vendredi 20 mars 2015

La lèpre dans l'ancienne Belgique.

in "Anthologie. La Lèpre à travers les siècles et les contrées" par le Dr Démétrius Al. Zambaco Pacha,.., MASSON, Paris, 1914

 — Presque tous les auteurs, simples historiens ou médecins, se plaisent à se copier et à répéter que la lèpre fut introduite en Italie par les armées de Pompéi, revenant de Syrie ou par les croisés. Erreur profonde que nous avons toujours combattue. La lèpre a sévi dans tout l'univers, dès la plus haute antiquité, tant en Europe qu'en Asie, en Afrique et probablement en Amérique. Sans remonter à l'histoire antique des Indes, des Pharaons, de l'exode, à la soeur lépreuse de Moïse, à Jacob, au Christ qui fit des miracles en guérissant ipso facto des lépreux, au concile d'Orléans tenu en 549, au VIIe siècle, Rotharis, roi des Lombards, fit reléguer les lépreux dans des établissements particuliers et leur enleva leurs droits civils pour les empêcher de conclure des transactions avec les autres hommes. Ils étaient déjà censés morts et ne pouvaient disposer de leurs biens. Or il fallait bien que la lèpre fût très commune alors pour provoquer de telles mesures. Ce que les croisés ont surtout propagé c'est certes la syphilis dont leurs corps étaient minés d'où la grande contagiosité de cette soidisant lèpre qui se propageait par les ustensiles de table, le baiser, le coït, etc., ce qui n'a pas lieu pour la lèpre. Nous ne cessons d'insister sur cette confusion qui est longuement traitée dans un chapitre spécial de cet ouvrage. 
 
Encore une fois, il se peut qu'une recrudescence de la maladie, à cause de l'ignorance de toute hygiène et de la saleté sordide dans laquelle vivait toute la société, en commençant par les dits nobles qui ne se lavaient même jamais sous leurs armures, qu'une recrudescence ait eu lieu vers le XIe siècle, lorsque la maladie faisait des ravages terribles jusqu'au XVIe époque à laquelle en la différenciant d'avec la grosse vérole, on ferma les léproseries et l'on ouvrit des hôpitaux pour les syphilitiques. D'un côté on fuyait les lépreux et on les persécutait comme des gens maudits que l'on tenait à l'écart de la société et d'autre part on en faisait des êtres respectables à cause de leur piété, des élus que Dieu éprouvait parce qu'il les aimait, à tel point que des personnes pieuses demandaient à Dieu avec ferveur, de devenir lépreuses pour avoir les récompenses promises dans l'autre inonde; inconséquences flagrantes ! 
 
Cependant Philippe le Bel en fit brûler des lépreux en Flandre, en 1312 ; et son fils Philippe le Long les persécuta aussi et dans le Hainaut ces pauvres malheureux furent exposés aux fureurs populaires. Car le fléau sévissait aussi en Belgique comme d'ailleurs dans toute l'Europe.
Des léproseries étaient constituées de tout côté par les gouvernements, par les communautés religieuses et même par les coupables d'un crime énorme que leur évêque condamnait, pour leur expiation et leur pardon, à créer une léproserie et à la doter richement pour la mettre à l'abri de toute éventualité. 

Au Congrès international, tenu à Berlin en septembre 1904, le Dr Dubois-Havenith de Bruxelles, de même que le Dr Bayet l'avait signalé déjà à la conférence de Berlin en 1897, a affirmé que la lèpre n'existe pas en Belgique, en tant que maladie autochtone. Les quelques cas rares qui y ont été observés étaient de provenance étrangère. Aussi il n'y a en Belgique ni statistique officielle, ni mesures prophylactiques concernant cette maladie. 

Mais il n'en fut pas ainsi dans l'antiquité. Les Annales du cercle archéologique de Mons (Belgique), t. I, première livraison, rapportent que des léproseries ont existé jadis à Ath, Baudour, Binche, Blicquy, Boursu, Carnières, Chièvres, Cuesmes, Enghien, Estinnes, Lens, Lessines, Leval sous Beaumont, Neufville, Quiévrain, Soignies, Stambruges, etc. 
 
La législation concernant les lépreux différait en général de celle qui leur était appliquée en France. Tout en prononçant leur séquestration, s'ils n'étaient pas natifs du pays, les échevins les expulsaient. Les lépreux continuaient à jouir de leurs biens ; ils pouvaient recueillir des successions. Toutefois, lors de la séquestration, ils devaient payer le droit de morte-main comme s'ils fussent décédés. S'ils guérissaient, on les leur restituait, sauf à les récupérer à leur mort. A part les défenses d'entrer dans les cabarets et de se mêler au peuple, ils ne devaient uriner sinon arrière des gens et hors rues publiques. A sa mort, le haut justicier devait faire brûler l'habitation du lépreux et ce qui avait servi à son corps, excepté l'étain, le plomb, le fer et le cuivre. Le lépreux ne devait plus voir de femme ; pas même la sienne. A Mons, il y eut une léproserie connue sous le nom d'hôpital Saint-Ladre ; un fossé rempli d'eau l'entourait ; on y entrait au moyen d'un pont. Il y avait une chapelle, un jardin et une prairie. Un bâtiment unique avait remplacé les petits cabanons de bois. Cet hôpital eut une existence de cinq siècles ; il datait du commencement du XIIIe siècle. L'air et le jour n'y pénétraient que par d'étroites lucarnes, fermées par des verrières fixes. Au XVIe siècle, les lépreux se firent rares. On pratiqua de grandes fenêtres et l'on y reçut des malades atteints de maladies de peau, de syphilis et de scrofules. L'air circulant dans les appartements, l'humidité et la moisissure disparurent. Il y eut alors affluence de faux lépreux. C'étaient des vagabonds, des déserteurs, des repris de justice qui, déguisés et portant le manteau gris, le large chapeau et la cliquette, s'y installaient.

Un édit du 21 août 1537 permit au doyen des lépreux de poursuivre ces aventuriers après les avoir visités et reconnu la fraude. Cependant l'hôpital de Saint-Ladre existait encore au commencement du XVIIe siècle. Puis, faute de lépreux, les revenus de cet établissement, furent employés à secourir les indigents ou les personnes atteintes de maladies analogues à la lèpre (?) Puis l'hôpital fut réservé aux prébendés (ecclésiastiques) jusqu'à leur mort, et les militaires malades ou blessés. Le seul souvenir qui subsiste actuellement de la léproserie de Mons, c'est la dénomination de faubourg de Saint-Ladre; c'est la banlieue de la porte de Nimy. 
 
Emmanuel Neeffs a présenté à l'Académie de Belgique un parchemin qui est un certificat émanant des autorités ou des proviseurs jurés de la chapelle de Saint-Jacques, hors des murs de Harlem, bien conservé ; fait rarissime, car on mettait grand soin à anéantir par les flammes tous les objets ayant appartenu aux lépreux. Ce certificat est daté de 1576, époque à laquelle la lèpre semblait sur le point de disparaître de ces provinces. Ce document était imprimé et concernait la léproserie de Harlem ,il est écrit en caractères gothiques. On y voit des notes manuscrites avec annotation du sexe et bien des détails. C'est un bulletin à terme valable pour un an. Le sceau de la léproserie avait disparu (Bulletin de l' Académie royale de Belgique, 1873).

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