ETUDE DE LA SYNTAXE MILITAIRE
Une autre étude
éthnologique pour les Anciens qui comme moi furent des conscrits et fiers de
l'avoir été... Remarque pernicieuse, je n'ai jamais perdu ce jargon totalement,
on en a un semblable dans l'Education Nationale : référentiel bondissant pour
ballon, référentiel bondissant aléatoire pour ballon de rugby, surface
scripturale à usage multiple pour le tableau noir, espace d'acquisition
socio-cognitive configurée pour les Apprenants... le piège, c'est la salle de
classe avec son matériel pour les élèves... Comme toutes les corporations, les
militaires possèdent un jargon qui leur est propre : il peut paraître obscur
voire complexe à un novice. Toutefois, ce langage, assez codifié, possède des
règles assez simples, ainsi qu'un vocabulaire particulier, dont nous allons
essayer d'apprendre les bases. Pour se perfectionner, il faudra se référer au
" TTA " qui constitue la bible du militaire. Enfin, il est conseillé
de faire un stage linguistique pour s'immerger totalement dans la langue et la
culture militaire. En effet, ce langage est uniquement parlé, il n'est que
rarement transcrit par écrit.
La syntaxe :La syntaxe du langage militaire est aussi
sommaire que rigoureuse : il faut s'exprimer par des phrases les plus courtes
possibles, avec le minimum de fioritures : sujet + verbe + COD au maximum ; il
est même conseillé d'omettre le verbe.
Exemple : "Schwartz, compte rendu !" signifie
"Elève Officier de Réserve Schwartz, suite à la perte de matériel
militaire, vous me ferez un compte rendu écrit pour demain sans faute".
Ce souci de concision peut aller jusqu'à l'utilisation
d'interjections, voire de sons monosyllabiques, pour remplacer des phrases
entières :"Vouuus !" : Garde à vous"Poooo !" :
Repos"Aye aye" : Accélerez"Ope" : un ; s'utilise uniquement
dans l'expression "ope dé" qui veut dire "un deux"Plutôt
que de faire des phrases longues avec des subordonnées, il faut utiliser des
appositions successives : on peut par exemple utiliser "à l'issue"
pour relier des phrases entre elles. Cela permet de n'utiliser qu'un seul verbe
pour plusieurs actions.Exemple : "Vous irez chercher vos Famas, à l'issue
exercice de tir, à l'issue réincorporation, à l'issue repas".
Expressions et idiotismes :Les expressions qu'utilise un
militaire sont généralement celles que ses supérieurs ont sélectionnées pour
lui :
- En dotation : qu'on a
- Perception, réintégration : aller chercher, rendre
- A l'imitation : toujours faire pareil que son chef
- Qui va bien : à rajouter après un nom propre que l'on
désire mettre en valeur
- Rapport à : au sujet de
Dans tous les cas, ces expressions se doivent d'être les
plus imagées possibles
- "Sortez-vous les doigts du cul" (plus couramment
S.V.D.C.) : bougez-vous
- "pêchu" : motivé, ou on risque d'en baver.
- "C'est la fête du slip" : c'est le bordel
- "Museau" : la ferme
Les insultes : le militaire en utilise beaucoup. Il serait
impossible de les retranscrire toutes ici. Cependant certaines reviennent assez
fréquemment :
- Tarlouse (la 12, c'est des...), blaireau, beat-nik...
Acronymes :Le militaire a l'habitude d'utiliser un grand
nombre d'acronymes pour remplacer des expressions compliquées (comprenez plus
de 3 mots) qui le plus souvent désignent une réalité simple que l'on
désignerait dans le civil en un seul mot. Ce procédé a donc surtout pour
utilité de rendre un conversation entre militaires impossible à comprendre pour
un civil non entraîné.
En voici quelques exemples :
- P.M.F. : Personnel Militaire Féminin = une femme
- V.L. : Véhicule Léger = une voiture
- V.T.L.R. : Véhicule de Transport Léger Rural = une brouette
- A.N.P.V.P. : Appareil Normal de Protection à Visière
Panoramique : un masque à gaz
- I.A.L. : Interface d'Alimentation Liquide = une paille
- B.A.B. : Bouchon Anti Bruit = des boules Quiès
- T.I.G. : Travaux d'intérêt Généraux : le ménage et les corvées
- E.V.A.T. : Engagé Volontaire de l'Armée de Terre = un
engagé (existe-t-il des engagés involontaires ??! )
- R.C.I.R. : Ration de Combat Individuelle Réchauffable =
une ration
Sans oublier les nombreux acronymes désignant des organismes
de l'armée:
- D.F.G. : Direction de la Formation Générale
- D.G.F. : Direction Générale à la Formation etc...
