon des officiers où ceux-ci
logeaient avec leurs familles, le logement du Major, celui di commandant, la
chapelle et le logement de l’aumônier, les deux magasins à poudre, les magasins
au foin, au bois, les trois citernes et à l’entrée, le logement du corps de
garde. Il y avait aussi un puits d’eau salée et un souterrain voûté à l’épreuve
des bombes. Sur le canal de Bergues, un pont de déchargement permettait de
faciliter l’entrée des marchandises. Le « Bac » pour des sorties du
fort y était amarré et enfin des éclusettes sur la rive du canal et à
l’intérieur favorisaient l’entrée de l’eau dans les fossés du fort et
l’inondation des environs en cas de conflit.
Le service religieux y était assuré par un religieux
récollet détaché du couvent de Dunkerque. De nombreuses inhumations furent
faites dans la chapelle : une vingtaine entre les années 1668 et 1711,
parmi lesquelles figurent quelques noms de gouverneurs ou de majors du
fort : « 1682 le 12 janvier est mort d’un grand mal de gorge,
Monsieur La Baronnière, nommé Jean Bovel, gouverneur commandant du fort, natif de
la ville de Memers au pays du Maine, âgé d’environ 60 ans, enterré en la
chapelle proche de ses deux enfants, en grande solennité.
1686, le 5 octobre, le sieur Nicolas de Montsalut, dit La
Ramée, major en ce fort, enterré entre l’horloge et le banc des officiers.
1689, le 7 octobre, Louis Lescuier, sieur de Cagnol de
Tully, major du fort, natif de Dareu proche Mézières, âgé de 65 ans, enterré
proche le banc de M. le Gouverneur.
1702, 31 mai, M. de Lestries, nommé Jean-Pierre de Noaille,
gouverneur commandant du fort, natif de Pamiers, au comté de Foix, âgé
d’environ 105 ans, enterré solennellement le 1er juin, en la
chapelle, proche de son prédécesseur M. la Baronnière.
1712, 5 mars, Le sieur Antoine Le Loze, seigneur d’Argente,
major de ce fort, âgé de 63 ans.
Ces documents proviennent des registres de l’Etat-Civil du
Fort Louis, conservés aux archives de la ville de Dunkerque.
Après 1712, la liste des actes est interrompue jusqu’en
1745, ce qui nous fait supposer de très mauvais jours pour le fort. En effet,
au cours des siècles, le Fort Louis a beaucoup souffert des guerres et des
ravages du temps.
VI.
LES MALHEURS DU FORT
Il fut occupé le 19 juillet 1712 par les Anglais en vertu
des préliminaires du traité de paix d’Utrecht puis en exécution des clauses de
ce traité, il fut rasé en 1714 ; seule la chapelle subsista.
Dès 1742, le fort était rétabli en terre et faisait partie
du camp retranché avec ses 4 bastions, ses quatre demi-lunes, ses courtines,
son chemin couvert et son avant-fossé. Par la suite, le camp fut supprimé et on
conserva le Fort Louis (Union Faulconnier, 1912, page 45)
Réoccupé militairement à partir de 1745, il fut amélioré en
1783 après le traité de Versailles. Le pavillon des officiers fut occupé par
les capitaines de deux compagnies d’invalides qui formaient la garnison
ordinaire de ce fort.
En 1792, devant la menace de l’armée du duc d’York, on
rétablit le parapet et le terre-plein de l’enceinte du fort. En 1793, pendant
le siège de Dunkerque, le pain manqua alors que l’ennemi était à deux pas. Le
fort fut ravitaillé par le commandant Lanoue et ses chasseurs qui réussirent à
charger une bélandre de provisions pour le fort.
Autrefois le Fort Louis était entouré de marais qui ont été
desséchés par les travaux des wateringues. « L’influence pernicieuse de
ces marais dont l’assèchement aux approches du solstice d’été donnait lieu à
tant de fièvres intermittentes, opiniâtres, décimait la population des
campagnes, celles des villes et surtout la garnison qui se trouvait enfermée
dans le fort, lui-même entouré de larges fossés » (Histoire météorologique et médicale de Dunkerque de 1850 à 1860,
par le docteur Zandyck, Mémoires Société Dunkerquoise, 7e vol, page
82). Les soldats y touchaient une prime supplémentaire.
VII.
DOCUMENTS HISTORIQUES SE RAPPORTANT AU FORT
a.
