In Grégoire de Tours – L’Histoire
des rois francs – trad. J.J.E. Roy, collection L’aube des peuples, éditions
Gallimard, 1968, 200 p., pp 347-38
Le baptême de Clovis, tapisserie, Palais du Tau, Reims
« Ragnachaire, roi de Cambrai, avait des mœurs si
déréglées que ses parents et ses proches n’étaient point à l’abri de ses
passions effrénées. Il avait pour favori et confident un nommé Farron, souillé
des mêmes vices que son roi ; quand on apportait au roi un mets, ou un
présent quelconque : « Cela suffira, disait-il, pour moi et mon
Farron ». Cette conduite avait soulevé au plus haut degré la colère et l’indignation
des Francs. Clovis, qui était instruit de leurs dispositions, fit présent aux
leudes de bracelets et de baudriers d’or en apparence, mais qui n’étaient que
de cuivre doré, afin de les déterminer à trahir Ragnachaire ; puis il
marcha son armée contre le roi de Cambrai. Celui-ci envoya des éclaireurs pour
savoir ce qu’était cette nombreuse troupe qui s’avançait vers la ville ;
ils revinrent bientôt lui annoncer que c’était un renfort considérable qui
arrivait pour lui et pour son Farron.
Bientôt Clovis commence l’attaque ; mais voyant son
armée n’opposer aucune résistance, Ragnachaire voulut prendre la fuite. Alors
ses soldats l’arrêtèrent, ainsi que son frère Richaire, leur lient les mains
derrière le dos, et en cet état les livrent l’un et l’autre à Clovis.
En les voyant, Clovis dit à Ragnachaire : « Pourquoi
as-tu déshonoré notre famille en te laissant ainsi garrotter ? Il vaudrait
mieux que tu fusses mort. » Alors il lève sa hache, et lui fend la tête.
Puis se tournant vers Richaire : « Si tu avais secouru ton frère, il
n’aurait pas eu l’humiliation d’avoir été conduit les mains liées. » en
disant ces mots, il lève sa hache, et le tue de même.
Après la mort de ces deux princes, ceux qui les avaient
trahis reconnurent bientôt que l’or qu’ils avaient reçu pour prix de leur crime
était faux ; ils vinrent s’en plaindre au roi, qui se contenta de leur
répondre : « ceux qui livrent volontairement leurs maîtres à la mort
ne doivent être récompensés qu’avec de l’or faux », ajoutant qu’ils
devaient s’estimer heureux de conserver la vie, et de ne pas expier dans les
tourments leur infâme trahison. Cette réponse leur imposa le silence, et ils
regardèrent comme une grâce qu’on leur laissât la vie.
Ces deux princes, dont nous venons de parler, étaient proches
parents de Clovis. Ils avaient encore un frère qui était roi du Mans. Clovis le
fit assassiner. Les trois frères étant morts, il s’empara de tout leur royaume
et de leurs trésors. »
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