Certains acronymes correspondent à des moyens
mnémotechniques mais qui ensuite deviennent des noms à part entière :
- P.I.F. : Point à atteindre - Itinéraire - Formation =
"Donnez moi un PIF !"
Figures de style :Contrairement à ce que l'on pourrait
penser, le militaire utilise beaucoup de figures de style.
En voici quelques exemples :
Les métonymies :
- l'ordinaire = la cantine (parce que ce qu'on y mange est
vraiment ordinaire)
- T.D.F. : Terre De France (désigne la tenue de cette
couleur)
- O.S. : ordre serré (sauf le matin 6H00) .
Tapez le talon gauche.- "Quand les talons claquent,
l'esprit s'envole" Général de Gaulle
Les périphrases :
- le territoire national : la France
- Séance d'assouplissement des membres supérieurs : des
pompes
Les euphémismes :
- opérationnel : encore en état de combattre pendant
quelques heures
Le vocalulaire :
Les verbes :
- Chouffer = surveiller
- Se poster : se planquer dans les bois sous la pluie avec
au moins un genou à terre.
- Grailler : au départ approvisionner son chargeur ; par
extension, manger
- Psychoter : hésiter, avoir peur
Les noms :
- les bastos : les munitions
- les kékés : les fourrés
- un consultant : un malade
- un exempté : un malade ou un blessé
- une permission : des vacances
- la cohésion : l'esprit de groupe
- la popote : le repas
Les mots à éviter : Ce à quoi le débutant doit faire le plus
attention, car il est facile de se tromper.
- "Excusez-moi", "pardon" : on ne
s'excuse jamais dans l'armée. Au cas où, utiliser "autant pour moi"
- "Pourquoi" : ce mot n'existe pas, oubliez le
- "Réfléchir" : à utiliser avec modération car
"réfléchir, c'est désobéir"
- "Logique" : notion inexistante
- "Informer" : à utiliser vers ses subordonnés,
sinon utiliser "rendre compte"
- "OK" : reçu
Exercice de traduction :Pour vous entraîner, voici un petit
exercice; essayez de traduire ce texte dans le langage militaire :
Le petit chaperon rouge :
Il était une fois une petite fille de village. Sa mère lui
avait fait faire un petit chaperon rouge, qui lui seyait si bien que partout on
l'appelait le petit chaperon rouge.Un jour sa mère lui ayant préparé des
galettes lui dit :- "Va voir comment se porte ta grand-mère ; porte lui
une galette et ce petit pot de beurre".Le petit chaperon rouge partit
aussitôt pour aller chez sa grand-mère, qui demeurait dans un bois.Elle
rencontra compère le loup, qui eut bien envie de la manger ; mais il n'osa pas,
à cause de quelques bûcherons qui étaient dans la forêt. Il lui demanda où elle
allait. La pauvre enfant, qui ne savait pas qu'il était dangereux de s'arrêter
écouter un loup, lui dit :- Je vais voir ma grand-mère, et lui porter une
galette avec un petit pot de beurre que ma mère lui envoie.- Demeure-t-elle
loin ? lui demanda le loup- Oh oui, dit le petit chaperon rouge, c'est par-delà
le moulin que vous voyez la-bas, à la première maison du village.- Eh bien ,dit
le loup, je veux aller voir aussi. Je m'y rends par ce chemin-ci, et toi par ce
chemin là, et nous verrons qui le plus tôt y sera.Le loup se mit à courir de
toute sa force par le chemin le plus court, et la petite fille s'en alla par le
chemin le plus long, s'amusant à cueillir desfleurs et à courir après les
papillons. Le loup ne fut pas long à arriver à la maison de la grand-mère ; il
frappe :- TOC TOC- Qui va là ?- c'est le petit chaperon rouge, dit le loup en
contrefaisant sa voix, qui vous apporte une galette et un petit pot de
beurre.La bonne grand mère, qui était dans son lit parce qu'elle se trouvait un
peu mal, lui cria :- "Tire la chevillette, la bobinette cherra"Le
loup tira la chevillette, et la porte s'ouvrit. Il se jeta sur la bonne femme
et la dévora. Ensuite, il ferma la porte et alla se coucher dans le lit de la
mère-grand en attendant le petit chaperon rouge, qui quelques temps après, vint
heurter la porte :- TOC TOC- "Qui va-là ? dit le loup en essayant
d'adoucir un peu sa voix.- C'est le petit chaperon rouge : je vous apporte une
galette et un petit pot de beurre.Le loup lui cria :- Tire la chevillette, la
bobinette cherra.Le petit chaperon rouge tira la chevillette et entra. Se
penchant sur le lit de sa grand mère pour lui parler, elle lui dit :- Ma mère
grand, que vous avez de grand bras !- C'est pour mieux t'embrasser mon enfant.-
Ma mère grand, que vous avez de grandes jambes !- C'est pour mieux courir mon
enfant- Ma mère grand, que vous avez de Grands yeux !- C'est pour mieux te voir
mon enfant- Ma grand mère, que vous avez de grandes dents.- C'est pour mieux te
manger mon enfant !En disant ces mots, ce méchant loup se jeta sur le petit
chaperon rouge, et la mangea, car il n'avait rien mangé depuis 10
jours.Moralité :Les jeunes enfants font très mal d'écouter toutes sortes de
gens, car qui ne sait que ces loups doucereux, de tous les loups sont les plus
dangereux.
