Hier, dans le cadre des journées du patrimoine, le Tribunal de Grande Instance de Dunkerque était exceptionnellement ouvert au public. Pour l'occasion, le Président du Tribunal et le Procureur de la République m'ont demandé d'y exposer certains de mes clichés et des documents anciens issus de mes archives personnelles dans la salle des pas perdus. Pour ceux qui n'auraient pu se déplacer et qui seraient intéressés par le sujet, je me permets de porter ici à leur connaissance les éléments de cette exposition.
Le Palais de Justice de Dunkerque achève
enfin une restauration longuement attendue. Bientôt les façades noircies ne seront plus
qu’un souvenir. Il est vrai que, relativement épargné par les deux guerres, il
n’avait guère nécessité de grands travaux, tout au plus perdit il le jardin et
ses grilles devant son entrée.
Le tribunal est construit dans un
quartier en profonde mutation. En 1819, le bassin Sainte-Thérèse, près de
l’ancienne place au fumier, appelé port au bois, est comblé alors qu’est
construit un quai de 245 mètres de long. Sur cet ancien bassin est aménagée une
nouvelle place, le marché aux pommes remplace l’entrepôt aux fumiers et accueille
un temps l’usine à gaz pour l’éclairage électrique puis le Palais de Justice.
La place se complète enfin par une passerelle pour rejoindre la Basse-Ville en
1822, remplacée par une passerelle d’acier en treillis en 1907.
Alors que Dunkerque est siège de
juridiction en lieu et place de Bergues à partir de 1804, le département passe
commande à François-Napoléon Develle d’un tribunal au début des années 1850. La
ville se développe et il faut un bâtiment à la hauteur de la solennité des
lieux.
Les plans sont dressés en 1855 mais
F.-N. Develle présente plusieurs projets de façade. La construction est freinée
par des difficultés avec l’administration en raison de la nature du terrain
(l’ancien bassin au bois peut se révéler instable). Finalement inauguré en
1864, le Palais est un édifice isolé des quatre côtés dont les façades sont
rythmées par les pilastres et des colonnes d’ordre classique alors que le
fronton porte une allégorie de la Justice sculptée par le lillois Huidiez.
A l’intérieur, une fois la portée
passée, l’on découvre un vaste hall surplombé par deux galeries soutenues par
des colonnes à chapiteaux ioniques, un escalier d’honneur permettant l’accès
aux salles d’audience et une haute baie vitrée éclaire le tout en dévoilant la
cour intérieur.
Le Palais de Justice s’inscrit bien
dans le quartier qu’il domine, il reste, malgré la reconstruction de belles
demeures de la seconde partie du XVIIIe siècle (Place du Palais de Justice, rue
Albert Ier, rue du Sud, rue de Soubise notamment)
Si François-Napoléon Develle
(1805-1878) a considérablement marqué Dunkerque de son empreinte, la plupart
des bâtiments qu’il a édifié ont aujourd’hui disparu, surtout en raison des
bombardements. Arrivé à Dunkerque en 1833, il seconde l’architecte de la ville
Charles Henry, qu’il remplace à son décès en 1837 et devient en même temps
architecte départemental. Faisant partie des notables, membre de plusieurs
associations et commissions, il a une importante production architecturale.
Des nombreux bâtiments dont il
élabore les plans, l’on peut encore admirer l’église Saint-Martin et son
presbytère, le temple protestant (au quai au bois), l’école communale de la rue
de la Paix, et hors de Dunkerque, quelques écoles, des mairies, des églises
dont la reconstruction de celle de Bissezeele.
La plaque inaugurale passe le
plus souvent inaperçue, elle se trouve dans les bureaux de l’accueil du
Tribunal et renvoie à un temps désormais révolu.
En 1854, l’Eglise et l’Etat
n’étaient pas séparés et le régime politique était le Second Empire. Rien
d’étonnant que l’archevêque de Cambrai fut présent pour bénir le bâtiment. Mais
pourquoi l’archevêque de Cambrai ? Tout simplement parce que l’Evêché de
Lille n’a été créé qu’en 1913 !
La place du Palais deJustice avant 1907
Pendant la première guerre mondiale
durant l'entre-deux-guerres
Photogramme IGN 1947
au cours des années 50
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