In Journal Le centenaire du siège de Dunkerque
1793-1893, exemplaire unique, Dunkerque, 9 & 10 septembre 1893,
La guerre étrangère avait commencé dès l’année 1792.
Dumouriez, vainqueur à Valmy et à Jemappes, était entré triomphalement à
Bruxelles.
L’exécution de l’infortuné Louis XVI détermina les
puissances de l’Europe à former la première coalition. La campagne de 1793
commence par des revers, Dumouriez est vaincu à Neerwinden par le prince de
Cobourg, et, devenu suspect à la Convention, il passe à l’ennemi. En présence
des dangers qui menacent le pays, le Comité de Salut Public donne les pleins
pouvoirs à un de ses membres, Carnot, officier du génie. Aidé de Prieur de la
Côte d’Or et de Lindet, le grand patriote se met aussitôt à l’œuvre, et, par
ses mesures à la fois énergiques et habiles, il sauve la France et mérite le
titre à jamais glorieux d’organisateur de la victoire.
L’Angleterre ne pouvait se consoler d’avoir perdu Dunkerque.
Aussi William Pitt, le chef du cabinet anglais, voulait-il la reprendre pour
avoir un pied sur le continent. Le duc d’York, fils du roi de la Grande-Bretagne,
reçut l’ordre de se porter sur notre ville. Laissant le prince d’Orange à Menin
et le feld-maréchal Freytag à Roesbrugghe sur l’Yser, près d’Oost-Cappel, il se
dirige vers Dunkerque avec 20.000 hommes.
La ville, entourée d’une simple fortification en sable
gazonné, était résolue à lutter jusqu’à la dernière extrémité : « Les
Dunkerquois, écrit Carnot, après une inspection faite avec le représentant
Duquesnoy, son collègue, ont à soutenir une gloire ancienne, et nous les avons
trouvés disposés à s’ensevelir sous les ruines de leur cité, plutôt que de l’abandonner. »
Le 23 août, l’avant-garde des alliés arrive au village de
Leffrinckoucke. Aussitôt le duc d’York somme Dunkerque de lui ouvrir ses
portes. Le général Pascal Kerenveyer, qui commandait place et l’arrondissement
avait eu pour successeur un enfant du pays, le général O’Méara ; celui-ci
fait cette réponse : « Investi de la confiance de la République, j’ai
bien reçu votre sommation de rendre une ville importante. J’y répondrai en vous
assurant que je saurai la défendre avec
les braves républicains que j’ai l’honneur de commander. »
Le général anglais, après avoir établi son quartier général
à Leffrinckoucke, échelonne ses troupes depuis les dunes jusqu’au pont de
Steendam.
Afin d’empêcher l’investissement complet de leur ville, les
Dunkerquois introduisent les eaux de la mer dans l’espace situé entre le Fort
Louis et le canal des Moëres mais ils ne réussissent pas à inonder le Rosendaël.
La garnison se composait de troupes de différentes armes et
des recrues du camp de Ghyvelde qui avaient fui lâchement à l’approche de l’ennemi.
C’est à sa vaillante garde nationale, qui se leva toute entière à la voix du
maire Emmery, que Dunkerque fut redevable de son salut. Du reste, la population
montra un dévouement admirable. Pendant que les hommes gardaient les remparts
et que les vieillards et les enfants faisaient des cartouches, on vit des
femmes de la plus haute condition se retirer à l’hospice St-Julien ou à l’église
St-Eloi, convertie en ambulance ; là, infirmières volontaires, elles passèrent
leurs jours et leurs nuits à panser les plus horribles blessures de leurs mais
frêles et délicates.
Dès le 24, les batteries anglaises commencent à bombarder la
place ; actuellement encore, on peut voir un biscaïen lancé par l’ennemi,
dans une maison située en face de la prison départementale.
Comme le feu des Anglais qui occupaient en force le Rosendaël
causait beaucoup de ravages dans la ville, on résolut de faire une sortie pour
les déloger de cette position. Protégé par le feu des remparts que dirige l’artilleur
Laurent Philippe, une partie de la garnison, commandée par le chef de brigade
Lanoue, et les grenadiers de la garde nationale, sous les ordres du commandant
Maurin, attaquent les lignes de l’ennemi. La lutte commencée à neuf heures du
matin ne se termine qu’à l’approche de la nuit. Là périt le général hessois d’Alton,
tué par un boulet que lança jacques, dit Girardeau, habile artilleur de la
milice citoyenne.
Le lendemain 25, les ennemis tentèrent de surprendre la
place, mais ils furent repoussés.
Cependant, la situation devenait de plus en plus critique. Il
était évident pour tous que la ville ne tarderait pas à succomber.
Le général O’Méara, regardé comme incapable, fut remplacé
par le général Souham auquel il fut adjoint Lazare Hoche, à peine âgé de
vingt-cinq ans.
