préambule
- Il convient de rappeler les liens anciens entre Flandre et Italie
-
La Lotharingie née du Traité de Verdun, s’étend
de la mer du Nord à la Méditerranée
-
Le rêve Bourguignon d’un empire universel
concurrent de la France
-
Le Saint-Empire Romain Germanique qui unit
les populations du Nord à tout le centre européen et à l’Italie
Notons au passage que Charlemagne,
empereur germanique, est couronné à Rome, ville on ne peut plus italienne.
IL Y A DONC DES REMINISCENCES
ANCIENNES
Celles-ci d’ailleurs sont renforcées
par les relations obligées avec les marins italiens lors des croisades :
Constantinople n’a t elle pas été
prise en 1204 pour le compte des Vénitiens par Baudouin IX de Flandre ?
- Il faut aussi parler des relations entre Flandre et Italie facilitées par les positions opposées en Europe
-
La Flandre a une façade maritime et a
toujours eu des ports et des grands marins
-
L’Italie a des cités-états maritimes
-
Les deux régions sont reliées par les
circuits des foires, notamment de Champagne puis de Flandre
-
Echanges commerciaux facilités par la
présence de populations foraines
1.
marchands et négociants
2.
banquiers
3.
artistes
4.
religieux
- La vogue dès le XVIe siècle des récits picaresques, des comptes-rendus de voyage comme les relations de Ludovico Guiccardini. La mode est à la description…
I.AVANT
TOUTE CHOSE, DEMYSTIFIER LA SOIT-DISANT INFLUENCE ESPAGNOLE !
Avant
la deuxième guerre mondiale, L. BEEKEMAN publie une longue réfutation sur le
prétendu mythe de l’influence espagnole en France…
Force
est de constater qu’il ne manque pas de preuve à l’appui de son propos !
Car
pendant longtemps on avancé que TOUTE l’architecture flamande étai fille des
Espagnes… Tout est espagnol à l’image des « maisons espagnoles » de
Cambrai comme de Valenciennes…
Souci
majeur : comment expliquer que l’on ne trouve RIEN des thèmes
architecturaux majeurs flamands en péninsule ibérique ?
D’autant
plus que ce style s’est développé en Flandre bien avant l’arrivée des Espagnols
dans nos terres… Et encore, leur présence fut elle bien symbolique !
-
peu de nobles : quelques officiers et
hauts-fonctionnaires
-
peu de troupes (il subsiste encore en Espagne
2 tercios « de flandes »)
-
pas de traces dans la langue, que ce soit le
flamand ou les patois du littoral
Tout
au plus peut-on accorder une influence dans la dimension doloriste des
processions de pénitents à l’image de Furnes où les ressemblances avec la
Semana Santa sont nombreuses, ainsi qu’une forte dépendance dans le culte des
reliques…
Encore
que…
Cette
forme de religiosité est très répandue en Europe durant la fin du Moyen-âge et
s’est renforcée en Flandre comme en Espagne qui sont des bastions de la
Contre-Réforme, arcboutées dans la lutte contre le Protestantisme… La Flandre
en porte d’ailleurs les stigmates avec les émeutes iconoclastes et le
foisonnement du baroque…
Au
contraire, les relations entre Flandre et Italie sont bien plus évidentes et
cela dans de nombreux domaines…
II.
DES VILLES COUSINES
- BRUGES « Venise du Nord », aujourd’hui certes, le slogan touristique est lourd de symbole mais hier ?
Justement,
nombreuses sont les villes qui ont un petit air de la cité fondée par les
habitants d’Aquilée…
Pour
n’en citer que quelques unes
-
Lille, longtemps appelée la ville aux cent
canaux et rivières
-
Valenciennes, structurée autour de l’Escaut
-
Bruxelles
-
Gand
Car,
les villes, surtout quand elles sont de fondation comtale, s’appuyent sur deux
caractéristiques majeures :
-
une organisation bipolaire, voire bicéphale
autour d’un forum civil et d’un pôle spirituel (collégiale ou cathédrale)
-
un réseau hydrographique dense formant des
îles
o
à la fois pour la défense (habitude antique
si ref à Strabon)
o
pour le commerce et le transport (voir le
point de rupture entre haute et basse Deule à Lille)
Les
similitudes, pourtant ne s’arrêtent nullement à cet aspect anecdotique.
