Exposé de M. Théo Leveau, Urbaniste en Chef de la
reconstruction de Dunkerque
In collectif – « L’habitation ouvrier dans l’agglomération
dunkerquoise », CAUE, 1981, 89 p., pp.57-59
Le projet d’aménagement et de reconstruction a été étudié
avec l’idée dominante de relier et d’unifier les cinq satellites rayonnants avec
le centre-Dunkerque, pour équilibrer les intérêts qui s’interpénètrent et
augmenter la vitalité et l’épanouissement de l’ensemble dans le cadre du Plan
régional…
Aux destructions de 1940, s’ajoutent celles de l’occupation
prolongée de la poche de Dunkerque, libérée en mai 1945.
Le bilan des destructions, d’après les chiffres donnés par
les services du ministère de la Reconstruction sont les suivants :
Nombre d’immeubles avant-guerre : 3.362
Immeubles totalement détruits : 1.524
Immeubles fortement endommagés : 805
Immeubles réparables : 1.032
Le nombre des immeubles à reconstruire est donc d’environ
2.300 sur un total de 3.362…
L’utilisation des destructions massives de la zone nord de
Dunkerque doit permettre une augmentation de la surface des constructions :
c’est-à-dire qu’il faut procéder à une refonte profonde des quartiers
commerçants et d’habitation. Le regroupement, en dehors de la cité, de
certaines industries qui encombraient le centre, leur assurera par ailleurs, un
meilleur développement…
Le type d’habitation qui convient le mieux à la vie
familiale doit correspondre au moins à 4 pièces et si possible un jardin de 250
m². Si le terrain le permettait, ce serait donc vers des types de maisons
individuelles de 4, 5 et 6 pièces avec jardin qu’il y aurait lieu de s’orienter,
mais étant donné l’exiguïté du territoire communal et le climat, il semble qu’il
sera nécessaire d’adopter les immeubles collectifs dans une proportion
raisonnable. Ceux-ci ne devant pas dépasser 3 ou 4 étages sur rez-de-chaussée.
(La hauteur des constructions à Dunkerque avait rarement plus de deux étages
droits surmontés d’un comble aménagé)…
Zonage
Le territoire de Dunkerque est divisé en quatre zones
distinctes :
a) Zone de reconstruction en ordre continu et
groupes d’habitations collectives
Cette zone comprend la ville
basse, le quartier de la gare, le centre de Dunkerque, la partie nord de l’avenue
Carnot et le secteur de la plage aux abords du Casino.
Dans cette zone, trois secteurs
sont réservés à la construction d’habitations collectives.
1.
3 ilots en bordure du canal de Bergues et 3
ilots en bordure de la rue St-Charles ;
2.
De part et d’autre de la rue Ste-Barbe prolongée ;
3.
De part et d’autre de l’avenue Carnot, des deux
côtés du canal exutoire.
b) Zone de construction en ordre discontinu
Cette zone comprend différents
secteurs localisés en bordure de la voie d’accès direct à la plage, dans
lesquels sont prévus les grands établissements scolaires et deux quartiers résidentiels
situés au nord de l’avenue Carnot, de part et d’autre du canal exutoire.
c) Zone industrielle et des entrepôts
La zone des entrepôts et des
constructions navales comprend :
- Le quartier du jeu de Mail
-
L’île Jeanty
-
Le territoire de Saint-Pol dans la zone de l’arrière-port
-
Les chantiers de construction navale, en arrière
des bassins de la Marine et de l’arrière-port
-
Le quartier de la Citadelle
- Les ateliers des Chantiers de France et les
entrepôts et les entrepôts situés de part et d’autre de la rue de Turenne.
La zone industrielle s’étend sur
le territoire communal de Petite-Synthe, en bordure du canal de Bourbourg et à l’abri
des vents dominants. Il est souhaitable que les industries détruites du centre
de Dunkerque soient reconstruites dans cette zone.
d) Zone portuaire
La zone portuaire, enfin,
comprend les emprises du domaine maritime s'étendant sur le reste du territoire
communal.
Voies urbaines
Le réseau des voies nouvelles dans la zone sinistrée (centre
de Dunkerque) n’a pas fait l’objet d’un bouleversement total.
Les modifications apportées au plan de reconstruction
consistent surtout à régulariser le tracé ancien pour tenir compte des vents
régnants, des monuments intacts ou susceptibles d’être réparés et déterminer la
création d’ilots abrités, de forme sensiblement rectangulaires facilitant la construction.
En effet, ce tracé ancien était en général, satisfaisant en
ce qui concerne les rues orientées est-ouest, qui sont élargies selon les
besoins.