Voici d’après Hoche lui-même, l’état dans lequel se trouvait
alors Dunkerque : « Cette place était absolument sans défense ;
les troupes désorganisées et harassées de fatigues… A force de travail nous
commençons à nous reconnaître. Pitt avait ici des agents. Des papiers incendiaires
ont été répandus, des signaux donnés à la flotte ennemie mouillée à trois
quarts de lieue de la ville. Les matelots frappés d’une terreur panique s’étaient
insurgés. Ces hommes égarés avaient forcé leur chef à quitter la station et
voulaient rentrer dans le port. »
Dans ces circonstances, Hoche montra les grandes qualités
qui devaient bientôt faire de lui un des plus illustres généraux de la Révolution.
A peine arrivé, il prend les mesures les plus rigoureuses : il adresse aux
habitants, aux matelots et aux soldats des proclamations empreintes du plus pur
patriotisme.
Le général Houchard avait reçu de Carnot l’ordre de
débloquer Dunkerque et Bergues. Avec l’aide des généraux Jourdan, Hédonville et
Vandamme, il parvient, après une lutte acharnée de trois jours (6,7 et 8
septembre), à chasser les ennemis des redoutes du moulin d’Hondschoote.
Le général Souham, qui avait été un instant remplacé par
Ferrand, avait repris le commandement de la place. Il aida puissamment Houchard
en retenant devant les murs de la ville l’armée de siège. Des renforts nombreux
étaient arrivés et la garnison s’élevait alors à près de dix mille hommes. Un souvenir
particulier est dû aux braves gardes nationaux d’Hondschoote, qui, chassés de
leurs foyers envahis, vinrent avec leur colonel Herrewyn concourir à la défense
de notre ville.
Le 6 septembre, Hoche dirigea une sortie vigoureuse du côté
de Rosendaël et porta le désordre dans les lignes ennemies. Le 7, il continua
ses manœuvres. La journée du 8 devait être décisive. Le duc d’York veut frapper
un grand coup ; vers midi, el canon du Rosendaël se met à tonner et la
cavalerie anglaise, longeant la plage, tente de pénétrer en ville par la porte
de l’Estran. Mais elle est arrêtée par les braves canonniers du capitaine Castagnier
et de Pierre l’Hermite, embossée le long des dunes. Les Anglais reculent en
désordre. En même temps, une vigoureuse sortie met en fuite l’infanterie
anglaise qui s’avançait vers la place.
Dans ces trois glorieuses journées, les alliés perdirent
plus de 800 hommes, et parmi eux le colonel du Génie Moncrif.
L’attaque sur Dunkerque avait échoué et les coalisés, vaincus
à Hondschoote, fuyaient en désordre. Le duc d’York, qui craignait à tout
instant de voir paraître Houchard victorieux et d’être coupé de sa retraite,
prit la résolution de lever le siège. Dans la nuit du 8 au 9, l’ennemi,
abandonnant son artillerie et ses munitions, se dirigea vers Furnes, sous les
ordres des généraux d’Alvinzi et Biéla.
Dunkerque était délivrée !
Quelques jours après, la Convention décréta qu’elle avait
bien mérité de la Patrie.
DECRET DE LA
CONVENTION NATIONALE
La Convention Nationale, après avoir entendu son Comité de
Salut Public sur les journées mémorables qui ont délivré Bergues et Dunkerque
des attaques des tyrans coalisés.
Décrète :
ARTICLE 1er – L’armée du Nord a bien mérité de la
Patrie
ARTICLE II – Il sera écrit par le Président de la Convention
Nationale une lettre de satisfaction aux citoyens de Bergues et de Dunkerque, à
l’armée du Nord, aux généraux Jourdan et Collard qui ont été grièvement blessés
après avoir contribué à la victoire, au soldat qui, après avoir eu un bras
emporté par un boulet de canon, s’est écrié : « j’en ai encore un
pour la République », ainsi qu’au volontaire national qui a emporté un
drapeau défendu par douze esclaves des tyrans.
ART. III – Les représentants du peuple près les armées sont
chargées de recueillir et de transmettre à la Convention Nationale les traits
de bravoure et les actions héroïques des défenseurs de la République.
Voici la lettre dont il est question :
« Paris, le 30 septembre 1793.
L’an II de la République Française.
Les représentants du peuple membres du Comité de Salut
Public.
Au Procureur de la commune de la ville de Dunkerque.
Nous avons reçu, citoyen, votre lettre du 11 courant et les
divers exemplaires de l’attestation donnée par le général Ferrand à la ville de Dunkerque ; la Convention
nationale n’a point attendu cette nouvelle preuve du civisme de vos concitoyens
pour leur témoigner sa satisfaction ; par son décret du 17 de ce mois,
elle a chargé son Président d’écrire à la ville de Dunkerque pour la féliciter
sur le civisme et le courage qu’elle vient de manifester d’une manière si
énergique et elle a décrété que cette cité avait bien mérité de la Patrie.
Les membres du Comité de salut Public chargés de la
correspondance
Signé :
CARNOT, COLLOT-DHERBOIS et BILLAUD-VARENNES »
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