1706
Le Fort Louis eût un rôle stratégique en 1706, quand fut
établi le camp retranché autour de Dunkerque après la défaite de Ramillies en
Belgique. Ce camp de huit kilomètres de tour avec des fossés de 12 à 16 mètres
de largeur s’appuyait sur le Fort Louis et permettait en cas de prise de
Bergues d’empêcher l’ennemi d’arriver à Dunkerque ;
b.
Sous la Révolution
Les terrains du Fort Louis étaient loués à bail depuis 1787
au citoyen Jean-Baptiste Hannus, entrepreneur, loueur de voitures à
Dunes-Libres. Ce locataire avait fait planter sur les glacis du fort environ
4.000 pieds d’arbres dont 400 existaient encore en juillet 1789. Aussitôt
l’apparition de l’ennemi, les généraux trouvèrent bon de les faire abattre
« parce que leurs touffes bornoient et offusquoient la vue du fort ».
c.
1815 – Les Cent Jours – la 1ère
Restauration
Le fort était toujours occupé par l’autorité militaire.
C’est ainsi qu’en 1815, il servit de maison d’arrêt.
Un commissaire extraordinaire de police venait d’être envoyé
à Dunkerque. Il s’appelait Choudieu. C’était un fougueux terroriste.
« L’alarme fut de courte durée. Après quelques semaines
seulement du séjour inquiétant de l’ancien Jacobin de 1793, à Dunkerque,
Waterloo vint dérouler le drame sinistre où se jouaient les destinées de la
France. Choudieu fut arrêté par un audacieux coup de l’autorité municipale et
conduit au Fort Louis ; peu de jours après, il fut conduit à la Citadelle
de Lille ». (M.S.D. 1873, page 260).
d.
Guerre de 1870-71
En 1870, pendant la guerre franco-allemande, le Fort Louis
était occupé par une garnison et recevait en dépôt des armes. Les convois
étaient placés sous l’escorte de gardes mobilisés à Dunkerque.
Un curieux évènement se rattache à cette époque. Un garde
mobile qui accompagnait le convoi venant de Dunkerque se mit soudain à déclarer
hautement sa mauvaise humeur contre la guerre et joignant le geste à la parole, il, jeta sous les roues du
convoi des armes qui furent rendues inutilisables. Arrêté aussitôt, il fut jugé
par la cour martiale. C’était la peine de mort ou l’acquittement. Il fut
heureusement acquitté. S’il était passé devant un conseil de guerre, il aurait
récolté plusieurs années de travaux forcés.
LE POSTE DE TELEGRAPHIE SANS FIL
1873. Au Fort Louis est installé un bureau de télégraphie
sans fil.
1913. le poste de télégraphie sans fil installé aux
alentours du Fort Louis, près de Sept-Planètes, le long du canal de Bergues
continue de fonctionner normalement. Il communique journellement avec le poste
de la tour Eiffel et échange même des radiotélégrammes avec Alger.
e.
Guerre 1914-1918
Les marins radiotélégraphistes sont toujours installés au
fort. Les Allemands essaient de détruire Dunkerque par mer, par terre et par le
ciel. Des bombes incendiaires tombent sur le fort, le 6 janvier 1915, le 22
décembre 1917 et le 10 février 1918, 2 bombes sont lancées près du poste de
T.S.F. du Fort Castelnau.
En 1915, un détachement du 8e Régiment
territorial d’Infanterie, dont le dépôt était au Kursaal à Malo-les-Bains,
occupa une partie du fort. L’adjudant qui commandait le détachement, composa en
l’honneur de madame Lucie Lamiot, cantinière au 8e territorial, la
poésie suivante, où il est question de la T.S.F. installée au fort et du rôle
important qu’elle jouait :
La T.S.F. au Fort
Castelnau
Comme un fil de Vierge aux branches d’une haie,
L’antenne se balance entre les deux grands
mâts ;
Et dans le jour tombant qu’un chant d’oiseaux
égaye,
Son réseau frémissant brille de prompts
éclats ;
Le vieux fort qui dormait perdu dans la futaie
Semble, avec ses marins, un vaisseau ; mais
là-bas
La mer est un gazon que la brise balaye,
Où règnent cependant d’éternels calmes et plats.