- Les deux régions ont un second point commun qui influe l’urbanisme : la lutte contre le pouvoir politique central
Si
en Flandre, il n’est nullement question de faire une révolution, on constate
que la bourgeoisie œuvre dès le moyen-âge pour conquérir des libertés
-
mouvement des chartes et franchises
-
mise en place des echevinages (qui finalement
sont pénétrés par la noblesse qui paye le droit de bourgeoisie, contrairement à
la France)
-
création d’une symbolique avec les beffrois,
donjons civils
-
lutte d’influence visible par la
multiplication des hôtels particuliers et de l’emploi d’artistes renommés. Il y
a donc un réel mécénat (tiens c’est Italien) au Nord de l’Europe
En
Italie, on assiste à une évolution semblable dans la volonté de s’affranchir du
Saint-Empire Romain Germanique
-
fondation de villes neuves
-
lutte entre le grosso populo et le minuto
populo
-
lutte d’influences entre les grandes familles
qui se matérialise par la construction de palais portant souvent des tours
comme à Florence…
-
volonté affirmée d’autogestion des villes.
Dans
les deux cas, l’on assiste à une lutte acharnée pour s’affranchir du pouvoir
central…
Il
faut bien en convenir, les relations entre les deux populations sont étroites
-
Par le commerce : si l’on trouve des
draps flamands à Kiev, il faut bien qu’ils aient été transportés or l’Italie
médiévale domine la Méditerranée et constitue un point de passage presque
obligé pour le transport terrestre
-
Les réseaux bancaires italiens, notamment
lombards, quadrillent l’Europe or ces établissements sont nécessaires à la
sécurité des transactions cependant on doit noter l’importance des
établissements purement flamands. La bourse n’est-elle pas née à Bruges dans la
maison des Van Beurse…
-
Les artistes s’échangent pour le style comme
pour la technique et nombre d’entre eux ont des œuvres similaires.
Il y a une convergence de style voire
même une certaine unité car la Renaissance Flamande s’inspire de la renaissance
italienne, les primitifs flamands travaillent régulièrement pour les mécènes
italiens.
De fait, il n’est aucun étonnement que
par ces voies les styles se ressemblent et s’influencent mutuellement.
Ainsi, il n’est pas rare de trouver
des artistes ou des architectes officiant en Flandres et en Italie à l’image de
Coebergher, personnage on ne peut plus lié à la région dunkerquoise…
Il faut bien en convenir, Wenzel, enfin... Wenceslas, est souvent surnommé le « Léonard de Vinci flamand ». Né à Anvers en 1557, il y décéde en 1634.Wenceslas Cobergher à apprend à peindre à Rome mais la ville a d’autres charmes. Il y suit alors des études d’architecture et d’hydraulique, jusqu’à ce que les Archiducs Albert et Isabelle, qui administrent la Flandre au nom du Roi d’Espagne, le rappellent et en font leur Ingénieur. D’ailleurs, à partir de 1615, il ne travaille plus que pour eux et arrête de peindre à partir de 1618Cobergher touche à tout: à l’architecture civile et religieuse, à la religion en publiant Amor Pietatis en 1618, aux études économiques et à la chimie... mais Albert et Isabelle lui réservent de grands projets pour cet esprit éclairé.
Première
mission : assécher les Moëres.
La tâche est
herculéenne car ce sont deux vastes lagunes, la grande mesure 3.000 ha, la
petite 200 ha seulement. Les travaux débutent en 1617. Les travaux sont enfin
achevés treize ans plus tard mais le progrès est éphémère car pour contrer les
Français, le gouverneur espagnol de Dunkerque fait tendre l’inondation.
Ce n’est
qu’en 1752 que le Comte d’Hérouville ordonne de refaire les travaux
La seconde mission ordonnée par les
Archiducs ne fut pas plus facile : éradiquer la misère, tout au moins la
réduire.
Les pauvres
ne peuvent s’adresser qu’aux Lombards. Ce sont des établissements bancaires
tenus généralement par ces Italiens du Nord qui pratiquent l’usure.
Les Archiducs
chargent donc leur ingénieur de créer des Monts-de-Piété à travers toute la
Flandre. Il en élèvera 15 dont ceux d’Arras, de Lille, de Cambrai, de Douai, de
Valenciennes et de ... Bergues.
Fonctionnant
sur la base du prêt sur gage, le Mont-de-Piété assure des taux plus
intéressants mais il ne supprime pas pour autant la précarité : il faut
avoir des biens à gager. Des établissements en Flandre Française, seul subsiste
celui de Bergues, qui porte la date de 1630 . Il montre l’influence du séjour
romain de Wenceslas : ses larges pignons s’inspirent de l’église San Gésu
de Rome où cadres de pierre disputent aux volutes et autres guirlandes.
III.
