1915 avait donné un nom à la terreur à Dunkerque. En installant un canon
lourd à Predikboom, près de Clercken, les marins allemands avaient
apporté la preuve que l’on pouvait largement dépasser la portée de 30
kilomètres.
Originellement construits pour équiper des croiseurs
lourds, ces canons ne prirent jamais la mer car la guerre ayant avancé
plus vite que la construction des croiseurs allemands, on décida de
disposer de ces affûts en campagne. La portée initiale était de 20
kilomètres, elle passa entre 30 et 40 parce qu’à terre, la pièce gagnait
en stabilité. Les premiers exemplaires furent installés devant Verdun
dès 1914 et les premiers tirs sur Douaumont débutèrent en 1915 mais ils
passèrent inaperçus car ils étaient couplés à ceux de pièces de 420 mm. A
Predikboom, les tirs commencèrent contre Poperinge dès le 26 avril 1915
puis contre Dunkerque deux jours plus tard. La guerre avait alors pris
un autre visage pour les Dunkerquois. Et encore, ils ne subirent pas la
version montée sur rails. Les efforts déployés pour détruire ce canon
furent extraordinaires : bombardements aériens, canons lourds sur rail…
Finalement,
la pièce se tût mais une menace pesait à nouveau début 1917 sur le camp
retranché : à Leugenboom, les canonniers allemands construisent en
février une nouvelle batterie.
Un nouveau monstre d’acier
Au sud d’Ostende, à la limite de Leugenboom, Moere et Koekelaere, la batterie Pommern, de la Kriegsmarine est un monstre d’acier qui - comme sa sœur aînée - a de quoi faire peur.
Elle
est installée sur une cuve en béton armé avec abris et soutes pour
stocker et assembler obus et gargousses. L’approvisionnement est manuel :
les canonniers amènent les ogives sur un chariot pour les enfourner par
la culasse et préparer le tir, opération difficile car, en fonction de
la charge, le poids varie entre 700 et 900 kg. De plus, les enveloppes
d’acier de 38 cm de diamètre peuvent contenir des explosifs. Les tirs de
Leugenboom commencent en mars 1917 pour contrer la menace grandissante
d’une offensive alliée dans les Flandres. Pour sa protection, les
Allemands installent des batteries de 280 mm sur rail dans l’hippodrome
d’Ostende, distant de quelques kilomètres aux tirs terriblement précis.
Par
malchance, certains obus font mouche. Le 27 juin, l’un d’eux tombe sur
un wagon chargé de munitions à l’aviation maritime dans le chantier de
France faisant 15 victimes anglaises, le même jour 23 marins sont
touchés au bastion 29. Le 2 septembre, un obus coule le vapeur Ville de
Cette au Freycinet IV. Le 11 septembre 1917, le jour où Guynemer
disparaît, un commerce de l’avenue Maurice Berteaux – à
Saint-Pol-sur-Mer - prend un obus de plein fouet, demandant plusieurs
jours aux pompiers et aux soldats anglais pour dégager les victimes.
La
cadence augmente avec le premier trimestre 1918, la batterie Pommern
tire presque tous les jours sur l’agglomération. En 1918, les obus
s’abattent aussi sur de plus petites localités telles Socx, Bierne,
Quaëdypre, Warhem… Seules quelques rares communes comme Fort-Mardyck ou
une partie importante de Petite-Synthe échappent au feu allemand. Par
chance, elles sont à la limite de la portée de la batterie. Sur le
littoral ou à proximité, d’autres canons prennent les villes pour cible
comme le Lange Max de Sailly-Laventie qui visait Cassel en juin 1918.
Une vie après la guerre
Le
Lange Max de Leugenboom connut une prospérité rare. Les Allemands
laissent un canon intact que les Belges sabotent pour éviter qu’il ne
serve eau cas où l’ennemi reviendrait. Ils abaissent le canon, plaquant
sa bouche contre le parapet de béton armé et tirent, pensant fausser le
tube. L’obus éventra le mur et atterrit quelques centaines de mètres
plus loin. Attirant les visiteurs, tant civils que militaires, il devint
un terrain de jeu prisé des enfants et l’on venait se faire
photographier, si possible en se glissant dans la gueule intacte de la
bête.Une génération plus tard, les Allemands revinrent et détruisirent
tout le site, ne laissant plus subsister que la base de la cuve et le
pivot central.
Aujourd’hui, on peut en visiter les restes ainsi
qu’un musée reconstituant la vie de la batterie et retraçant la Grande
Guerre en Belgique avec nombre d’objets devenus rares en essayant
d’imaginer la terreur que le monstre provoquait. (Batterij Pommern – Lange Max, Clevenstraat 2, à Koekelaere, ouvert de mai à septembre l’après-midi, possibilité de se restaurer)
Merci pour ce document et ces belles photos.
RépondreSupprimer