C’est là que, tous les jours, un génie implacable
Après avoir tendu l’imperceptible câble
Et veillant le repos de l’azur endormi,
Dans l’immense concert où chante la nature
Surprend, sans se trahir, le rapide murmure
Des messages de mort lancés par l’ennemi.
Castelnau, 26
juin 1915
(Rimes de Plomb,
imprimerie Outteryck-Baelen, Bourbourg)
Des pompiers avaient été hébergés au Fort Louis durant la
guerre 1914-1918. Ils eurent souvent à intervenir à Dunkerque. C’est ainsi que
le 24 juillet 1916, un grave incendie s’étant déclaré rue de l’industrie, à la
filature du Nord, les pompiers alertés par le poste de guet de la Tour, ont
réussi à protéger les immeubles de la rue Saint-Bernard (Albert Sauvage), la
manutention militaire et la laiterie voisine.
VIII.
AFFECTATIONS SUCCESSIVES DU FORT
Voici un état des affectations successives du fort.
L’ouvrage a été déclassé par la loi du 27 mai 1889 et remis au service de
l’artillerie suivant procès-verbal du 25 mars1891. Suivant procès-verbal du 24
octobre 1889, les avant-fossés des glacis ont été remis au service des
Domaines. Enfin la totalité du Fort Castelnau a été affectée au département de
la marine par décret du 27 août 1925 et remis à cette administration suivant
procès-verbal du 30 octobre 1926.
Enfin, en exécution d’une décision du ministre des armées en
date du 16 juillet 1958, le fort Castelnau a été remis au domaine aux fins d’aliénation
aux termes d’un procès-verbal du 29 septembre 1960.
Il est précisé à cet égard qu’antérieurement à sa remise au
domaine, l’immeuble était occupé dans les conditions suivantes :
1.
Par M. Vernaelde Daniel à Coudekerque-Branche,
concession des pâturages des avant-fossés de 16 ha 37 a pour une redevance
annuelle de 2500 NF.
2.
Par la société de chasse « les Fervents
Nemrods » à Coudekerque-Branche, droit de chasse et de pacage.
Ces concessions sont arrivées à expiration le 31 décembre
1959 et 31 décembre 1958 et n’ont pas été renouvelées.
Entre les deux guerres, le fort fut donc affecté au service
des transmissions radioélectriques de la marine. Il servait au réseau de
commandement, émission et réception, du secteur militaire de Dunkerque, sous les
ordres du préfet maritime de Cherbourg. Les marins y avaient été installés deux
grands pylônes et de puissants émetteurs. Une dizaine de marins suffisaient
pour l’entretien et les émissions.
En 1939, la garnison est complétée, le Fort Louis est occupé
par une trentaine de marins qui avaient à leur disposition une barque. Elle
leur permettait d’aller chercher du ravitaillement ou de passer agréablement
leurs loisirs sur le canal de Bergues. Ils s’occupaient de la télégraphie sans
fil et des trois postes émetteurs et récepteurs mis à leur disposition. Les
antennes étaient de hauts pylônes de fer, visibles de très loin et placés parmi
les grands arbres qui longeaient le canal et parmi le gazon où les mamans
aimaient à se rendre durant la bonne saison. Le soir des lumières rouges
couronnaient les pylônes. Tout au début ils furent construits en bois mais en
1935, ils furent montés au fer par des marins spécialistes venus de Brest.
f.
Guerre 1939-1945
En 1940, dès le début de l’attaque allemande sur Dunkerque,
les pylônes de T.S.F. installés à proximité du fort furent l’objet de la fureur
des aviateurs ennemis, par un bombardement intense, précis d’une journée. Les
« Stukas » arrivaient sans cesse par groupes de trois. Les grands
arbres et pylônes volèrent en éclats, ainsi que les installations du fort qui
furent anéanties. Les marins durent leur salut à leur fuite précipitée. Le fort
fut nivelé comme en 1713, il restait cependant le couloir voûté de l’entrée en
triste état.
Le général Armengaud dans son livre : Le Drame de
Dunkerque nous donne des détails complémentaires sur la destruction complète du
fort.
