In Jean-Pierre
Hernandez – « Alors, au port t’en souviens –tu ? » - autoédition,
Dunkerque, 259 p, pp. 205-206
« Le D.N.T.O. (nota : Division Navale Transport
Office, qui dirige la station-magasin anglaise de Dunkerque) emploie à lui seul
près de 4.000 dockers. Les autorités britanniques songent à les remplacer en particulier
par des travailleurs exotiques : Egyptiens, Cafres, chinois… et à verser
les récupérés dans ses régiment du front.
Dockers égyptiens et
chinois
Un beau jour, six cents Egyptiens débarquèrent au camp de la
Samaritaine. Habillés, comme disait Joseph Prudhomme, à la mode de leur pays,
ils avaient quitté les paisibles bords du Nil et le soleil éclatant de la terre
des Pharaons pour venir sous les cieux brumeux de la Mer du Nord. Conduits en
détachement, ils allèrent au travail. Pas pour longtemps…
Le spectacle des faisceaux lumineux des projecteurs se
promenant silencieusement dans les nues les plongea dans une stupeur
émerveillée, mais avec les bombardements, les explosions de torpilles, les
détonations des canons de la défense anti-aérienne, la stupeur émerveillée fit
place à une peur bleue.
Un mois jour pour
jour après leur arrivée, le 27 mai, un avion allemand bombarde, pendant la nuit,
le camp où ils se trouvent. Il y a des morts, des blessés. Cette fois la peur
fait place à une terreur irraisonnée, les Egyptiens s’enfuient de tous côtés. Plusieurs
en devinrent fous. L’un, enfermé dans un hôpital anglais de Malo, s’évada, un
couteau à la main. Square Jacobsen, il blessa plusieurs personnes. Comme il
menaçait de faire d’autres victimes, un douanier le tua d’un coup de fusil. Ce premier
essai d’emploi de travailleurs exotiques n’avait pas réussi. La base navale s’empressa
de faire repartir vers Marseille ou Bordeaux les descendants des sujets du roi
Tout-Ank-Amon.
Le D.N.T.O. fit alors appel à la main-d’œuvre chinoise. Un
train spécial amena le 7 juillet 1917 un premier contingent de 1.800 coolies.
On les logea au camp de Saint-Pol. Il y en eut rapidement près de quatre mille
presque tous originaires de la province de Waï-Heï-Weï. Ils travaillaient dix
heures par jour, touchant une solde variant entre un franc et deux francs
cinquante. Leur alimentation, à base de riz et de thé, était préparée suivant
les coutumes chinoises.
Aux heures de repos, ils ne pouvaient circuler que dans
Saint-Pol. Leurs compatriotes qui travaillaient à l’Usine des Dunes, ne
pouvaient franchir les limites de Rosendaël.
A plusieurs reprises, des bagarres se produisirent sur le
port en Chinois et cafres. Sur le quai Freycinet n°1, une altercation éclata un
jour entre dockers chinois et policemen anglais, elle menaçait de dégénérer en
émeute lorsque l’équipage d’un navire anglais eut l’idée de tirer des coups de
canon (à blanc, a-t-on dit) sur les émeutiers qui s’enfuirent éperdument jusque dans leurs cantonnements.
A côté de toute cette main-d’œuvre exotique, les maisons de
commissions et de transit de la place continuèrent à employer tous les dockers
civils qu’ils pouvaient recruter et souvent les autorités militaires de la base
navale durent avoir aussi recours à ces derniers pour activer le déchargement
de leurs transports de guerre (…).
Ce sont enfin de jeunes dockers de 16 à 20 ans qui eux aussi
font marcher le port, empêchant même les ouvriers belges de travailler à la
place de leurs pères qui doivent partir à la guerre. »
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