Une architecture en écho
A partir de la deuxième moitié du XVIe
siècle, la Renaissance s’implante définitivement en Flandre. L’influence
italienne est manifeste, complétant les relations d’affaires séculaires.
Si le gothique persiste, notamment par
les festons et dentelles de pierre, la décoration s’italianise profondément.
Responsables :
-
riches commerçants en négoce
-
ecclésiastiques
-
Jésuites, propagateurs de la contre-Réforme
Néanmoins
-
disparition progressive du bois au profit de
la pierre blanche et des briques de clyte
-
on observe le maintien des pignons gothiques
en escalier
-
persistance des lucarnes
Autre
transformation fondamentale
-
adaptation des façades à la décoration lourde
des bahuts des escriniers
-
façades historiées
De fait se multiplient
-
bulbes
-
gradins
-
ailerons
-
consoles à volutes
-
têtes d’anges
-
mascarons
-
masques monstrueux
-
cariatides
-
cornes d’abondances
-
corbeilles de fruits
et bien entendu
-
Lion des Flandres
Dans
toutes ces décorations, se multiplient les références bibliques servant à
l’explication de l’usage du bâtiment (Midas sur la Vieille Bourse de Lille) et
mythologiques
A
cela rien d’étonnant, on se place dans un mouvement général en EUROPE de
redécouverte de l’antiquité classique et des canons esthétiques romains.
L’influence
italienne se fait aussi sentir dans le domaine militaire
Les
villes se transforment profondément avec la réponse à l’artillerie :
Si
elles s’enserrent depuis longtemps dans des remparts
Ceux-ci
sont inadaptés à l’artillerie.
La
Balistique moderne importée en Flandre par les Bourguignons avec des artilleurs
italiens nécessite de recevoir une réponse adaptée.
Or,
les Bourguignons, puis Charles Quint comme les rois d’Espagne font appel aux poliorcètes
italiens (comme Olgiati à Gravelines) afin de protéger les villes.
Exit
les murailles verticales et les tours semi-circulaires qui ne persistent que
lorsqu’elles ne sont pas en position stratégique
Place
aux bastions, courtines et ravelins.
Les
architectes italiens transforment les villes en dérasant les tours, multipliant
les défenses, élargissant considérablement les périmètres urbains.
IV.
De l’influence de la contre-réforme
C’est
sans conteste ici que les échanges italo-flamands sont les plus significatifs.
La
Flandre, terre de chrétienté mais fief des protestants.
Les
églises sont des lieux de vie, pas que de culte…
De
plus, les églises sont depuis le Moyen-âge des catéchismes de pierre aussi sont
elles le meilleur moyen pour la propagation de la Contre-Réforme menée
notamment par les Jésuites.
Or,
leur programme architectural est dans contexte contenu dans la façade de San
gesu à Rome, leur première maison romaine, façade dont on retrouve les grandes
lignes au Mont de Piété de Bergues
Les
architectes Jésuites ou formés par leurs soins reprennent systématiquement les
mêmes formules. Ainsi se multiplient les pignons à volutes et les coupoles.
D’ailleurs, ce style se perpétue avec les Français puisque la chapelle de la
citadelle de Lille est typiquement jésuite (comme celle de la citadelle
d’Arras), que l’église saint-Etienne (nouvelle paroisse construite après le
bombardement de 1708) affiche les même courbes.
Néanmoins,
on notera que les batiments, même sous influence italianisante, brisent la
verticalité par l’adjonction d’un bandeau horizontal qui finalement disparaît
avec l’apparition du style français, quoique cette disparition soit tout à fait
relative quand on regarde l’Hospice Général sur le canal de la Basse Deûle.
Côté ornementation mobilière, les églises ne
sont pas en reste :
La
contre-réforme est un moyen de propagande extraordinaire car peu de pans de la
vie quotidienne échappent à la présence de l’Eglise.
Ainsi
les retables se chargent au dessus des autels romains de colonnes, de statues
aux drapés extravagants, de symboles christiques très développés, privilégiant
d’ailleurs la représentation réelle au détriment du symbolisme médiéval.
Il
est d’ailleurs assez amusant de constater que nombre d’églises coiffent leurs
retables de représentations humaines de Dieu, en dépit des commandements du
Décalogue… La foi a besoin de supports. D’ailleurs, quel meilleur support que
les tableaux des retables que les primitifs flamands comme les peintres italiens
placent à la vue des fidèles.
D’ailleurs
l’exubérance des retables n’est pas sans rappeler celles des bahuts flamands.
V.