2 juin 1940, page 295 « Sous la pression de la division
silésienne qui exploite la prise de Bergues, le fort Castelnau formera la
première ligne de combat et le premier bataillon du 48eme R.I. est dirigé sur
le fort Castelnau. Parallèlement à l’offensive de Téteghem, une puissante
attaque allemande débouche de la région de Coudekerque. Elle va trouver devant
elle, les troupes du secteur de Bergues, très éprouvées par les combats de la
veille à la suite desquels elles se sont repliées sur la ligne générale du
canal des Moëres, fort Castelnau. La bataille s’engage, le fort Castelnau
qu’occupe le 1/48 (capitaine Kerbrat) balaie l’intervalle qui sépare le pont de
Steendam du fort Castelnau de ses feux de mitrailleuses. Dans cet ouvrage que
bombardent les Stukas, le 1/48 joue un rôle capital en retardant pendant des
heures, par son feu, la progression des détachements d’attaque allemands. Le
premier bataillon du 48 R.I. se maintiendra au fort Castelnau jusqu’à 15
heures.
L’ouvrage écrasé par l’artillerie et les stukas disparait
dans une fumée qui neutralisa le feu des défenseurs. Devant la menace
d’encerclement, le capitaine Kerbrat reprit les débris de son bataillon le long
du canal, sur le cimetière de Coudekerque-Branche ».
Il était temps. Dix minutes après, un groupe de Stukas place
ses projectiles en plein sur le fort, achevant ainsi sa destruction complète.
g.
De 1939 à 1960
Après les évènements de 1939-1945, le fort est inutilisable
et inoccupé. Le tunnel d’entrée aux murs lézardés résiste toujours et donne
accès à l’intérieur du fort, à un no-mans’ land où les folles herbes cachent les ruines de
1940. Les civils viennent y chercher des champignons, les gamins y font des
excursions ou se livrent à des séances acharnées de petite guerre. C’est le
domaine des lapins de garenne et des oiseaux chanteurs.
Les terrains autour du fort sont loués par M. Daniel
Vernaelde, cultivateur rue du Boërnhol. Les vaches viennent excursionner à
l’intérieur du fort, témoins les traces de sabots, sous la voûte d’entrée.
Si le fermier voisin possède la location des terres du fort
où il fait paître son bétail, la société de chasse de Coudekerque-Branche les
« Fervents Nemrods » en a la location pour la chasse. En 1961, dans
un article paru dans la presse locale, les Fervents Nemrods rappellent qu’ils
ont loué la chasse au Fort Castelnau. Le comité annonce qu’il est dangereux de
se promener sur le terrain et qu’il est interdit de détériorer les herbages
loués à un cultivateur.
La société payait un garde-chasse chargé de la surveillance
du fort. Il faisait courageusement son devoir ; même les chercheurs de
champignons étaient invités à quitter le terrain
IX.
LE FORT CASTELNAU ET SON AVENIR
1960 – « Depuis longtemps l’idée d’utiliser le Fort
Castelnau pour aménager un jardin public était dans l’air, au conseil municipal
de Coudekerque-Branche ; elle a pris corps définitivement : la
possibilité d’acquérir l’ancien terrain militaire étant maintenant une
certitude. Les terrains qui entourent l’ouvrage seront eux-mêmes englobés dans
le projet, de sorte que ce jardin couvrira toute la partie comprise entre le
canal de Bergues et la rue du Boërnhol jusqu’au pont des Sept Planètes, soit
une superficie totale de 32 hectares ». (Journal Nord-Matin, décembre
1962, février et mars 1963)
1961. Dans sa séance du 19 novembre 1961, le conseil
municipal décide l’acquisition de l’ancien ouvrage militaire du Fort Castelnau
en vue de la création d’un jardin public et moyennant le prix de 200.000
nouveaux francs.
Voici le document relatif à cette vente.
FORT CASTELNAU
Extrait de l’acte d’aliénation d’un immeuble du domaine de
l’Etat. 16 mai 1962. L’Etat cède à la commune de Coudekerque-Branche : un
ancien ouvrage militaire dit Fort Castelnau, en bordure du canal de Bergues,
comprenant
1.
Des avant-fossés en nature d’herbages et de
pacages
2.
Des fossés et demi-lunes
3.
L’ouvrage proprement dit, composé de bastions et
courtines avec les ruines des bâtiments édifiés autrefois sur ce fort.
Le tout repris au cadastre rénové de la commune de
Coudekerque-Branche sous le numéro 10 de la section AT pour une superficie de
33 hectares 04 ares et 74 centiares.
La présente vente est consentie et acceptée moyennant le
prix de 200.000 nouveaux francs, payable au bureau des Domaines de Lille.
