in "Anthologie. La Lèpre à travers les siècles et les contrées" par le Dr Démétrius Al. Zambaco Pacha,.., MASSON, Paris, 1914
— Presque tous les auteurs,
simples historiens ou médecins, se plaisent à se copier et à répéter que
la lèpre fut introduite en Italie par les armées de Pompéi, revenant de
Syrie ou par les croisés. Erreur profonde que nous avons toujours
combattue. La lèpre a sévi dans tout l'univers, dès la plus haute
antiquité, tant en Europe qu'en Asie, en Afrique et probablement en
Amérique. Sans remonter à l'histoire antique des Indes, des Pharaons, de
l'exode, à la soeur lépreuse de Moïse, à Jacob, au Christ qui fit des
miracles en guérissant ipso facto des lépreux, au concile d'Orléans tenu en 549, au
VIIe siècle, Rotharis, roi des Lombards, fit reléguer les lépreux dans
des établissements particuliers et leur enleva leurs droits civils pour
les empêcher de conclure des transactions avec les autres hommes. Ils
étaient déjà censés morts et ne pouvaient disposer de leurs biens. Or il
fallait bien que la lèpre fût très commune alors pour provoquer de
telles mesures. Ce que les croisés ont surtout propagé c'est certes la
syphilis dont leurs corps étaient minés d'où la grande contagiosité de
cette soidisant lèpre qui se propageait par les ustensiles de table, le
baiser, le coït, etc., ce qui n'a pas lieu pour la lèpre. Nous ne
cessons d'insister sur cette confusion qui est longuement traitée dans
un chapitre spécial de cet ouvrage.
Encore une fois, il se peut
qu'une recrudescence de la maladie, à cause de l'ignorance de toute
hygiène et de la saleté sordide dans laquelle vivait toute la société,
en commençant par les dits nobles qui ne se lavaient même jamais sous
leurs armures, qu'une recrudescence ait eu lieu vers le XIe siècle,
lorsque la maladie faisait des ravages terribles jusqu'au XVIe époque à
laquelle en la différenciant d'avec la grosse vérole, on ferma les
léproseries et l'on ouvrit des hôpitaux pour les syphilitiques. D'un
côté on fuyait les lépreux et on les persécutait comme des gens maudits
que l'on tenait à l'écart de la société et d'autre part on en faisait
des êtres respectables à cause de leur piété, des élus que Dieu
éprouvait parce qu'il les aimait, à tel point que des personnes pieuses
demandaient à Dieu avec ferveur, de devenir lépreuses pour avoir les
récompenses promises dans l'autre inonde; inconséquences flagrantes !
Cependant
Philippe le Bel en fit brûler des lépreux en Flandre, en 1312 ; et son
fils Philippe le Long les persécuta aussi et dans le Hainaut ces pauvres
malheureux furent exposés aux fureurs populaires. Car le fléau
sévissait aussi en Belgique comme d'ailleurs dans toute l'Europe.
Des
léproseries étaient constituées de tout côté par les gouvernements, par
les communautés religieuses et même par les coupables d'un crime énorme
que leur évêque condamnait, pour leur expiation et leur pardon, à créer
une léproserie et à la doter richement pour la mettre à l'abri de toute
éventualité.
Au Congrès international, tenu à Berlin en septembre 1904, le
Dr Dubois-Havenith de Bruxelles, de même que le Dr Bayet l'avait signalé
déjà à la conférence de Berlin en 1897, a affirmé que la lèpre n'existe
pas en Belgique, en tant que maladie autochtone. Les quelques cas rares
qui y ont été observés étaient de provenance étrangère. Aussi il n'y a
en Belgique ni statistique officielle, ni mesures prophylactiques
concernant cette maladie.
Mais il n'en fut pas ainsi dans
l'antiquité. Les Annales du cercle archéologique de Mons (Belgique), t.
I, première livraison, rapportent que des léproseries ont existé jadis à
Ath, Baudour, Binche, Blicquy, Boursu, Carnières, Chièvres, Cuesmes,
Enghien, Estinnes, Lens, Lessines, Leval sous Beaumont, Neufville,
Quiévrain, Soignies, Stambruges, etc.
La législation concernant
les lépreux différait en général de celle qui leur était appliquée en
France. Tout en prononçant leur séquestration, s'ils n'étaient pas
natifs du pays, les échevins les expulsaient. Les lépreux continuaient à
jouir de leurs biens ; ils pouvaient recueillir des successions.
Toutefois, lors de la séquestration, ils devaient payer le droit de
morte-main comme s'ils fussent décédés. S'ils guérissaient, on les leur
restituait, sauf à les récupérer à leur mort. A part les défenses
d'entrer dans les cabarets et de se mêler au peuple, ils ne devaient
uriner sinon arrière des gens et hors rues publiques. A sa mort, le haut
justicier devait faire brûler l'habitation du lépreux et ce qui avait
servi à son corps, excepté l'étain, le plomb, le fer et le cuivre. Le
lépreux ne devait plus voir de femme ; pas même la sienne. A Mons, il y
eut une léproserie connue sous le nom d'hôpital Saint-Ladre ; un fossé
rempli d'eau l'entourait ; on y entrait au moyen d'un pont. Il y avait
une chapelle, un jardin et une prairie. Un bâtiment unique avait
remplacé les petits cabanons de bois. Cet hôpital eut une existence de
cinq siècles ; il datait du commencement du XIIIe siècle. L'air et le
jour n'y pénétraient que par d'étroites lucarnes, fermées par des
verrières fixes. Au XVIe siècle, les lépreux se firent rares. On
pratiqua de grandes fenêtres et l'on y reçut des malades atteints de
maladies de peau, de syphilis et de scrofules. L'air circulant dans les
appartements, l'humidité et la moisissure disparurent. Il y eut alors affluence de faux lépreux. C'étaient des vagabonds, des déserteurs, des
repris de justice qui, déguisés et portant le manteau gris, le large
chapeau et la cliquette, s'y installaient.
Un
édit du 21 août 1537 permit au doyen des lépreux de poursuivre ces
aventuriers après les avoir visités et reconnu la fraude. Cependant
l'hôpital de Saint-Ladre existait encore au commencement du XVIIe
siècle. Puis, faute de lépreux, les revenus de cet établissement, furent
employés à secourir les indigents ou les personnes atteintes de
maladies analogues à la lèpre (?) Puis l'hôpital fut réservé aux
prébendés (ecclésiastiques) jusqu'à leur mort, et les militaires malades
ou blessés. Le seul souvenir qui subsiste actuellement de la léproserie
de Mons, c'est la dénomination de faubourg de Saint-Ladre; c'est la
banlieue de la porte de Nimy.
Emmanuel Neeffs a présenté à
l'Académie de Belgique un parchemin qui est un certificat émanant des
autorités ou des proviseurs jurés de la chapelle de Saint-Jacques, hors
des murs de Harlem, bien conservé ; fait rarissime, car on mettait grand
soin à anéantir par les flammes tous les objets ayant appartenu aux
lépreux. Ce certificat est daté de 1576, époque à laquelle la lèpre
semblait sur le point de disparaître de ces provinces. Ce document était
imprimé et concernait la léproserie de Harlem ,il est écrit en
caractères gothiques. On y voit des notes manuscrites avec annotation du
sexe et bien des détails. C'est un bulletin à terme valable pour un an.
Le sceau de la léproserie avait disparu (Bulletin de l' Académie royale
de Belgique, 1873).
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