Par contre, les voies dirigées nord-sud ont été remaniées et
disposées avec des décalages successifs au débouché des dégagements ou des
places, créant avec les précédentes une articulation recherchée en vue d’obtenir,
en particulier dans le secteur commercial, un centre vivant et humain.
Ces dispositions permettent, au surplus, de respecter l’aspect
traditionnel de la ville auquel les habitants sont tellement attachés, sans
compromettre la réalisation d’un programme d’esprit moderne.
Equipement
administratif et social
Dans l’île de la Citadelle, a été réservée une superficie de
1.400 m² pour un centre maritime 5 chambres de commerce, bureaux des ponts et
chaussées, de la marine marchande, de la douane du port.
Localisé aux abords de l’Hôtel de ville, le centre civique
comprend les bâtiments pour la police et le regroupement des services
administratifs.
Le centre des affaires comme dans le passé, est localisé
autour de la place Jean-Bart. Point brillant d’aboutissement au centre de la
ville avec sa statue légendaire, elle constitue le pivot de l’agglomération
vers lequel tout semble converger. En continuité avec la place du Marché
agrandie non loin de la place de la République, chacune d’elle pourra jouer son
rôle actif.
Les rues commerçantes d’accompagnement sont pour la plupart
maintenues à leurs emplacements primitifs, quelquefois légèrement déplacées et
sensiblement élargies. Le développement linéaire des boutiques est supérieur à
l’ancien ; il offrira davantage de
facilités au remembrement pour localiser la majeure partie des 2.000
commerçants de Dunkerque et pour satisfaire, au surplus, à de nouvelles
demandes.
D’autre part, les ilots déterminés par ces rues commerçantes
sont étudiés pour permettre généralement des accès intérieurs aux véhicules, de
manière à desservir les magasins par les arrières boutiques.
Egalement dans quelques ilots susceptibles d’être construits
en copropriété et pour augmenter, éventuellement, le développement linéaire des
magasins, les entrées des appartements seront aménagées sur la cour intérieure.
Cette disposition permet d’avoir seulement un ou deux accès sur rue.
Lorsque ces ilots sont traversés par un passage obligé,
ceux-ci seront traités en cours intérieures commerciales.
La place du Théâtre, plus calme, servira de cadre à
différents édifices constituant le centre culturel. En premier lieu, le
théâtre, déplacé au nord de la rue Emery, qui présentera sa face d’entrée vers
le sud et formera le fond de la perspective orientée nord-sud ; par
opposition, les entrées secondaires s’ouvriront à l’ouest sur un jardin public.
Le musée sera reconstruit à son emplacement avec possibilité
d’extension en retour sur l’avenue d’accès ou parallèlement s’élèvera le
conservatoire, bâtiment de même valeur architecturale et spirituelle.
La possibilité de voir s’édifier une nouvelle
sous-préfecture, d’un caractère plus en rapport avec l’importance de l’arrondissement,
a été réservée dans ce même centre.
Etant donné la création du nouveau quartier de la zone nord,
il a toujours été envisagé, dans l’élaboration du plan, de réserver un
emplacement destiné à la réalisation d’une église, qui pourrait éventuellement
commémorer le sacrifice de Dunkerque.
Quant aux monuments historiques non détruits, il convient d’encadrer
la masse puissante du beffroi par une architecture aux lignes simples et basse pour
conserver son échelle, d’accompagner le chevet de l’église St-Eloi d’un jardin
lapidaire et d’isoler dans la verdure la porte du parc de la Marine.
Les destructions ont affecté la presque totalité des
établissements scolaires de Dunkerque et ceux qui subsistent se trouvent
malencontreusement ans des quartiers qui vont changer d’affectation ou qui ne
permettent pas d’y apporter les améliorations indispensables ; le problème
de l’équipement scolaire a donc dû être considéré sous l’angle d’une
réorganisation complète, établie en fonction de la densité de la population et
de l’essor considérable que vont prendre collèges et écoles pratiques.
Des extensions sont, par ailleurs, prévues pour chacun des
terrains de sport existants : stade du Fort-Louis et stade Jacobson.
La surface des espaces libres aménagés, non compris les
terrains de sport et le cimetière, a été augmenté de 12 ha et représente dans
le projet une surface totale de 26 ha. Ces prévisions répondent aux besoins en
espaces libres de la ville, sans toutefois offrir aux vents de trop larges
dégagements ni grever le budget d’un important entretien de jardins toujours
très onéreux…
« Le sacrifice de Dunkerque » ne doit pas être
vain. Les habitants, avec l’esprit de compréhension et la volonté qui les
caractérisent, sentent que leur ville peut et doit renaître, adaptée aux
exigences nouvelles, pour reprendre son rang parmi les plus grands ports du
pays.
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