1962, 23 décembre. Désireux de poursuivre la réalisation du
programme municipal, le conseil considérant que l’aménagement d’un vaste jardin
public répond aux aspirations de toute la population, adopte le projet de MM.
Poulain et Caget architectes, en vue de la création d’un jardin public dans les
dépendances du Fort Castelnau.
1963, 27 mars. Les travaux d’aménagements du Fort Castelnau
sont commencés. Ceux-ci présentaient déjà d’impressionnants progrès grâce aux
puissants moyens mis en œuvre. Des plantations ont été réalisées dans
l’enceinte du fort et aux alentours, les bulldozers, scrapers et tombereaux
géants de l’entreprise Razel bouleversent l’aspect des lieux à une allure
record. Le tunnel d’entrée sera réparé et donnera sur des parterres de fleurs.
Il y aura un jardin d’enfants, des coins de pique-nique, du canotage, des
promenades sous bois, un coin réservé pour le tir à l’arc, des jeux
divers ; bref le Fort Castelnau deviendra un lieu de repos et de paix où
la population de Coudekerque-Branche et des communes avoisinantes aimera à se
rendre.
1965, novembre. « A mesure que passent les mois, que
poussent les arbres et les arbustes et que se développent les travaux
d’aménagement, le jardin public du Fort Castelnau prend le visage annonciateur
des agréments qu’il procurera dans les années qui viennent aux familles de
notre région. Un premier réseau d’allées a été mis en place autour de la partie
centrale et découvre à ses détours de jolis coins de rêverie. »
(Nord-Matin du 19 septembre 1965).
Une nouvelle tranche de travaux a été entreprise qui
comprend l’aménagement des allées, la construction d’un abri avec bar et
installations sanitaires, l’aménagement du jardin d’enfants, la construction d’un
logement pour le concierge, la restauration de la porte d’entrée du fort qui
rappellera l’entrée du Parc de la Marine de Dunkerque.
Mai 1966. Le tunnel d’entrée est réparé, remis à son état
primitif et le fort est déjà très fréquenté par de nombreuses familles
heureuses de trouver dans ce jardin de verdure le repos et le calme tant
désirés.
En mars 1966, les abords directs du Jardin Public ont été
décorés de trois belles et blanches statues de pierre (Nord-Matin du 20 mars
1966). Elles appartiennent au dépôt des œuvres d’art de l’Etat qui les a
confiées à la ville de Coudekerque.
L’une, placée en dehors de l’enceint, à gauche de l’accès
principal est visible de la route ; elle s’intitule : « Les
Magiciennes » et elle est l’œuvre du sculpteur Henri Lagriffoul.
Les deux autres sont placées à l’intérieur du fort, de part
et d’autre de l’entrée : à droite on découvre un haut-relief de M.
Chaudenet : « La Femme à la harpe », à gauche, se dresse ou
plutôt se repose une « Vénus Marine » de Louis Dideron.
Le terrain du Fort Castelnau a son périmètre planté de
petits arbustes, soit plus de 3.000 arbres et 2.600 pieds d’épine
(communication de M. le Maire, Maurice Mollet au conseil municipal le 26
décembre 1964).
Dans la séance du 27 novembre 1966, le conseil municipal
considère qu’il y a nécessité de poursuivre les travaux d’aménagement du Jardin
Public notamment par la création, l’implantation de nouvelles allées, de jeux
de boules, d’une aire de patinage, d’un parcours de pêche, d’une station de
canotage, etc… approuve les plans, devis et cahier des charges dressés à cet
effet par MM. poulain et Cabet, architectes (Bulletin municipal officiel, année
1966, page 29).
1967. Le programme prévu ci-dessus est en bonne voie
d’exécution, l’ancien Fort Louis devient un lieu de repos, de verdure et de
distractions de toute nature : les fossés qui l’entouraient sont nettoyés,
agrandis ; la promenade sur l’allée cimentée de l’ancien chemin de ronde
est magnifique. Aussi, en ces mois d’été 1967, le succès populaire du Jardin Castelnau
est grandiose : le dimanche, des centaines d’autos y amènent des familles
entières et le Fort devient une ruche, une véritable colonie de visiteurs.
La municipalité de Coudekerque-Branche est vraiment
méritante, elle a procuré à la ville un parc idéal ; elle peut être fière
de son initiative aussi toute la population coudekerquoise lui en est bien
reconnaissante.
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