In Cdt Herbert Sauer « L’enfer
sous l’eau – le sous-marin U.C.55 dans la guerre mondiale », Payot, Paris,
1928, 1930 (édition française), 174 p, pp ;54-56
Le barrage Calais-Douvres
Une des installations les plus
grandioses que l’Angleterre ait mise au point pendant la guerre pour se
défendre contre les sous-marins est certainement le célèbre barrage du
Pas-de-Calais, qui d’ailleurs jusqu’au commencement de 1918 n’a jamais rempli
sa fonction. Car nous, les pirates, nous passions soit au-dessus, soit dessous
suivant que nous trouvions ou non une surveillance sérieuse en surface. Ce n’est
qu’en 1918 que furent apportées au barrage des améliorations qui rendirent aux
sous-marins le passage impossible.
A l’origine une simple ligne de
surveillance par des navires qui, dans la suite, se montra absolument
insuffisante à cause de la vitesse et des variations de direction des courants
qui y règnent. Les ennemis, déjà au début de 1915 se mirent à paver de mines
toute la zone longue de 34 kilomètres en travers de la Manche. Vers la fin de
1915 les premiers grands filets étaient prêts qui furent soutenus par des
bouées géantes et allaient de la surface au fond, à certains endroits jusqu’à
50 mètres.
Mais l’Anglais n’aurait rien pu
faire de mieux pour nous. Dans ces régions, les phares étaient éteints, par
lesquels nous aurions pu connaitre notre position. Bientôt, après quelques
observations, nus avions pu porter sur nos cartes la position exacte des
bouées. Puis lorsque nous faisions route la nit sur le barrage, c’était un jeu
d’enfant de passer près de ces flotteurs, de lire leur numéro, de regarder
notre carte et d’en déduire un point qui nous a souvent aidés à sortir de difficultés
dans ces chenaux particulièrement dangereux pour la navigation.
Le filet et les barrages de mines
qui se trouvaient derrière nous gênaient bien peu. Les bateaux de surveillance
qui patrouillaient de long en large nous obligeaient la plupart du temps à une
alarme et nous contraignaient à disparaître pour peu de temps du paysage.
Ce n’est que l’application que
fit l’Anglais de ses téléphones sous-marins extrêmement perfectionnés qui
rendirent ce barrage effectif et en firent un obstacle infranchissable à l’arme
sous-marine allemande.
un type UC II, de même type que l'UC 55
Mines à écouteurs
Au début de 1918, l’anglais
construisit des mines dans lesquelles un écouteur sous-marin était introduit et
les mouilla avec une grande densité, souvent en paquets, en travers de la
Manche. Un câble réunissait chaque mine à un tableau, à Douvres, devant
lesquelles étaient assis en permanence plusieurs téléphonistes de veille. Chacun
d’eux avait devant lui une carte marine sur laquelle chaque mine était placée
avec précision. Un commutateur lui permettait de lettre séparément le câble de
chaque mine dans le circuit de son écouteur ; il pouvait aussi mettre en
circuit une partie du champ de mines en une fois/
Si, maintenant, un sous-marin
essayait de traverser, soit en surface, soit en plongée, le champ de mines, les
téléphonistes de veille au tableau de Douvres entendaient immédiatement les
bruits des hélices du navire captés par leurs écouteurs sous-marins. Quelques secondes
suffisaient alors pour placer avec précision la position du sous-marin. Une série
d’observations à courts intervalles suffisait pour déterminer la route par
laquelle le sous-marin tentait de passer et le téléphoniste pouvait en conclure
avec une certitude absolue que dans quelques secondes l’audacieux se trouverait
près de tel ou tel paquet de mines. Il suffisait alors de presser sur un
bouton, ce qui faisait exploser électriquement les mines considérées, pour
envoyer sans tambour ni trompette et d’une manière purement mécanique une bande
de téméraires dans l’autre monde.
Nous ne pouvons nous empêcher de
rendre hommage au génie avec lequel cette installation a été faite, exploitant
à la fois la théorie et la pratique. Depuis le mois de mars 1918, le barrage
Douvres-Calais fut réellement efficace et à partir de ce moment les sous-marins
allemands furent contraints de contourner l’Angleterre par le nord pour atteindre
leurs vieilles zones d’opération.
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