La traduction :
COMPTE RENDU DE PERTE P.C.R
.J'ai l'honneur de vous rendre compte de l'existence d'une
jeune P.M.F. rurale.Elle avait reçu en dotation une parka rouge, celle qui va
bien. A l'issue, on l'appelait P.C.R. (Petit Chaperon Rouge). Le jour J, son
supérieur parental lui fit percevoir une RCIR, avec le pain de combat qui va
bien, à l'issue elle lui donna un MOICP :- Dans la direction de mon bras, ta
grand mère; Vu ?- Vu- Porte lui cette RCIR- Reçu.A l'issue, le P.C.R. partit
dans la direction de sa grand-mère, itinéraire le bois, en lisière militaire.
Elle rencontra un loup qui voulait grailler, mais il psychota, à cause de PLO
composées de bûcherons qui étaient sur zone. Il lui demanda un PIFLE P.C.R.
ignorant les consignes de sécurité et de protection du secret militaire (TTA
130), lui rendît compte :- Je vais voir ma grand-mère et lui porter cette RCIR,
ordre de ma mère.- Quelles sont ses coordonnées XY ?- Dans la direction de mon
bras, 500 M, un moulin. Vu ?- Vu.- Deux doigts à droite du moulin, une maison.
Vu ?- Vu- J'y vais aussi. Séparons nous. Equipe un : ce chemin-ci. Equipe deux
: ce chemin là. Rendez-vous à H+3. Aye aye !Le loup progressa par bonds et en
courant. La PCR se postait sans arrêt et progressait lentement dans les kékés.
Le loup arriva à l'objectif à H-1. Il frappe :- BOUM BOUM- Halte là, qui va là
?- c'est le PCR, dit le loup en camouflant sa voix. Je vous apporte une RCIR,
avec le pain de combat qui va bien.La grand-mère, qui était consigné en chambre
parce que consultante, hurla :- Utilise le percuteur et l'extracteur cherraLe
loup obéit. La porte s'ouvre. A l'issue, le loup se jette sur la PMF et la dévore.
A l'issue, il referme la porte et va se poster dans le lit, non sans avoir
vérifié qu'il était FOMECBLOT. Le PCR arriva et frappa à la porte :- BOUM BOUM-
Halte là, qui va là ? dit le loup en camouflant sa voix- C'est le PCR. Je vous
apporte une RCIR, avec le pain de combat qui va bien.Le loup lui ordonna :-
Utilise le percuteur, et l'extracteur cherra.Le PCR obéit aux ordres car
réfléchir c'est désobéir et entra. Elle se pencha sur le lit de sa grand mère
pour lui parler. Elle lui dit :- Ma mère grand, que vous avez de grand bras !-
C'est pour mieux faire des séances d'assouplissement des membres inférieurs mon
enfant.- Ma mère grand, que vous avez de grandes jambes !- C'est pour être
pêchu au Cooper mon enfant.- Ma mère grand, que vous avez de Grands yeux !-
C'est pour mieux chouffer mon enfant- Ma grand mère, que vous avez de grandes
dents- C'est pour mieux grailler mon enfant !Et disant ces mots, cette tarlouse
de loup fit un bond sur le PCR, l'acheva à la pelle US et grailla car il
n'avait eu que des RCIR depuis 10 jours !
Moralité : jamais le percuteur !
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