UNE LENTE TRANSITION
- quatre monuments de transition
En
Flandre, à Hazebrouck, le collège des Augustins accuse encore un aspect
médiéval dans son aile gauche de 1518 et ses trois belles niches gothiques en
son centre, mais l'année 1616 voit apparaître sur l'aile droite volutes,
cartouches et rinceaux.
Le
Landshuys de Cassel compte des fenêtres ogivales au rez-de-chaussée mais s'orne
de colonnes à la porte d'entrée et d'un modillon Renaissance à la corniche.
L’Hôtel de la Noble cour reste une synthèse plus italianisante que flamande
avec sa façade encadrées de pignons et sa toiture portant lucarnes.
A
Aire-sur-la-Lys, le bailliage s’orne d’un balcon et surtout de riches entrelacs
et de rosaces.
L'Hôtel
de ville d'Hondschoote, de 1558, présente simultanément les caractéristiques du
gothique et de la renaissance avec ses pignons à degrés, sa porte en arc
surbaissée à crosses végétales, ses baies à meneaux, ses moulures, sa tourelle
surmontée d'un toit à bulbe et l'inévitable alternance de briques et pierres
sur sa façade arrière.
- Deux monuments emblématiques …
Premier
monument :
La
vieille Bourse de Lille
A partir des années 1640, se diffuse
à Lille comme dans tous les Pays-Bas, du Nord comme du Sud, le recueil de
meubles du maître hollandais Krispijn Van Den Passe, dont s'inspirèrent tous
les escrigniers flamands de l'époque.
Julien
Destrée, présenté comme le promoteur du baroque décoratif flamand à Lille,
avait été lui-même escrignier,
ce
qui explique que la Bourse, commandée en 1652 sur ordre de Philippe IV
d'Espagne, comte de Flandre, fut un fabuleux bahut flamand posé sur la
Grand-Place.
Maniéristes
ou baroques sont les quatre portes saillantes des quatre façades, la scansion
répétée à l'extrême des baies du rez-de-chaussée et la colonnade de la cour
intérieure.
Plus
classique, l'emploi des ordres, le soubassement à bossages et l'ordonnance
générale du bâtiment.
Bien
typique de la Renaissance flamande du XVII° siècle sont
-
les lignes horizontales barrant la
verticalité,
-
l'emploi de la brique rouge, de la pierre de
taille blanche et du grès,
-
les lucarnes,
-
le campanile,
-
les cornes d'abondance,
-
les cariatides gainées et fortement
expressives par opposition à leurs homologues italiennes,
-
les têtes de léopards,
-
les ogives et les guirlandes de fleurs,
-
les têtes humaines de tous les âges,
charmantes ou hilarantes selon les cas
Deuxième
monument
Le
mont de piété de Bergues
A Bergues, le Mont-de-Piété de 1629
est italianisant:
-
la façade, où l'horizontalité l'emporte sur
la verticalité, est divisée par des cordons et les fenêtres, bien encadrées, ne
présentent pas de croisillon et sont séparées par de larges trumeaux et
surmontées de frontons;
-
le haut pignon présente une ornementation
exubérante avec de nombreuses niches et cartouches en placage.
C'est ici la patte de Wenceslas
Coebergher (1560-1634) qui a fait édifier entre 1619 et 1633 une vingtaine de
Monts-de-Piété pour lesquels l’influence italienne est flagrante
Ce
même Coebergher qui est un exemple typique de la synthèse entre les deux
civilisations
L’influence
italienne peut de même éclipser l’aspect local :
-
débauche des sculptures de l’Hotel de ville
arrageois lorsque le bâtiment est renforcé d’une aile renaissance en 1572 alors
qu’au XVIIe siècle sont élevées les maisons à pignons de grès et arcatures des
deux places.
-
l’abbaye
de Saint-Amand dont la tour est élevée entre 1626 et 1640 est elle tout à fait
baroque, haute de plus de 80 mètres, elle est surmontée d’un dôme octogonal
divisé en 5 étages et surchargée de courbes, volutes et placages nombreux.
-
Dans un
même ordre d’idée, la porterie de la même abbaye est caractéristique de la
surcharge baroque, alourdie par des colonnes toscanes pourtant fines.
En guise de
conclusion, le style italo-flamand a survécu aux siècles français puisque c’est
par des architectes comme Cordonnier qu’il est remis à l’honneur. Un regard au
beffroi de Dunkerque, mais aussi à celui de la nouvelle bourse de Lille ou
à l’ancienne poste de Dunkerque permet de s’en convaincre aussi facilement
qu’une déambulation dans Bailleul…
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