Son buste trône à l’entrée – côté ville – du parc de la
Marine, et pourtant, combien de Dunkerquois peuvent se targuer de connaître la
demoiselle. Tout juste peuvent ils en règle général dire qu’elle eût un lien
avec Lamartine, poète politicien, surtout électeur de Bergues… Facile, en effet
car un médaillon le réprésentant est fixé au piédestal.
Angélique-Caroline-Omérine
Colas, est née en 1793. Elle est la fille des fermiers du domaine seigneurial
du Houssay en Seine-et-Marne. Cette petite femme mince et élégante, était
réputée fine d’esprit, dotée d’une vive intelligence, et semble-t-il, emplie d’humilité.
D’ailleurs, férue de saint Augustin et de Pope, elle avait étudié seule le grec
et le latin et lisait des textes philosophiques en anglais.
A 21 ans, elle épouse Claude-Jacques Angebert, un
commissaire de la Marine qu’elle suit à Corfou et à Trieste. En 1818, le métier de ce dernier les amène à
Dunkerque, la cité corsaire du Nord où elle demeurera jusqu’en 1835 (voir plus bas). La femme
du monde, philosophe et poète, « tient salon ». Rien d’exceptionnel,
le phénomène est à la mode et complète les chambres de réthorique flamandes.
Petit à petit, elle va y jouer un rôle social et politique dans une époque où
les femmes ont rarement le droit à la parole, tant à cause du droit que des
habitudes sociales et familiales.
Elle entame une correspondance suivie avec le philosophe
Victor Cousin, grâce à laquelle elle perçoit la nécessité de faire de la morale
le centre et le but de la philosophie. Très vite, elle s’enhardit à lui
apporter la contradiction, notamment sur la condition des femmes. De 1829 à
1838, elle lui adressera à des commentaires pertinents sur ses cours en
Sorbonne.
Ella avait par ailleurs fait la connaissance de Mme de
Coppens, la sœur de Lamartine, qui habitait Hondschoote. C’est sous doute en
raison de cette proximité qu’elle soutint le poète alors qu’il se lançait dans
sa campagne pour la députation dans l’arrondissement de Bergues, en 1831.
Le 7 janvier 1833, au cours de son voyage en Orient (juin
1832- septembre 1833), le poète sera élu député de Bergues et Caroline Angebert
dut s’en réjouir, elle qui avait œuvré avec passion en ce sens?
En janvier 1835, son mari part à la retraite et elle le suit
à Paris. Elle écrit alors les vers du poème « A la ville de Dunkerque ».
L’eloignement ne l’empêche nullement de garder contact avec la famille de
Lamartine, brisée par la mort de leur fille Julia en janvier 1833. Elle devient
secrétaire du comité de patronage que l’épouse du poète avait fondé pour venir
en aide aux femmes libérées de Saint-Lazare. En 1848, atteinte de surdité
précoce, elle quitte Paris pour Provins et y distille une certaine mélancolie.
Caroline Angebert reste fidèle à Lamartine qui, après avoir
connu une popularité immense en 1848, notamment en imposant le drapeau
tricolore face au drapeau rouge, lors des journées révolutionnaires mais il abandonne
la politique à la suite du coup d’Etat de 1851 fomenté par Louis-Napoléon
Bonaparte, et ne cesse de publier des ouvrages pour payer les dettes qu’il a accumulées. Dès 1856, elle
souscrit elle-même à ses Entretiens de littérature. Puis, celle qui aurait tout
donné pour sauver le patrimoine de son héros repart en campagne afin de lui
recruter des abonnés. Mais les efforts de Caroline restent vains puisque,
quasiment ruiné, Lamartine devra vendre sa propriété de Milly et accepter la
rente viagère que lui attribuera un régime qu'il réprouve.
Lamartine meurt le 28 février 1869, Caroline Angebert, elle
décède plus de dix ans après, le 14 novembre 1880. Sur la tombe de cette femme
fidèle et dévouée, on gravera ce qui
pour elle était sans doute son seul titre de gloire : « Ci-gît une amie de
Lamartine.
Voici donc comment Caroline Angebert vivait son départ de Dunkerque en 1835:
A LA VILLE DE DUNKERQUE
1835
Ne pourront-nous jamais
sur l’Océan des âges,
Jeter l’ancre un seul
jour
Lamartine
Dunkerque ! ville
aimée et qui me fus si bonne,
Il faut nous séparer –
Tout subit cette loi.
C’est mon passé,
moi-même, hélas ! que j’abandonne,
En m’éloignant de toi
Car tu m’as donné tout
ce qui fait vivre l’âme :
La douce bienveillance
et la tendre amitié.
Le ciel qui de mes
jours veut partager la trame,
T’en laisse une moitié.
Garde-là, beau pays, tu
la rendis heureuse,
Garde tout ce passé
dans ton vaste avenir ;
Moi, je rattacherai ma
barque voyageuse
A ton cher souvenir.
Ma parole n’est point
légère et fugituve ;
Depuis long-temps je t’aime
et tu peux croire à moi.
Je te nommaus du nom de
patrie adoptive,
J’etais fière de toi.
J’aimais à retrouver
dans ton antique histoire
L’indépendance innée au
cœur des vrais flamands,
Et le mien s’enflammait
au récit de la gloire
De tes nobles enfants.
J’aimais ton sol
heureux, tes riches paysages ;
De toi tout me
charmait, tien n’était amer ;
J’aimais tes vieux
remparts et tes dunes auvages,
Et ton ciel et ta mer !
Vent ! dont je
redoutais les trop vives atteintes,
Tu me plais aujourd’hui,
viens encore me chercher,
M’annoncer le bonheur,
ou l’espoir, ou les craintes
De tout ce qui m’est
cher !
Ce qui m’est cher ici c’est
tout ce que je laisse :
Chaque âge, à mes
regrets, chaque nom vient s’offrir.
J’ai vu s’épanouir la
brillante jeunesse,
J’ai vu naître et
mourir !
Hélas ! Combien
souvent on s’ignore soi-même !
Vous que je croyais
voir d’un œil indifférent,
Je vous regrette aussi,
je sens que je vous aimé…
Je vous quitte en
pleurant.
Vous tous !
Pardonnez-moi, j’oubliai d’être aimable,
C’est que nous oublions
que le temps passe et fuit,
Qu’il fuit en imprimant
la trace ineffaçable
Du jour présent qui
luit.
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